Joey était intéressé par la chasse aux truands, par l'amour du combat, et par la victoire. Bien entendu, cette dernière était ce qu'il s'efforçait de toujours obtenir, et elle restait pour lui la chose la plus importante au monde. Quel intérêt y avait-il à faire partie du camp des gagnants si l'on perdait toutes ses confrontations ? La logique du Contre-Amiral, tout comme sa justice, était simple : Pour se retrouver victorieux, il fallait livrer une bataille, et les meilleurs batailles étaient livrées contre de puissants adversaires. Comme tout ce qui lui passait par la tête, cette pensée était une preuve de l'immense intelligence du soldat. Ainsi, il était persuadé de la véracité de ses propos. Ainsi, il ne réprima en rien sa déception quand on le missionna hors de la Route de Tous les Périls, sur une des quatre mer des Blues.
Tout le trajet se passa dans une morosité qui ne caractérisait en rien une atmosphère ordinairement gérée par le colosse, mais la situation était bien trop tendue cette fois, même pour lui. Joey était fort, il s'agissait même là de sa plus grande fierté. Alors pourquoi ne le laissait-on pas démontrer cette force ? Certains diraient que là, le Marine ne cherchait qu'à créer une occasion de se vanter, mais ce qu'ils ne savaient pas, c'était que ces circonstances n'étaient en rien celles d'un caprice de l'orgueilleux. En effet, il était totalement inutile, et faux, de dire qu'un homme aussi talentueux que lui désirait se vanter lorsqu'il clamait vouloir faire preuve de sa puissance.

Quand d'autres se la pétaient, Joey ne faisait, comme à son habitude, que dire la vérité.

Tout le voyage jusqu'à West Blue, le soldat l'avait passé avec un sourire déçu aux lèvres. Il se baladait sur toute la surface du navire qu'il commandait, mains dans les poches, sans même adresser la parole à quiconque. Bien entendu, l'ambiance créée au fut et à mesure des aventures sur ce bateau avait rendu alertes chacun des membres de l'équipage du Soldat Souriant. De ce fait, même si certains officiers se méfiaient en silence, il y en avait tout de même quelques uns qui faisaient montre de leur inquiétude, de la manière la plus bruyante possible.

- IL MENT ! Hurlait donc l'Officier Morty McFly, flipette de son état. IL MENT POUR NOUS AVOIR ! REGARDEZ SON SOURIRE, IL SE MOQUE DEJA DE MOI ! IL PREPARE QUELQUE CHOOSE ! Continuait-il de crier à qui voulait l'entendre, en agitant ses quatre membres dans des directions différentes, mais avec le même niveau intense d'excitation.

Bien heureusement pour le jeune homme, son supérieur hiérarchique n'était pas dans les parages aux moments de ses déclarations, auquel cas il en aurait sans aucun doute profité. À la place, auprès de lui se trouvait la tête pensante du bateau, le Lieutenant Monika Bing.

- Tu sais bien que Joey ne ment jamais, enfin. Et puis, son sourire n'a rien de surprenant, son épithète est bien née quelque part... lâcha calmement la jeune femme.

Morty n'était pas du genre à se calmer en écoutant des arguments rationnels. Ainsi, il ne cessait de gesticuler de panique quand bien même Monika s'acharnait à articuler un discours logique pour s'adresser à lui. Finalement, alors même que ce n'était pas son but, elle ajouta quelques mots qui changèrent la donne.

- Allez, viens là, tu me fais de la peine quand tu as peur. Avoua-t-elle en écartant les bras dans la direction de l'artificier.

Le mouvement que libéra Morty au moment même où la Navigatrice ne pouvait qu'être qualifié d'instantané. Dans la même seconde, il troqua son air inquiet pour une trogne bien plus relaxée, même rougie par le bonheur, et se déplaça jusque dans les bras de sa collègue pour s'accrocher à elle en usant de toute la force que ses petits bras lui concédaient.



Monika était une femme intelligente, et qui savait très bien quels genre de pensées pouvaient traverser les esprits d'hommes. Il fallait aussi dire qu'avec un patron comme Joey, il était difficile de ne pas remarquer ce qui pouvait se tramer là dedans. Malgré tous ces facteurs, alors même que le pré-adolescent possédait un esprit bien plus affamé que n'importe qui d'autre, la Bing l'affectionnait particulièrement, et ne remarquait en aucune façon ses comportements les plus pervers. Elle était bien la seule.

- Bing, tu m'as pas dit qu'on était bientôt arrivé sur l'île de j'sais-plus-quoi ? Faudrait commencer à... Qu'est-ce que c'est que ça ?! S'outra l'Homme de l'équipage, qui venait de faire son apparition sur la scène.

Joey voulait vite en finir avec cette mission, et retourner sur la mer qui l'avait vu naître. Cette information constituait d'ailleurs un argument en plus pour démontrer qu'il s'agissait réellement de l'océan qui regorgeait des plus puissantes personnes. Une de ces personnes, sans aucun doute la plus puissante de toutes, était venu aux nouvelles de la Navigatrice, pour s'assurer de jeter l'ancre au bon endroit. Il s'était approché de Monika, accompagné de son plus fidèle compagnon, avec certaines questions en tête, mais il n'en avait maintenant qu'une seule.

- Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Pourquoi il est accroché à toi le truc là ? Bean, pourquoi il est accroché à elle le truc là ? Interrogea-t-il frénétiquement son plus grand fan.

- Je sais pas, M'sieur Joey ! Eh, le truc ! Pourquoi t'es accroché à elle ?! Demanda à son tour le Marine en surpoids.

Un moment de flottement s'installa, avant que Morty ne profite, pour une fois, de sa position de supériorité. Une moue triste s'afficha sur son visage, et il enfonça son petit visage dans l'ample poitrine de sa protectrice.

- Ouiiiin, Monika ! Joey il me crie encore dessus ! Je t'avais dit qu'il voulait me faire du mal, aujourd'hui ! Ouiiin ! Pleura-t-il au creux de son paradis.

Monika, sur un ton étrangement tendre, tenta de rassurer le garçon, un sourire rassurant aux lèvres. Le sourire déçu qui siégeait depuis le début du trajet sur les lèvres du Contre-Amiral se changea en sourire de colère, alors qu'il observait le véritable visage du machiavélique enfant. Alors que la navigatrice avait troqué son chaleureux sourire contre un visage désapprobateur à l'encontre de son supérieur hiérarchique, Morty lançait un regard de travers à son même supérieur, et nargua silencieusement ce dernier.

- Mais... commença faiblement Joey, le sourire tremblant. IL MENT! IL MENT POUR T'AVOIR ! REGARDE SON SOURIRE, IL SE MOQUE DE MOI ! Renchérit-il.


Alors que Butter Bean tapait des mains en éclatant de rire face à la situation, Monika soupirait en se rendant compte que, finalement, les hommes l'entourant sur ce navire n'étaient pas si différents l'un de l'autre.

À peine une heure plus tard, le bateau avait accosté. Joey se dépêcha de sortir en premier, et ordonna à chacune de ses escouades de quadriller les zones. Il ne savait pas exactement où étaient ses cibles du jour, mais il fallait bien commencer quelque part, et cette île faisait un bon « quelque part ». Même si s'être fait ainsi missionner n'enchantait guère le soldat, il savait faire la part des choses, et ces criminels devaient, pour lui, assumer leur rôle de perdants.

- Et toi alors, M'sieur Joey ? Tu vas rester tout seul pour pouvoir être encore plus efficace dans ton travail de super-héros ? Demanda innocemment le bricoleur de l'équipe.

- Bean, combien de fois je vais devoir te le répéter ? Commença Joey en s'approchant doucement de l'oreille de son obèse ami. JE SUIS PAS UN PUTAIN DE SUPER-HEROS ! Cria-t-il finalement. Et non, je pars pas seul pour être efficace, même si c'est vrai que je le serais. Je pars seul parce que je les boude. Avoua-t-il sans la moindre hésitation, en lançant son menton dans la direction de Monika et Morty, un sourire, en effet, boudeur aux lèvres.

Sans même laisser le temps à ses interlocuteurs de prononcer une nouvelle réplique, Joey disparut de leur champs de vision. Un soupir plus tard, et Monika se mit à son tour en quête de quelconques indices sur leurs cibles actuelles.
Joey, lui, voulait laisser un impact sur son équipage, et était parti en trombes sans vraiment voir dans quelle direction il se dirigeait. Ainsi, il avait fini dans une sorte de centre-ville, où un rassemblement organique de citoyens avait pris place. Les sourcils relevés par une étrange curiosité, le Contre-Amiral amorça une simple marche, afin de petit à petit découvrir dans quel genre d'environnement il se trouvait aujourd'hui. Bien entendu, du haut de ses quatre mètres, il ne passait pas du tout inaperçu, mais il était évident pour quiconque le connaissant que cela ne le gênait en rien.

C'était au milieu de sa balade que le soldat remarqua un groupe de personnes bien trop dense pour avoir été formé par hasard. Lentement, il s'en approcha, et il utilisa les bribes de conversations qu'il avait réussi à entendre dans la foule pour comprendre à quelle sorte d'activité il était sur le point d'assister. Une fois l'information montée jusqu'au cerveau, plus aucune lenteur n'était visible dans ses mouvements. Le soldat avança brusquement, poussant presque sans vergognes toutes les personnes ayant eu la chance de se trouver près de lui, y compris un bonhomme se trouvant au premier rang, sucette à la bouche.

- Moi aussi, j'veux bien faire des bras de fer, avec mes bras ! Annonça-t-il haut et fort, sans la moindre trace de vacillements dans la voix.

Il avait, comme d'habitude, prit la parole sans évaluer la situation dans laquelle il se trouvait. Une fois ses derniers mots prononcés, il lança un regard aux personnes se trouvant face à lui, bien qu'avec plusieurs centimètres de différence, en termes d'altitude. Il y avait donc un jeune homme, qui devait avoir quelques années de plus que Morty, et une jeune femme qui...

- WOAW ! Ne put réprimer Joey, même s'il l'avait voulu. Du coup je suppose que c'est ça qu'on gagne ? Demanda-t-il en pointant du doigt, et en fixant de manière insistante, les deux atouts de la dénommée Shaïna. Il est trop bien ce jeu, en fait ! On commence quand ?!


Après quelques secondes, durant lesquelles presque toute l'assemblée fut prise d'un profond malaise, Joey reprit finalement le contrôle de tous ses sens, et reporta ses yeux, cachés par les ombres de ses sourcils, sur le garçon se trouvant à côté de celle qu'il considérait, à tort, comme sa récompense. Une fois sa cible verrouillée, il serra les poings et s'approcha du garçon au bandana. Une fois assez proche, il s'arrêta, et leva son poing gauche de manière menaçante.

- Alors, comme ça, c'est sur toi que j'dois utiliser mon bras de fer ? Lança-t-il de manière sinistre.


En quelques mots, et presque autant de secondes, Joey avait fait comprendre à tout le monde qu'il s'était trompé d'adversaire. Il fallait également dire qu'il les fit tous se demander s'il connaissait vraiment les règles du bras de fer...