Une taverne lugubre au plus profond des bas-fonds d'une petite île perdue dans la mer de West Blue. Si je n'avais pas eu l'adresse, je n'aurais jamais trouvé. D'ailleurs, je me demandais si ce lieu était légal ? Pas que je sois tatillon sur les lois, au contraire, mais ma curiosité me faisait me questionner. Le gars qui m'avait donné rendez-vous était bien là, encapuchonné comme la veille. Je reconnaitrais ses vêtements entre mille, si élimés, si vieux et si dépareillés qu'il n'y avait aucun doute possible. Je me dirigeais vers lui avec un large sourire. Et sans discrétion aucune.


Mon interlocuteur fit un bond en arrière de surprise. Il serrait la mâchoire pour ne pas me coller une baffe devant tout le monde. Ne s'attendant pas à me voir débarquer la bouche en cœur dans un tel lieu, il était perplexe quant à mon utilité pour le Mouvement, comme il le nommait. Ok, j'avais ma petite réputation qui jouait en ma faveur, mais Sony se demandait si tout cela n'était pas usurpé, et si au final je n'étais pas un petit escroc de pacotille qui voulait surfer sur la notoriété d'un véritable héros.

"-Bienvenu, monsieur Presclay, c'est ça ?

-Pas du tout crétin, je suis Elvis Presslay, chanteur de renom et poète à mes heures perdues ! Tu m'as bien fait venir ici pour que je fasse un concert ? J'te préviens, rien n'est gratuit hein, faut que j'fasse vivre la famille moi !"

Comment était il possible d'être autant à côté de la plaque ? Comment même avais-je pu comprendre que j'étais là pour un concert ? Il avait pas parlé de musique à un moment ? Ou alors mon cerveau me jouait encore des tours ? Pas impossible, surtout au vue de la réaction de mon interlocuteur qui me regardait avec de grands yeux, ne semblant pas comprendre mes propos.

"-Dahdahdahdahdah ! Alors, tu me donnes combien ?

-Euh, je crois qu'il y a un quiproquo, Monsieur. Moi, je voulais discuter avec vous de ce qu'il se passe sur cette île, vous avez juré au gamin que vous l'aideriez à nous sauver, vous ne vous rappelez pas ?"

On pouvait lire une grande déception sur son visage, mais en effet, je ne me rappelais de rien. D'après lui, en arrivant sur l'île dans la matinée, accompagné de mes deux compagnons, nous avions rencontré dans une taverne un groupe d'habitants de l'île qui se plaignaient fortement des agissements des soldats de la Marine. Impossible de me rappeler de ce moment de la journée, je devais être trop saoul du petit dej, mais la description qu'il fit de Jim et de Joann était ultra fidèle, pas de doute, j'avais encore parlé trop vite sans réfléchir comme d'habitude et maintenant je ne pouvais plus me désister sans passer pour un gros lâche.

"Donc, je vous disais, sur l'île il n'y a pas de garnison, on est trop petit pour ça, mais ils viennent une à deux fois par semaine, soit disant pour nous aider contre les pirates. Mais en réalité, il n'y a quasiment aucun pirate qui passe ici, y'a rien à piller et on n'a que très peu de nourriture. La seule chose qui les intéresse c'est notre liqueur. C'est vrai que c'est notre fierté ici, mais ils nous pillent tous nos stocks et sont violents quand on veut les empêcher de tout nous voler. Faites quelque chose s'il vous plaît !"

COMMENT OSAIENT ILS VOLER DE LA LIQUEUR IMPUNÉMENT ? Je bouillonnais en entendant cette horreur commise par ses soldats qui, une fois de plus, prouvaient que la Marine était pourrie jusqu'à l'os. Ça me rappelait les véritables raisons de ma désertion il y a maintenant quinze ans. Enfin, moi c'était encore pire, j'avais même intégré le Cipher Pol. Pourquoi? J'étais jeune et naïf à l'époque et je rêvais déjà de justice. Et pour moi, le Gouvernement Mondial était le "bon" camps. Bon, j'avais 17 ans aussi quand je m'étais engagé et j'étais un idéaliste, c'est vrai. Pour moi les pirates n'étaient que des barbares qui , sous couvert de liberté, pillaient et massacraient les populations. Il faut dire qu'en 1497, date de mon entrée dans la Marine, tout était différent. Il n'y avait pas encore tous ces équipages pirates, les Empereurs n'existaient pas et seul quelques grands noms faisaient la Une des journaux, comme Gol. D Roger ou encore Xoth, la pire abomination de cette terre.

C'est seulement 3 ans plus tard, tandis que j'étais Lieutenant sur l'île de Logue Town que je pris conscience de l'horreur qui se profilait. L'exécution du "Roi des Pirates" sur l'échafaud fut une énorme erreur du Gouvernement, puisqu'au lieu de tout arrêter, une immense vague de piraterie débuta. Tous les hommes qui au fond d'eux rêvaient de liberté prirent la mer, commettant tant de meurtres et de pillages que nous étions totalement submergés dans un premier temps. Mais je tenais bon et je gravissait les échelons, repoussant la barbarie du mieux que je pouvais. En 1502, alors que j'étais promu Capitaine, je fus appelé, comme beaucoup d'unités aux alentours, sur l'île d'Ohara. Ce qu'il se passa ce jour me changea totalement. Je fais tout pour oublier ce que j'ai dû faire pour obéir aux ordres donnés par mes supérieurs. Je regrette tous les matins d'avoir fait ce que j'ai fait à ces hommes, femmes et enfants qui n'avaient commis aucun réels crimes, si ce n'est, vouloir en connaître plus sur l'histoire de notre monde. C'est pour cela qu'aujourd'hui je cherche la rédemption en aidant le plus de monde possible contre ce Gouvernement corrompu.

Mais la prise de conscience a été longue, il faut bien l'avouer. Après le massacre d'Ohara, je suis resté encore cinq longues années au service de la Marine d'abord, puis du Cipher Pol jusqu'à l'incident avec Kropotkine. Enfin, l'incident, c'est très faible comme mot pour décrire ce qu'il s'est passé. En réalité, cet homme a été torturé en place publique, devant le monde entier. Pourquoi ? Parce qu'il avait osé dire tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas. Et moi qu'ai-je fait dans l'histoire ? J'ai voulu sauver cette homme en allant le détacher, mais avant même que je n'arrive à ses côtés, je m'étais fait intercepter par le Vice-amiral Fujita qui en un coup m'avait assommé. Mais cela ne suffit pas aux Dragons Célestes qui exigèrent qu'on me vire du Chiper Pol et qu'on me transforme en esclave. Je suis resté inconscient pendant une journée entière, avant de me réveiller, assis, dans une pièce sombre et exiguë. En essayant de lever la main pour me toucher les cheveux, je sentis une douleur extrême au niveau des poignets. Bon, je m'égare totalement dans mes souvenirs ennuyeux. Il est grand temps de revenir au présent et de botter le cul de ces affreux soldats corrompus qui ne font qu'user de leur dominance pour leur propre plaisir, sans aider la population et au contraire, l'asservir un peu plus encore.

"Ok mon gars ! Je veux bien vous aider, mais c'est vraiment parce que je l'ai promis au gamin !"

Je sortais un Den Den Mushi de poche et appelais mes acolytes.

"Jim, c'est moi ! Je viens de voir le vieux…. Ouais… ouais… Oui, je sais… Écoute, j'ai besoin de toi… Ouais, on fait comme d'habitude ! Et dis à Joann de se tenir prête ! Rendez-vous dans une heure !"



Jim faisait partie de ces hommes très doué pour allumer la bonne mèche au bon endroit et faire partir le feu d'une révolution en touchant les gens pile là où il fallait. Très à l'écoute, il savait exactement quoi dire et à quel moment pour que les habitants d'une île qui sont oppressés deviennent fous et décident de se révolter. Le plus important était que ce soit les habitants qui fassent le plus important, pas nous. J'ai appris ça avec les actuels Leaders de la Révolution, Kropotkine et Greta Fata. Je ne les connais pas personnellement, mais ils m'ont libéré après 10 ans d'esclavage dans ce qui fut la plus grande libération d'esclaves connue à ce jour. Leur discours ce jour là, ainsi que leurs actions m'ont galvanisé au point de vouloir moi aussi devenir un révolutionnaire. Au fond, c'est ce que j'ai toujours voulu être, malgré mes mauvais choix passés. Mais, tandis qu'eux sont devenus de grands noms, moi qui ai préféré partir de mon côté, je n'ai pas rencontré le même succès. Enfin, j'ai favorisé une méthode plus "gentille", en préférant faire en sorte que les habitants se révolte au lieu de leur imposer mon point de vue. J'en ai profité pour apprendre à jouer de la musique et à lire des cartes maritimes. Peut-être que l'abus d'alcool est dangereux pour la Révolution ? Oui, c'est fort probable.

Une heure plus tard, après un petit discours pour motiver les 4 clients du bar à se joindre à nous pour mettre une raclée aux soldats, nous sortions pour nous rendre au point de rendez-vous avec Jim et Joann. Ils avaient, de leur côté, réussi à rassembler plus d'une cinquantaine d'hommes et de femmes prêts à se battre. Le plus dur restait à faire désormais. Lorsque les soldats arriveraient, quasiment la moitié de nos troupes fuiraient par peur, c'était un grand classique. Et cela se réalisa exactement comme je l'avais prédit. Sur les cinquante que nous étions, seul une vingtaine se tenaient devant les soldats de la Marine, surentraînés et bien mieux armés que nous, qui n'avions que quelques sabres de pacotille et trois fusils pour tous. Je me trouvais au milieu, devant, tandis que nous étions rangés sur 2 lignes. Une chose cependant m'interrogea, les soldats n'avaient pas l'air surpris, au contraire, ils semblaient très sûrs d'eux.

"-Messieurs, nous pouvons éviter un bain de sang, il suffit que vous repartiez dans votre caserne en laissant les habitants de cette île tranquilles et surtout, laissez leur cette liqueur si chère à leurs yeux !

-Bwahahahahaha !"


Tous les soldats éclatèrent de rire d'un coup, des larmes coulant même sur leur visage tellement ils se moquaient de moi. Je les regardaient avec un air surpris avant de lancer un regard à mes compagnons. Eux aussi avaient l'air de ne pas comprendre. Et puis, tout fut plus clair d'un coup, lorsque je sentis une pointe piquer mon dos.

"Elvis Presslay, vous êtes en état d'arrestation pour mutinerie, révolution flagrante et meurtre de plusieurs soldats de la Marine. Ne bougez pas et tout se passera bien !"

Pourquoi ? Qui m'avait vendu ? Je le savais en réalité, et je compris rapidement pourquoi en me retournant. Le vieux Sony me tenait en joue, en me regardant d'un air dur et accusateur.

" Vous avez vraiment cru à mon histoire ? Vous êtes encore plus abruti que votre réputation ! Ici, c'est la Marine qui dirige tout, vous êtes sur une île du Gouvernement Mondial. Dès votre arrivée, tout le monde a su quoi faire ! Maintenant, laissez vous capturer et vous ne serez pas blessé !"

Au fond de moi, j'étais terriblement déçu. Moi qui pensait vraiment à sauver la vie de personnes qui semblaient en avoir besoin, je m'étais fait avoir comme un bleu. Je me retrouvais donc entouré d'ennemis, sans beaucoup de solution devant moi. Je devais faire un choix, impossible que je me fasse de nouveau emprisonner, ni que je redevienne l'esclave d'un de ces horrible Tenryubito !

"Jim, Joann, je reviendrais vous sauver, mais ne résistez pas !"



Pendant que je donnais mes dernières consignes à mes frères d'armes, mon corps rapetissait rapidement pour ne faire plus que quelques centimètres tandis que je me transformais en frelon. Pendant que tout le monde était surpris, je m'envolais suffisamment haut pour ne plus être à portée des sabres. Je voyais mes comparse profiter de ce moment de flottement pour tenter de s'échapper. Mais je n'avais pas le temps de m'occuper d'eux, et ils le savaient très bien. J'esquivais une balle tirée par un soldat tandis que je prenais encore un peu plus d'altitude. En vol, je me déplaçais si rapidement que mes adversaires ne trouvaient pas le moyen ni le temps de me viser et de tirer. J'utilisais des trajectoires aléatoires, pour les déconcentrer le plus possible, et je ne faisais qu'esquiver, sans attaquer, dans un seul but, les focaliser tous sur moi, tandis que mes compagnons s'enfuyaient. Et puis, le temps était venu ! Ils avaient voulu me piéger ? Tant pis pour eux, les conséquences seront terribles !

En un plongeon, je me retrouvais au niveau de la taille du plus proche de moi qui dans un mouvement de panique, tira à vue. Dans sa précipitation, il ne se rendit pas compte qu'il visait l'un de ses compagnons qui se prit une balle dans le pied.

"Ça suffit, ne paniquez pas, il ne peut pas nous échapper !"

Mais c'était trop tard pour lui, en l'espace de quelques secondes, plusieurs passages entre les jambes de différents adversaires et diverses courses aléatoires, tout le groupe était totalement paniqué, chacun voulant me tuer avant que je ne le pique. La stratégie fonctionnait parfaitement, tout le monde était confus, et j'en profitais pour attaquer celui qui semblait être le plus haut gradé. D'un geste rapide, je plantais mon dard dans sa cuisse droite, lui arrachant un hurlement de douleur. Je ne m'arrêtais pas là, bien au contraire, j'enchainais les piqûres pour l'affaiblir le plus possible. Le chaos régnait totalement sur la place sur laquelle nous nous trouvions, mais tandis que je continuais à attaquer, je pouvais voir que mes compagnons n'étaient plus là, ce qui signifiait que je pouvais m'enfuir et rejoindre le navire. D'un geste rapide, je donnais une dernière piqûre, cette fois ci au niveau du cou, pour le blesser suffisamment afin qu'il n'ait pas l'idée de me poursuivre. Je tentais une fuite rapide, en profitant de ma petitesse pour rester assez discret. J'effectuais des soubresauts dans les airs afin d'éviter les balles qui fusaient dans ma direction et je me trouvais rapidement hors de portée de mes ennemis.

Quelques semaines plus tard, je me trouvais dans une taverne, encore une fois, mais ce coup-ci, j'étais entouré de Jim et Joann pour ce rendez-vous avec un soit disant homme de main d'un Leader de la Révolution, à moins que ce ne soit d'un homme qui comptait l'être ? Mon cerveau était encore une fois totalement imbibé d'alcool. Mais j'en étais venu à lui raconter cette histoire, et il avait l'air convaincu de mes véritables intentions. C'est ce jour là que réellement j'eus ma première mission pour intégrer un mouvement révolutionnaire. Mais je ne trouvais pas mieux que ma phrase presque fétiche pour conclure cet "entretien".


"C'est bien beau tout ça mais t'aurais pas un peu de Rhum mon gars ?"