Grand Line. Paradise. La Route de tous les Périls ! Tous ceux qui pouvaient prendre la mer avaient fantasmé, à un moment ou un autre, sur la possibilité de braver cette partie de leur monde. Lorsqu'on y naissait, encore, la moitié du travail était déjà effectuée d'emblée, mais pour les natifs des Blues, l'enjeu n'avait rien à voir. Le prestige n'avait rien à voir. Alors, régulièrement, Reverse Mountain recrachait les restes émiettés d'aventuriers naïfs, qui se retrouvaient mélangés à leurs esquifs, éclatés, dans les tréfonds marins. Ensuite, pour eux qui arrivaient à en réchapper, il fallait encore trouver la voie, pour accéder à une île du premier palier, sans se perdre dans un désert maritime, où toute prise de repère s'avérait rapidement obsolète.

Enfin, si on arrivait à survivre à sa première escale, une fois le log pos fixé sur la suite du voyage, on pouvait se remettre en route. Chaque nouvel arrêt amenait son lot d'imprévisibilité, de danger et de météo instable. Même pour le plus minutieux des hommes, se préparer à tous les cas de figure était littéralement impossible, il fallait se contenter de réagir, toujours. Souvent trop tard, malheureusement.

Aujourd'hui ne faisait pas exception, car, perdu au milieu des eaux, un petit bateau dérivait, péniblement. Arrivé depuis peu sur le paradis des forbans, l'équipage des Chacaux se trouvait, pour la majorité d'entre eux, affalés sur le pont, en proie au désespoir le plus total. Les matelots rescapés n'avaient, pour la plupart, plus la foi de quoi que ce soit. Ils s'étaient aventurés, bêtement, sur une mer qui deviendrait leur tombeau.

Seul leur capitaine, grand gaillard un peu bourru, qui avoisinait les trois mètres, continuait de scruter aussi loin qu'il le pouvait, à la recherche de quoi que ce soit de nouveau. Une apparition providentielle, n'importe quoi ! Désormais, ils n'avaient plus qu'un esquif, étant, en plus, l'un des pires qu'ils avaient dans leur début d'armada. Le reste était parti nourrir les poissons, comme bon nombre de ses hommes. Le chef des gredins n'avait dû qu'à son physique surhumain, sa détermination, ainsi que sa bonne étoile, de réussir à en réchapper. Plus le moindre vivre, ses camarades balayés, le colosse encaissait le coup tant que possible, en espérant pouvoir continuer à compter sur sa chance, pour se sortir de ce guêpier. Cela faisait quelques jours, qu'ils erraient, sans réellement savoir où se diriger. Plus de navigateur, plus de compas, plus de bouffe et quasiment plus de flotte.

« Huuuum... Zébi... » maugréa-t-il, en scrutant désespérément la mer, encore lisse, pour le moment.

Autour de lui, le moral était au plus bas, personne ne soulevant la remarque inspirée de leur Capitaine. Personne ne lui prêta attention non plus, lorsqu'il se redressa d'un bond, qui fit tanguer leur navire, sous sa large carrure. Les yeux écartés, il posa sa main sur son front, pour cacher les reflets du soleil, tentant d'affiner sa vision. Au loin, un petit point filait sur la ligne d'horizon. Bestiole, navire ou simple mirage ? Peu importait, car c'était là leur dernier espoir.

« TRUC ! TRUC A BABORD ! Ou tribord... ? » Questionna le géant au sang-mêlé. La direction n'avait jamais été son fort. « Là-bas ! En avant-toute, vers... Là-bas ! »

Si on préféra tout d'abord l'ignorer, après quelques baffes, les matelots furent obligés de constater qu'effectivement, il y avait bien quelque chose. Peut-être le salut, qui leur tendait enfin les bras ? Revigoré, l'équipage se mit en branle, pour se lancer à la poursuite de ce point furtif, le Capitaine allant se tenir fièrement sur la figure de proue, déterminé. Voilà, il en fallait plus, pour les démonter ! Poing levé en avant, il galvanisa la petite troupe, d'un cri de ralliement puissant. Comme revenu d'entre les morts, l'esquif prit rapidement de la vitesse, fusant à toute allure vers un miracle, qu'ils n'étaient ne comptaient pas laisser filer. Ballottés par les vagues, les pirates semblaient oublier tous leurs soucis, rafraîchis par les embruns glacés de la mer, qui leur fouettaient le visage. Bientôt, ils commencèrent à accompagner leur meneur, dans un bruhaha guerrier.

« AAAAAA L'AAAAAABOOOOORRRRRDAAAAAAGEEEEEE !!!!! »

« OUAIIIIIIS ! » Ajouta l'un d'eux, pour se démarquer.
« C'EST PARTI, LES GARS ! » Harrangua le Capitaine, décidé à ne pas perdre la vedette.
« Yaaaah...» Scanda un autre larron, mollement, comprenant qu'ils s'étaient peut-être précipités.

Deux minutes passèrent. Puis cinq. L'engouement s'était vite atténué, tout comme leurs voix. La cible qu'ils visaient n'était pas encore à portée, même si ils pouvaient désormais estimer qu'il s'agissait d'un bateau. Caravelle ? Barque ? Marine ? Pirate ? Aucun moyen de le savoir, et, de toute façon, avant de tenter quoi que ce soit, ils avaient encore un bon moment devant eux. Dans un toussotement gêné, l'armoire à glace retourna sur ses pas, avant de se diriger vers sa cabine de fortune.

« Bon bon, j'vais poncer un plan d'attaque là. » Essaya-t-il de faire passer. « Me dérangez sous aucun prétexte, c'est tout un putain de processus compleske, vous allez tout foutre en l'air. »

Ouais, ça sonnait bien mieux que "souquez ferme, je vais ronquer un peu". Aucune raison de s'inquiéter, finalement. Leur longue destinée ne faisait que s'amorcer, toutes ces épreuves étaient là pour les mettre dans le bain, attiser leur future légende ! SON ascension remarquable, découverte du One Piece, mariage avec Lisa Simeone et tout le tremblement, en démarrant sans aucun autre atout que sa remarquable persévérance.

Alors qu'il commençait, soi-disant, à "planifier" l'assaut, en ronflant comme un ogre dans sa tanière, les Chacaux commencèrent à se rapprocher dangereusement de leur proie. A mesure que la distance se brisait, ils purent remarquer qu'il s'agissait bel et bien de pirates, comme eux. Leurs bateaux semblaient à peu près équivalent, même si le leur était épuisé, démonté de partout. Après les avoir mis hors-jeu, ils pourraient voler leur navire, leurs réserves !

Le moment n'était plus à l'hésitation. Dès qu'ils arrivèrent à portée de tir, ils armèrent prestement les canons, avant de les diriger vers l'objet de leur désir. Commençant à faire feu, aucun d'entre eux n'était en état de réfléchir aux conséquences de leurs actes, ni à ce que cela signifierait pour eux, si ils parvenaient à couler leurs adversaires du jour. Très vite, la proie se retourna pour répliquer, ne possédant peut-être pas de moyen de les attaquer autrement que par l'abordage. Finalement, c'était parfait ! Chez eux, tout était déjà plus ou moins en train de rendre l'âme ! Autant faire de La Dernière Demeure, nom du rafiot cabossé, leur dernière demeure.

« Cap'tain, intrus sur le - »

Toutefois, les choses ne se passèrent pas tout à fait comme ils avaient pu le prévoir. Face à eux, il y avait finalement peu d'opposition, d'un point de vue numérique. Par contre, qu'est-ce qu'on avait lâché, dans leurs rangs ? Un espèce de chien fou, qui, d'une droite patriarcale, avait sèchement mouché le ptit Billy. Celui-ci n'était pas le plus fort du lot, mais c'était une bonne patte. Surtout, il représentait un sixième de leur effectif. Et encore, c'était en comptant l'imperturbable siesteur, qui ne semblait pas encore prêt à faire acte de présence.

Tandis que Riri, Fifi et leur troisième frère, Jean-Michel, tentaient une manœuvre d'équipe, le dernier encore présent tentait de ranimer la première victime de leur côté, pour qu'elle puisse reprendre part au combat. Pour le ptit Billy, le constat semblait plutôt alarmant. Il était tellement éclaté qu'il lui était impossible d'esquisser le moindre mouvement. De sa bouche béante sembla commencé à sortir un ectoplasme, prêt à se diriger vers l'au-delà. Ou alors, peut-être était-ce simplement un début de scorbut et d'hydratation à l'eau salée, qui venait leur jouer des tours ?

« NOOOOON BILLY ! NON ! PAS VERS LA LUMIÈRE ! »

Très vite, Riri et Jean-Michel vinrent manger le plancher, eux aussi, fumés comme des harengs. Fifi appela désespérément son Capitaine à la rescousse, en montant rapidement sur les filets du navire, pour monter jusqu'à la nacelle de la vigie. De là, il pourrait avoir un bon point de vue, sans trop de mal. Mais à quoi bon, finalement, puisqu'il semblait incapable de faire le moindre dégât, au monstre qui venait de se déchaîner sur ses camarades ? Tremblant comme une feuille, il cherchait surtout à se faire discret. Puis, un grincement le fit frissonner, suivi de pas très lourds, qui faisait craquer le bois, sous leurs poids. Pas de doute, Chacal "Le Chacal" Barka était réveillé. Désormais, la bataille serait toute autre ! Aussi désagréable qu'il pouvait parfois l'être, le meneur des Chacaux était une valeur sûre. Un mec solide.

« Tiens tiens tiens... »

Il scruta la scène, d'un coup d’œil circulaire, avant d'afficher un rictus carnassier. Ainsi, non content de le sortir de son repos stratégique, on se permettait de malmener ses hommes, sans souci ? Bien, très bien. Derrière lui, le colosse traînait un gigantesque marteau, qui raclait le plancher en y laissant un sillon craquelé. Soulevant sa masse à deux mains, il porta son regard sur le jeune impétueux, qui venaient de mettre les deux pieds dans la gueule du loup. Le torse de l'inconnu rayonnait de milles feux, et, même si il n'était pas très futé, cela ne voulait dire qu'une seule chose, pour le Chacal : Fruit du Démon.

« Tu vas aller rejoindre la poiscaille, ptit bijou ! Parole de Chacal "Le Chacal" ! »

L'arme du géant fendit l'air, à l'horizontale, prête à percuter le pirate avec force, dans le but de le propulser violemment vers les flots. Ensuite, il s'occuperait du reste des gêneurs.

La sentence était tombée, sèche, implacable. Le petit caillou brillant, il allait le concasser, propre et net. Après l'avoir bien ramolli dans l'océan, il le repêcherait, bon seigneur. Après tout, avec un tel pouvoir, il devait y avoir moyen de se faire un bon petit paquet de blé. Comme quoi, le hasard faisait décidément bien les choses. Au moment de l'impact, les traits du colosse se tendent, alors qu'il met tout son poids dans son violent coup de masse. L'adversaire encaisse, à l'aide de ses propriétés magiques, mais Chacal aussi, se trouverait presque mis à mal. Pendant un instant, il a l'impression de frapper un pilier inamovible, qui lui renvoie sa propre force en pleine poire. Le Capitaine grogne, mais refuse de fléchir, rajoutant un stress à ses muscles taillés pour accentuer sa frappe.

L'impact est tonitruant, alors qu'il sèche violemment la garde du pirate, enfin ! Enfin...Non ! Clairement, c'était lui, le géant, qui avait l'avantage dans cette joute ! Aucun doute n'était permis. Il avait suffisamment donné le change pour flex le plus possible, en feignant d'accomplir une tâche mondaine. Dès que Jin s'envola dans le décor, Chacal poussa un soupir las, en secouant doucement la tête.

« Zébi zébi, tu m'as pris pour ta granny ? » Lâcha-t-il, bandant ses muscles saillants, qui déchirent sa tenue, pour se faire mousser par ses mousses.
« TU VAS T'EN SORTIR BILLY, T'ENTENDS ?! PENSE A TA MERE, TA FEMME ! LE P'TIT KEVIN, BILLY ! LE P'TIT KEVIN ! »

Visiblement, il n'y avait plus grand-chose à espérer de ses hommes, à ce stade là de la partie...Quand il repensait à ceux qu'il avait perdu, il avait clairement perdu au change. Mais un vrai héros ne pouvait avoir toutes les cartes en main, dès le début. C'était lui, qui façonnait ses rencontres, pour les sublimer et leur donner l'apparence d'un...diamant ?

« Bon ! C'est r'parti mon pote ! »

Quoi ? Qu'est-ce qui est reparti ? Perdu dans ses pensées et ses poses, il a à peine le temps de voir la riposte qui se prépare, de la part d'un fruité endiablé, qu'il pensait déjà avoir calmé. Dans son cerveau, d'ingénieux rouages se mettent en marche, pour décrypter ce combat digne des plus grands. Comment est-il arrivé à rester sur le bateau ? Comment avait-il encaissé son assaut ? Avait-il d'autres fruits, dans son arsenal ? La téléportation ? Autant de questions débiles, qui paraissaient à cet instant primordial, pour l'affamé Capitaine, qui avait zoné trop longtemps, pour pouvoir relier les points du tableau grotesque qui se dessinait sous ses yeux.

C'est à la dernière seconde qu'il arrive finalement à remonter sa garde, pour éviter de se faire abimer son magnifique visage, dont les femmes (?) raffolent. Bien évidemment, celui-ci n'est pas vraiment à portée de coup, mais un homme averti en valait deux. Dans son cas, qui faisait facilement deux fois un type lambda, lorsqu'il était averti, il en valait donc sept. Oui, Chacal n'était pas que doué pour la chose martiale, mais aussi pour les calculs rapides. Quel homme.

La protection de son marteau est bien inutile, car le garçon frappe non pas son joli minois, mais le côté de son coude. Inattendu, le coup en est d'autant plus dévastateur, surtout avec le Haki, qui vient en rajouter une couche calotte. La douleur lui remonte dans tout le bras, avant de se répercuter dans tous les os de son corps. En reculant de quelques pas, il lâche sa massue, qui fait un tour sur elle-même, avant de lui retomber lourdement sur le pied, qui creusa un trou sur le pont. L'affront était double, la douleur insoutenable. Pris de court, surpris par la vaillance de son adversaire, ainsi que son plan macchiavélique, pour utiliser le maillet contre son utilisateur, Chacal pousse un hurlement rauque. Toute sa colossale masse, foudroyée de douleur, se contrace et se tord, dans une grimace de...Plaisir ?

« Kyaaaaaaaaaaa »

Grisé par cette douce sensation, il reste un instant là, incapable de répliquer. Si le petit diamanté continue de jouer ainsi sur ses points faibles, la bataille risque de s'annoncer...chaude, corsée.  En cet instant, il a une pensée pour son amour, sa vie, son bébou : Félicia. De combien de temps n'a-t-il pu sentir le contact de sa chère et tendre ? Combien de jours, sans sentir leurs muscles saillants frotter les uns contre les autres ? Combien de mois, sans enf...

« Ouais, alors, sinon moi, j'ai un clean shot sur sa poulette, là. Si il bouge, je la fume, Boss ! »

C'est la voix de Fifi, qui lui arrive, du haut de la vigie. Instantanément, Chacal se reprend. Se redressant, comme si de rien n'était, tout en reprenant un sérieux très froid, il croise les bras, tout en fermant les yeux.

« Tch, en plein dans la gueule du loup. Impressionné, pélo ? »

Il avait beau ne rien avoir prévu, il était le chef des Chacaux, ce stratagème était donc sa propriété intellectuelle. Ceux qui avaient quelque chose à redire, feraient bien de se taire, si il ne voulait pas qu'un de ses subalterne ne trouve un moyen de leur clouer le bec. Lentement, le colosse se baisse, pour récupérer son arme. Cette fois-ci, il ne fera aucun quartier. Ses bras se lèvent, alors que ses traits se déforment sous une détermination toute nouvelle. La rencontre n'a pas démarré sous les meilleurs auspices, mais la vapeur s'est enfin inverser. D'un coup sec, Chacal projette d'envoyer la diamant traverser son propre bateau, faisant ainsi d'une pierre deux coups. Pas question de le repêcher, cette fois. Quand bien même il pourrait tailler une jolie bague, pour sa promise, avec le corps de ce freluquet. La mer, c'est dégueulasse. Y'a les poissons qui baisent dedans.

« C'est toi qui vois, Coco ! Ta vie, ou celle de bobonne ? »

Les dés étaient lancés ! Pour le jeune capitaine pirate. Deux voies s’ouvraient à lui, mais chacune se terminait avec la mort. Qu’allait-il choisir ? Qu’allait-il tenter ? Rien ni personne ne pouvait s’opposer à la toute-puissance de Chacal ! Il en était désormais convaincu ! Ce blanc-bec avait eu sa chance, mais c’était bel et bien terminé. A l’aide de son cerveau, aussi gigantesque que lui, à n’en pas douter, il avait réussi à poser un mur infranchissable, pour arrêter l’opposition ! Le petit Jin semblait en proie à la panique, observant son bateau, son adversaire, totalement perdu ! A la merci du génial colosse, qui se ferait un plaisir de n’en faire qu’une bouchée, avant de le recracher dans les flots.


Le pirate abat sa lourde masse, contracté de la tête aux pieds, déployant toute sa hargne dans ce coup explosif, qui ne laisserait pas de cadeau. Tant pis pour le gringalet, qui était encore en pleine réflexion. Il ne faudrait pas venir se plaindre, après coup ! Bon, ce serait trop tard, de toute façon. C’était assez compliqué, d’être intelligible, en sombrant vers les fonds marins. Si le cerveau diamanté n’était pas au niveau de celui du Chacal, ce dernier ne pouvait rien y faire ! Quelque part, il plaignait le gamin. Non, pire. Il éprouvait une certaine pitié, pour lui, qui était tombé sur un adversaire si fort, à son arrivée sur Grand-Line. Le monde était parfois bien cruel.

Le coup plongeant fuse, à toute allure, prêt à réduire en poussière le petit bijou inconnu, à le catapulter rejoindre Xoth, sous l’océan ! L’impact se fait plus bas que ne l’aurait pensé le géant, mais en même temps, face à un moucheron, c’était toujours dur d’estimer ce genre de chose.


L’impact résonne à plusieurs lieux à la ronde, faisant craquer le bois fatigué, qui s’éparpille, comme pour prendre la fuite. L’esquif tout entier, est saccagé par ce tour de force, tombant au milieu du vaisseau, qui se plie sur le point de chute de l’arme titanesque. Au même moment, au milieu de ce fracas tonitruant, qui secoue tout l’équipage des Chacaux, ainsi que leur adversaire, un coup de feu retentit.

Les yeux rivés sur l’endroit où il avait laissé un cratère enfoncé, qui menaçait l’intégrité toute entière du navire, l’étrange homme, aux proportions hors-norme, mit un moment à comprendre ce qui venait de se dérouler. Il observait, avec attention, mais même s’il s’était attendu à peu près à quelque chose dans le style, il manquait une satisfaction, un impact qu’il n’aurait su expliquer. Avait-il seulement fait mouche ? Avec l’ampleur de son attaque, Chacal avait tout bonnement laissé le marteau lui échapper des mains…Terrible.

Manifestement pas, car, en tournant la tête sur le côté, il put voir Jin s’acharner contre le mât, pour sauver sa camarade, sans doute. Tout ce qu’il réussirait à faire, c’était de réduire encore davantage leurs chances. Fifi ne ratait jamais. JAMAIS.

« NAAAAOOOOOONNNN !!!! BIIIIILLLLYYYYYY !!!! »

Suite aux efforts combinés des deux Capitaines, le fin tireur avait fait feu au pire moment. Manquant tout bonnement de perdre l’équilibre et de se fracasser en contre-bas, il avait été obligé de se rattraper, dans l’urgence et, malheureusement, n’avait pu retenir la balle de partir. Directement dans le postérieur de Billy, qui était depuis trop longtemps dans les vapes, pour se rendre compte qu’il était en train de passer la pire journée de son existence.

Une veine battant ardemment, contre sa tempe, Chacal commençait à en avoir marre, de ce petit rigolo. En moins de temps qu’il n’en faudrait pour le dire, ils allaient sombrer et seuls les vainqueurs auraient le droit d’en réchapper. C’était une certitude. La Dernière Demeure commençait déjà se faire doucement avaler par la mer. Il n’y avait plus une minute à perdre, s’il comptait sauver sa peau, mais aussi celle de ses hommes.

« T’as tué Billy, espèce d’enfoiré… »

Suite à son accusation, sans la moindre preuve tangible, sans plus attendre, il se rua vers l’avant, comme un animal enragé. Un éléphant enragé, prêt à tout rager sur son passage. Rageur, blessé dans son orgueil à plusieurs reprises, Chacal s’élança, avec une colère qu’il portait sur son visage. Utilisant tout le poids de son corps, il prépara un énorme crochet, dans lequel il comptait tout mettre. L’heure n’était plus à la rigolade, les personnages secondaires pouvaient se barrer de son show, l’épisode filler avait assez duré.

« J’VAIS T’CHATIER JUSQU'A XOTH, TU VAS CREVER COMME UN MOI ! »

D’une droite monstrueuse, il décocha un tir en pleine tête d’un Jin encore en train de se retourner. Poursuivant son mouvement sans s’arrêter, il encastra son poing et son opposant dans le mât, déjà bien fragilisé par les assauts du joyau sur pattes. Le bois éclata sans même tenter de résister, au bout de ses forces, avant de s’écrouler lourdement sur le navire, tombant directement sur Billy et son camarade éploré, qui ne l’avait jamais quitté. Fifi tomba à la flotte en hurlant, alors que le bâtiment nautique prenait l’eau à une vitesse vertigineuse, plus de la moitié étant déjà englouti, Chacal faisait, lui, le bilan de sa vie.

Les dégâts qu’il avait infligés à son adversaire étaient négligeables, il l’avait bien senti, mais surtout, il s’était éclaté tous les os de la main, à le cogner comme un goret. Les Chacaux étaient déjà vaincus et finiraient bientôt perdus, brisés, en pleine mer. Un constat rapide vint en tête du Capitaine, humilié, qui était tombé sur un sacré os. Sans s’arrêter sur la douleur et la sensation chaleureuse que celle-ci lui provoquait, dans ses parties basses, il pointa son index vers Jin, en arquant un sourcil. Gonflant le torse, il se trouvait déjà, lui, immergé jusqu’au bassin, étant situé au milieu exact de l’épave en devenir. Sans crier gare, il changea de chanson, décidé à jouer le tout pour le tout, sur ce dernier coup de théâtre.

« Tss ! T’es pas mal, mais peux mieux faire, zébi. » Entama fièrement le gargantuesque félon, pour ne pas perdre la face. « Si tu nous prends sur ton bateau, jusqu’à la prochaine île, je te laisserais devenir mon disciple. Deal ? »

Manifestement, Chacal n’avait peur de rien, ni même du ridicule. Tendant une main généreuse vers le fruité, encore hors d’atteinte des eaux, il avait bien vivement retourné sa veste, mais la survie avait pris le dessus sur l’honneur, apparemment.

« C’est une bête de fleur, que je te fais hein. » Affirma le géant, sans se démonter, avant de rajouter, à demi-mot : « Allez, sois cool, gros… »

C'était sans doute l'acte le plus responsable qu'il avait réalisé, tout au long de sa courte carrière de forban des mers. Dommage qu'aucun de ses membres ne soit encore en état de le remarquer. Ça lui aurait sans doute valu des points.

Spoiler:

Si la puissance de destruction de Chacal était impressionnante, la crédit revenait également à Jin, pour l'oblitération du mât. Celui-ci l'avait déjà bien fragilisé, par ses coups répétés et rapides, avant que le colosse ne vienne s'approprier le "last hit", comme un sacré ch...Passons. Le combat avait été court, mais intense. Avec lui, il avait emporté une bonne partie de l'équipage des Chacaux. Pas de morts, fort heureusement, mais pas mal de blessé. A part peut-être Billy, pour qui n'importe qui serait en droit de s'inquiéter. Une balle dans le cul, ça pouvait avoir des ramifications inattendues, si on ne s'en occupait pas très vite.

Affaibli, le colosse n'eut d'autre choix, que de compter sur la clémence, de son adversaire de tantôt. Avec un navire, il était déjà suffisamment compliqué et dangereux de se déplacer sur les mers de Grand Line, mais à la nage... C'était totalement irréalisable. En traînant ses camarades survivants ? Inutile de rêver. L'attente forcée, que lui fit endurer le petit bijou, manqua de le faire s'effondrer. Ainsi, il lui avait infligé l'humiliation de la défaite, et il voulait maintenant le voir patauger, au beau milieu de sa honte ? Profiter ainsi d'un tel moment de faiblesse, qu'il ne devait qu'à l'état lamentable de l'équipage qu'il avait, sauvagement mis à sac ? Comme c'était bas...Il ne risquait pas de l'oublier de sitôt, ce bâtard. Et si il devait mourir noyé, il reviendrait, inlassablement, pour le hanter !

- Bon, bon, d'accord.. Tu m'as permis d'bien m'amuser, après tout. Alors ramène-toi.

La mâchoire serrée du colosse se ramollit, alors que ses yeux s'embuaient d'une profonde gratitude. Il tomba à genoux, sur les planches de son bateau, qui coulait encore.

« T'es sah, mon frère ?! Tu le regretteras p...*glob glob* ! »

Sa phrase s'était achevée lorsque les eaux avaient recouvert son visage. Il resta sous l'eau, pendant plusieurs minutes, si bien aurait pu se demander si il ne s'était pas noyé, sans les bulles d'air qui venaient parfois éclater à la surface. Finissant par ressortir des flots, le colosse portait chacun de ses membres sur le dos. Avec l'aide de Jin et son équipage, il les fit tous passer sur le pont, avant de monter à son tour. Avec le goût amer de la défaite, mais la satisfaction qu'apportait la création d'une nouvelle amitié, Chacal remercia une nouvelle fois ses sauveurs, avec un sourire.

Ses hommes se réveillèrent, un à un, un peu sonné. Malgré une moyenne intellectuelle assez basse, ils arrivèrent sans trop de mal à assimiler ce qu'il s'était passé. Ils étaient sauvés, tout simplement ! Magnanime, leur fabuleux chef avait réussi à s'emparer du bateau de ces forbans. Il avait même décidé de leur laisser la vie sauve, dans son infini bonté ! Quel homme, quel géant ! Littéralement.

« Bien joué Capitaine ! Z'êtes le meilleur ! » Scanda Riri.
« Notre bateau était pourri, de toute façon ! » Se réjouit Fifi.
« T'as dead ça, Chacal ! » Affirmèrent les autres, en coeur.

Le héros involontaire les regarda un à un, et l'espace d'un instant, il sembla hésiter. Comment écraser leur joie, alors qu'ils semblaient déjà si ragaillardis, par l'exploit qu'ils lui attribuaient, à tort. En dépit de sa défaite, ils lui réchauffaient le coeur. Il n'avait peut-être pas les plus efficaces, ni les plus dégourdis, ni les plus intelligents, ni les plus braves, ni les plus réactifs, ni les meilleurs pirates, avec lui. Dans l'adversité, Chacal avait apprit qu'ils étaient bien plus que ça. Ils étaient sa nouvelle famille. Tout ça, il le devait à Jin. Fermant les yeux, le colosse ouvrit les bras, en bombant le torse. Fièrement, il annonça :

« J'ai dead ça ! »

Une clameur enjouée souleva tout l'équipage rescapé, apportant de l'animation, sur le vaisseau de leurs sauveurs. Malgré ce qui venait de se passer, l'ambiance était plutôt à la fête. Après tout, ce n'était pas dans leurs provisions, qu'ils allaient taper, jusqu'à la prochaine île. Autant en profiter pleinement !

Spoiler: