Du repos. Comment trouver la force de dormir et de se reposer, alors qu’il y a quelques jours, j’avais vécu le pire. Mon capitaine m’avait trahi, j’avais perdu un bras dans la bataille, et plusieurs coups avaient failli faire exploser ma tête. J’étais brisé. Chaque fois que mes yeux se fermaient, je revoie l’horreur, l’impensable. Je ressentais de la haine, du moins c’est ce que j’avais comme sentiment en tout premier, puis cette haine se transforma en tristesse, et amertume. Je n’avais rien vu venir. J’étais faible. Même lorsque le film se refaisait dans ma tête, j’étais le plus faible. Joey et Teppei s’étaient battus comme des diables. Myda quant à elle avait brillée du début à la fin. Et moi dans tout ça ? Je n’avais servi à rien. Ils auraient dû me laisser crever dans cet endroit de malheur. Je ne mérite pas de vivre.

J’étais en boucle sur ses pensées négatives. Ma faiblesse était devenue ma vraie nature, impossible de m’en décoller. J’étais faible. Même dans mes cauchemars et mes rêves, je l’étais. De temps à autre, des voix se faisaient entendre et me répéter cette vieille rengaine, comme un tourne-disque qui saute. Et pourtant, j’étais encore en vie. Pourquoi ? Qu’avais-je donc fait pour qu’on me laisse vivre cette misérable vie ?

En tout cas, j’étais allongé dans mon lit d’hôpital. Les draps étaient doux et frais. Mon bras manquant était couvert de bandage, comme quelques parties de mon corps comme la tête, ou mes jambes. Une perfusion d’un probable antalgique, laissait son goutte-à-goutte faire son effet. Il était là pour soulager les douleurs physiques. Mais les mentales ? Comment se remettre d’une humiliation de la sorte ? Comment s’en sortir sans séquelles psychologiques ? Je ne savais pas si j’y arriverais un jour. En tout cas une douleur se réveilla et me fit immédiatement reprendre pied dans le monde réel.  

Je clignais des yeux plusieurs fois, avant que ceux-ci ne s’adaptent pas à la lumière de la chambre. Je n’avais aucune idée de l’heure. Je tournais la tête et vis Myda à côté de moi. Elle me demandait comment j’allais. Je n’arrivais même pas à lui sourire. Elle avait été dans le même merdier sans nom que moi. Et pourtant elle paraissait beaucoup plus en forme que moi. Cela démontrait que j’étais faible. Je me redressais pour ne pas manquer de respect. Dans une tentative, elle essaya de me faire rire. J’étais touché par sa présence à mon chevet.


-Non, je ne suis pas un dur malheureusement… Et toi comment vas-tu ? Tes blessures ont été soignées ?

Je voulais garder mes sentiments, mes peurs, mes doutes et surtout mes larmes pour moi. Pleurer quand j’étais seul, me maudire quand j’étais seul. Je ne voulais pas qu’elle voit ce spectacle et j’essayais le plus au monde de sourire. Malgré ça, mon visage trahissait une fausse joie. Cette tentative était emprunte d’une immense tristesse qui transparaissait dans mes traits de visage. Si elle me posait encore une question, ou parlait encore de cet événement, je ne pourrais contenir mes larmes. Et tant pis si elle me voyait pleurer. On a déjà tellement partagé de choses ensembles que malgré tout, je la considérais comme ma sœur.

Allons. La pause qui avait suivi démontrait qu’elle choisissait avec soin ses mots. Savait-elle combien j’étais fragile en cet instant ? Comment ces sentiments qui luttaient en moi, me rongeais ? Elle devait forcément s’en douter. D’habitude, elle ne faisait pas cas des termes ou même du ton à employer. C’était comme ça et cela me convenait parfaitement. J’aimais la franchise et je ne demandais que ça. Mais là, en cet instant, je sentais dans cette pause, aussi infime, soit-elle, qu’elle voulait me ménager. Malgré tout, elle continuait sa phrase. Elle allait bien et ses blessures étaient désormais guéries. C’était le plus important dans tout ça. J’étais content d’entendre enfin une bonne nouvelle. Je n’en avais pas beaucoup reçu depuis ces événements et cela faisait quand même un peu de soleil dans cet univers si sombre. Cet univers où la tristesse et la peur, côtoyer la folie et ses déviances.

Elle avait était surprenante durant ce combat. Elle avait su gérer d’une main de maître les hommes, les tactiques et les manœuvres des navires de guerre. Grâce à elle, j’étais encore en vie. Si elle n’avait pas été là, est-ce que je me serais retrouvé ici ? Plus salement amoché que maintenant ? Où est-ce que j’aurais passé l’arme à gauche et serais six pieds sous terre ? Qu’est-ce qui aujourd’hui valait le mieux ? Se retrouver dans ce lit d’hôpital dans cet état ? Ou mort ? Puis un soulèvement d’épaule se pointa chez ma collègue. Pas de doute, elle allait y aller. Me faire un bilan.

Les supérieurs ? J’étais content pour eux. Malgré le fait que je n’étais clairement pas affilié à leurs services. Mais soit c’était une bonne chose. Les milliers d’hommes qui avaient péri sur ce champ de bataille étaient une immense tragédie et je m’en voulais de n’avoir ou sauver encore plus de personnes. Une maigre compensation ? Effectivement, c’était dérisoire par rapport à tout ce qui s’était passé. Malheureusement, la vie est faite d’injustice et clairement, c’en était une. Une injustice que nous avions subie. De pleins fouets. La dure réalité de notre faiblesse et petitesse face à des monstres sans cœur.

Ne pas m’accabler ? C’était impossible. Qu’avais-je donc fait pour la réussite de cette mission ? Rien. Ma réponse tenait dans ce mot de quatre lettres, rien. J’avais été faible, j’avais subi les événements, été blessé au combat. Inutile, incapable de faire de la justice une application pour ces pirates. Même si la maigre consolation des soldats qui me demandaient, je m’en fichais. Je me redressais de nouveau et le drap tomba. Mon torse laissait apparaître quelques cicatrices et surtout le moignon qui était bandé. Je posais un regard dessus et me mis à pleurer juste avant de libérer mon cœur.


-Tu sais ce que c'est le pire ? C’est de se dire que je suis du CP et que je n’ai rien vu venir. La trahison, le combat. Je n’ai servi à rien, j’ai subi les événements et j’ai payé le prix. Je ne suis qu’un dommage collatéral ? Un simple pion ! Je t’ai vu toi et les autres vous avez été grandioses ! Mais moi ? À quoi ais-je servi dans tout ce merdier à RIEN.

Je serrais les draps de ma main droite et les larmes coulèrent de plus belle, jusqu’à former une auréole sur le tissu qui recouvrait que le bas de mon corps.

-J’ai échoué dans tout ! Je n’ai pu sauver qu’une poignée d’hommes, et je n’ai même pas réussi à tenir tête aux pirates. Je suis faible. Beaucoup trop faible. Je n’ai aucunement ma place dans la marine ou le gouvernement mondial. Regarde-moi, je suis un déchet et un raté !

Je me recroqueviller et mettais ma tête entre mes genoux. J’essayais de pleurer le plus discrètement possible, mais je ne trompais personne. Même dans ça, j’étais nul.