- Le moins que l’on puisse dire est que j’approuve entièrement votre réaction, camarades, dit calmement Søren en jouant une note de sa guitare.

Un véritable bordel sans nom. Une véritable zone de guerre dans laquelle l’ennemi regrettait de s’y trouver. S’attaquer à l’inconnu pouvait parfois être bénéfique, mais souvent désastreux et ces messieurs s’en rappelleront certainement. Rita et Jin formèrent un excellent duo et abattirent leurs ennemis sans la moindre difficulté, avec force et violence. Connaissant déjà la guerrière, l’amnésique n’eut aucun doute sur sa capacité à éteindre des raclures de cette espèce. Pour ce qui est de Jin, ses déplacements étaient intéressants et sa puissance de frappe redoutable. Son haki interrogea Søren qui remit le sien en question. Et la surprise du chef, Akora, qui se défit également de ses opposants avec une facilité déconcertante. Ses attributs de Minks lui conféraient de bonnes aptitudes physiques à évidemment exploiter lors des combats.

- Me voici aux côtés de redoutables personnes
Dont la ténacité et la bravoure m’impressionnent.
Les événements de ma vie pourtant si fugaces
Semblent, à terme, vouloir que je me surpasse.

Un type approche en se dirigeant vers Morgan.

- Qu’est-ce qu’il raconte l’aut’ clown ?

À peine eut-il le temps de tendre la main vers celui qui tenait le repas, qu’une ombre se dressa en face de lui et que son se transforma de terreur. La guitare recouverte du fluide de l’Armement, le Joker tenant une posture de joueur de raquette tentant un revers, il balança un vilain coup en accélérant la rotation de sa hanche et de ses obliques. Le flanc de la guitare frappa avec force la mâchoire du malheureux, dont les quelques dents restèrent au sol, puis on le vit être projeté au loin contre quelques tonneaux. Deux ou trois coups de guitare furent nécessaires pour envoyer le danger, tandis que le massacre prenait également fin de l’autre côté. Les types encore conscients n’eurent d’autre choix que de repartir avec leur fierté et le peu d’honneur encore présent.

- Camarades, nous pouvons le dire, le repas est maintenant dûment mérité.

Søren leva la tête vers les cieux le temps d’un instant, puis il regarda une énième fois, d’un regard extérieur, la bande qui s’était formée de manière totalement hasardeuse.

- Dites, jeunes gens, quelle est la suite ? Pour tout vous dire et, je sens que je peux vous en parler sans crainte, j’ai perdu toute la mémoire de ma vie passée. Qui je suis, ce que je faisais, tout n’est que tourbillon dans ma tête. Et pour être tout à fait franc, vous êtes les seules personnes avec qui j’ai eu l’occasion de parler sobrement depuis mon réveil dans cet enfer. Je ne retirerai rien de plus à rester ici plus longtemps, alors sortez-moi d’ici, je vous en supplie, conclut-il en terminant avec nouvelle note de guitare.

La nécessite d’exprimer son besoin, en toute honnêteté, de ce trou perdu lui était nécessaire. ll ressentait un besoin vital de quitter ce lieu malsain. Si possible en étant bien accompagné et cette équipe semblait tenir la route. Il le sentait profondément en lui. Ce regroupement n’était qu’un fait organisé par les dieux et ces personnes étaient faites pour se rencontrer. Ces personnes aideraient-elle l’ancien commandant Diergraad à retrouver la mémoire ? L’histoire répondra à cette question.

Un dernier intrus, non moins imposant que les autres, arriva en braillant comme deux. Armé d’un énorme boulet, au moins aussi énorme que ce dernier, il réussit à l’envoyer à des hauteurs vertigineuses pour qu’il nous retombe dessus. Søren put aisément anticiper la trajectoire du boulet et se déplacer tranquillement en conséquence. Il laissa le reste du boulot au plus téméraire d’entre eux, certainement le plus puissant de la bande : Jin. Il ne fit qu’une bouchée du gros mastodonte qui fut impuissant, ridiculisé devant l’ensemble de ses hommes. Une légende s’était éteinte ce jour-là. Tous, repartirent la queue entre les jambes, récupérant au passage ce qui leur servait de chef. Au loin, l’ex-officier de la marine aperçut des soldats de la marine arriver.

- Quoi que vous ayez prévu, je vous propose que l’on s’en aille. Un public assez désagréable se ramène, suggéra Søren en pointant du doigt le dit « public ».

Fort heureusement, Rita pouvait parfois se montrer utile et elle le prouva d’une bien belle manière. Non seulement en nous éloignant de cette zone, mais en plus en nous ramenant auprès d’un vieil homme détenant de quoi construire un navire, celui de Jin. Søren observa les deux autres d’un oeil, Rita et Akora, dans le but savoir s’ils avaient exactement la même idée que lui. De ce qu’il entendit tout à l’heure, tous deux souhaitaient quitter cette île, alors on pouvait sans l’ombre d’un doute se dire que la rencontre avec Jin fut une belle opportunité.

Le vieil homme de petite taille semblait avoir un sacré caractère. Suffisamment pour que Rta ne rentre pas dans son jeu. Était-il pire que cette dernière ? Si c’était réellement le cas, le mieux serait encore d’aller vers un autre professionnel…  À part espérer que Jin disposait d’une bourse pleine et que cette bourse était suffisante pour payer les réparations ou améliorations du navire, Søren ne pouvait pas faire grand chose de plus.

L’ex-officier prit le temps, étant inutile pour le moment, d’observer le gigantesque entrepôt face auquel il se trouvait. L’entrepôt en lui-même n’était extraordinaire, à la limite du délabrement, mais suffisant pour stocké tout ce matériel de récupération. À en juger par les apparences, il n’y avait ici rien de bien fantastique et l’entretien ne devait pas coûter bien cher au vieil homme. Cependant, le clown avoua que les rayons étaient plutôt bien rangés et que les matériaux de récupération étaient en bons états, remis à neuf. Bon point. Et même si certains matériaux ne donnent pas envie dans un premier temps, c’est aux acquéreurs de leur donner une seconde vie dans un second temps.

- Hum.

Søren se gratta la tête et constata qu’il n’y avait pas le moindre charpentier ici. Lui-même ne savait que jouer de la musique pour l’heure. Rita, à part cogner… Akora est cuistot. Jin ? Même job que Rita… C’est pas gagné, pensa le Joker. Il croyait néanmoins au destin et aux desseins que leurs réservaient les dieux. Un peu en retrait, toujours en quête de trouver de quoi attiser sa curiosité, Søren s’alluma une mèche et contempla.

Construire un navire, nul ne l’ignorait, prenait un certain temps pour avoir quelque chose de potable. Søren se doutait que le navire n’aurait rien d’extraordinaire, mais il disposait d’un certain potentiel. Les matériaux de récupération n’offraient pas une qualité exceptionnelle mais cela ferait certainement l’affaire. Pis, à défaut de mieux, il fallait l’accepter. D’autant plus que sur le plan que l’ancien officier a pris le temps d’étudier, le rendu semblait intéressant. Très intéressant.

- Dis, Søren, elles vont où ses planches ? demanda un des pirates du gros chauve.

Flûte, c’est moi qui aie les plans, pensa-t-il en constatant que la demande du pirate était tout à fait légitime. Il scruta les plans intensément le temps de quelques instants.

- Vue la taille de celles-ci, je dirai qu’elles sont destinées à être sur le pont supérieur, dit-il sans relâcher le regard porté sur la feuille de route.

Ainsi, sans trop l’avoir décidé, sans l’avoir désiré, Søren se trouva en maître de chantier à guider ses ouvriers. En fait, il n’en avait absolument pas les qualités, ni même les conséquences. Le tout était de lire le plan avec minution car la moindre erreur pouvait être fatale. Mais jusqu’ici serein, le musicien vit son coeur battre un peu plus fort, un peu plus vite. Un groupe de pirates transportait les roues à eau de sa droite, tandis qu’un autre groupe, en face de lui, transportait le mât principal. Il dégaina sa guitare et joua un son immonde mais bruyant, suffisamment pour arrêter les deux groupes qui allaient tout bonnement se rentrer dedans.

- Bande de branques, pesta le musicien. Le sens de circulation, ça ne vous dit rien ?

Un manque cruel d’organisation. Il manquait un groupe de charpentiers qualifiés. Néanmoins, selon Søren, régler ces quelques détails faciliteraient grandement les choses.

- Captain, dit-il à Jin. Continuons ainsi et nous finirons avec un ramassis de bout de bois. Il faut réorganiser le chantier, mettre des marquages au sol, organiser le travail de chaque groupe…

Et bizarrement, le reste de la semaine se déroula presque à merveille. Presque car des couacs existaient toujours. Rien d’irréparable cependant. Les étages du bas furent quasiment achevés, à la sueur de tous ces hommes et d’une coopération sans précédent. Construire un navire, mine de rien, permettait de forger un groupe. Un soir, le soir où le pont principal fut achevé, Søren décida d’y aller pour tester sa rigidité. Il effectua de nombreux allers-retours en marchant, puis en courant. Jamais trop certain, il bondit sur quelques mètres et se réceptionna volontairement avec force pour tester les accroches. Impeccable. L’occasion était belle. Le musicien s’alluma une clope, retira le bouchon de liège de sa bouteille de scotch et but quelques gorgées au goulot. Il finit ensuite ensuite par s’accouder au bastingage d’où il observa ses camarades d’un air heureux. Un grand feu autour duquel les hommes buvaient et mangeaient avec joie, le tout animé par un grand Akora qui était le seul capable de nourrir la troupe de manière satisfaisante.

Encore une semaine, peut-être deux avec les finitions à envisager, avant de définitivement quitter cette île dépravée. L’ancien officier semblait se hâter de quitter ce lieu, mais également déçu de ne pas en avoir appris davantage à son sujet. L’amnésie était encore bien présente. Aucun souvenir de son passé si ce n’était la découverte de quelques-unes de ses compétences. Il restait encore ce soldat de la marine qui l’appela « commandant Diergraad ». Était-il un ancien officier de la marine ? C’était déjà un bon point de départ et une recherche allait donc se faire dans cette direction.

- Tiens, lâcha-t-il après avoir tiré une latte de sa mèche. Tu viens aussi vérifier le merveilleux travail de tes hommes ?

Un homme s’approcha doucement de lui. Sa présence ne lui échappa point.