One Piece Anarchy
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Umashiashikwa ? [Terminouche !]
Umashiashikabihikoji
Moi je fais des ptites bulles ♫
Moi je fais des ptites bulles ♫
Loca. :
Balgimoa
Berrys :
000

Feuille de personnage
Jauge d'intrigue personnelle:
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Umashiashikabihikoji
Touriste
posté le Lun 10 Aoû - 15:25

UMASHIASHIKABIHIKOJI
Qui ? — 25 ans  — Femme — Civile — Touriste
métier : Navigatrice
groupe : Civile
rêve : Découvrir les Mers Bleues - Demander au Godfather s'il veut bien mourir - Aller sur la Lune et rencontrer les Lunettes - Retourner sur Weatheria pour rejoindre ses pères - Avoir un autographe d'Orion
rang : Touriste
grade (facultatif) : /
prime (facultative) : /
espèce : Ange, a priori
lieu de naissance : Inconnu - Recueillie à Weatheria
première île : Whiskey Peak
armes : Pipe à bulles géante - Un caillou-smiley
fruit du démon : Awa Awa no Mi - Fruit Bubulle

DESCRIPTIONS (Physique et Mentale, EMMENTAL LOL)
Umashiashikabihikoji (je vais me permettre d’écrire Uma pour la suite, parce que j’ai voulu faire la ouf avec un nom à rallonge mais en vérité c’est ultra chiant), c’est une navigatrice et une scientifique, une professionnelle doublée d’une passionnée. Elle aime fabriquer des bidules et des trucs à partir de tout ce qu’elle trouve – du moins, elle essaie -, elle connaît les mécanismes climatiques sur le bout des doigts, elle les ressent, même. Ce n’est pas quelque chose d’inné. Uma n’est pas un petit génie, je dirais plutôt qu’elle a eu de la chance d’apprendre tôt, et de se concentrer exclusivement sur ça, en grandissant à Weatheria. Et comme tous les enfants qui commencent très jeunes, ses talents évoquent une sorte d’intelligence suprême, mais en réalité, on sait quel genre de machine c’est, les cerveaux de gosses. Seulement, les connaissances, ça ne fait pas tout. Si elle rêve de voguer à travers toutes les mers, de découvrir le moindre recoin de chaque île, Uma va se frotter à ses propres limites : elle n’a jamais navigué, à proprement parler. Elle est douée pour observer le ciel, de jour comme de nuit, mais techniquement… elle pue la merde. Elle ne sait pas combiner ses connaissances à la pratique, sur un vaisseau. On pourrait penser qu’elle compense son manque d’expérience par un sens de l’orientation bien affûté, mais il s’avère qu’elle a le mal de mer. Du coup, c’est aux risques et périls de ceux qui la prendront comme acolyte. Elle, ça lui met quelques bâtons dans les roues pour atteindre ses rêves ; il ne reste plus qu’à espérer qu’elle aura assez de volonté pour y parvenir. Et pour le coup, de la volonté, elle en a pas plus qu’un autre. En fait, elle est plutôt du genre à se foutre de tout et à se moquer des risques. Elle prend ce qui vient, comme ça vient, elle se laisse guider par ses sentiments plus que par sa réflexion ou son instinct. Autant, cette insouciance peut la mener loin, autant… elle peut mourir à tout moment.

Uma a grandi sur Weatheria, entourée d’une masse de petits vieux. Partant de là, même si elle se sait différente d’eux, elle s’associe énormément à leur image, sur de nombreux points. La meilleure façon d’illustrer ce fait, c’est sûrement de se pencher sur sa manière de vivre : elle est bourrée de tics de vieux. Que ce soient ses plats préférés – soupe aux choux, tripes, rognons, endives au jambon, pâté de tête… bref, tous les trucs que seules les personnes âgées sont capables de s’enfiler -, son habitude de boire des tisanes pour digérer ou dormir, de porter des charentaises pour se sentir plus à l’aise, de taper des siestes à n’importe quelle heure de la journée – et, une fois prise sur le fait, de se réveiller en sursaut en jurant qu’elle était seulement en train de réfléchir -, ou de fumer la pipe, tout chez Uma fait d’elle une vieille.

Tout… ou presque. Déjà, parce que c’est pas une vieille, CQFD. Mais surtout parce qu’elle a des réactions de gamine. Elle semble bloquée à l’enfance, puisqu’on ne lui a jamais vraiment donné l’occasion de grandir, qu’elle ne sait rien du monde – je reviendrai sur ce point un peu plus loin. Ses pères adoptifs lui ont toujours tout cédé par trop d’amour, et malgré leurs efforts pour l’éduquer, ça n’a jamais vraiment abouti. Nul doute que son atterrissage sur les mers bleues la fera grandir, mais, en attendant, ça reste une gosse. Elle est hyperactive, ce qui justifie, peut-être, qu’elle se fatigue vite et qu’elle dorme beaucoup. Physiquement, elle est toujours en train de sauter partout, de bouger, de déranger ; émotionnellement, elle est capable de passer de la colère au rire, de la joie aux pleurs, et ça se voit sur son visage, très expressif. Professionnellement, elle consacre toutes ses forces à comprendre les mécaniques climatiques, à cartographier les courants marins, les comparer aux courants aériens… Bref, quoi qu’elle fasse, elle est à fond. Même pour dormir. A ça s’ajoutent son insolence, dérivée de son insouciance et de son manque de savoir-vivre, ses rêves de conquêtes d’autres mondes, au-delà des frontières terrestres, et son caractère tête-en-l’air - elle réfléchit peu et se trompe parfois dans les expressions qu'elle veut utiliser. Ayant grandi loin de tous les soucis du monde, elle n’en connaît rien. Rien du tout. A vrai dire, elle ne sait tellement rien des mers bleues que la simple existence de jeunes personnes, des femmes ou d’autres races la passionne totalement. C’est une amoureuse du monde, capable de se lier d’amitié avec le pire des scélérats comme avec le plus grand samaritain. Comme les enfants, quoi : on devient ami avec n’importe qui – « tu veux devenir mon copain ? ». Parce qu’un gamin, ça connaît pas la violence du monde, ça se méfie pas de l’autre, ça se laisse vivre et ça voit ce que ça donne. Ça se laisse influencer, façonner, grandir par les autres. Ca apprend par mimétisme, et d'ailleurs, il arrive à Uma de prendre les mimiques de ses interlocuteurs, machinalement. Finalement, elle est en train de grandir. Elle a besoin d’expérimenter le monde, pour pouvoir l’apprivoiser ensuite.

Ça pourrait lui jouer des tours, d’ailleurs. Sur Weatheria, elle n’a jamais connu la violence, et elle ne sait pas ce que c’est, ni si c’est bien ou mal. En fait, c’est même le concept de bien ou de mal, qu’elle ne maitrise pas. Tuer ne la dérange probablement pas, bien qu’elle ne l’ait encore jamais fait ; la mort est ce qu’il y a de plus naturel pour elle – d’autant plus qu’elle en a vu, des vieux clamser. Plus précisément, elle pense que la mort est une étape de la vie comme une autre, qui arrive lorsqu'on la désire. La vie, c'est ça : on fait ce qu'on veut, avant de penser à pouvoir faire. Ainsi, si elle doit tuer, elle demandera l'autorisation à la personne avant. Elle est polie, la p'tite ! Alliant à cette naïveté à son influençabilité, Uma pourrait être une ange qui tourne au démon – ahah, c’est original, hein. Plus sérieusement, dans une vision manichéenne, ce seront finalement ses relations qui détermineront de quel côté de la force elle basculera.

Pour contrebalancer cette bombe à retardement qu’elle est pour elle et ses proches, elle est toujours accompagnée de Ary, un vieux de Weatheria un chouilla peureux, qui la suit parce qu’il a trop peur de rester tout seul. Ca arrange bien Uma, qu'il soit avec elle, car si elle craint et déteste bien deux choses dans la vie, ce sont la solitude et le silence. Sinon, dans la construction d’Uma, il n’a aucun autre but que de lui servir de conscience. Mais comme elle l’écoute jamais, il sert à rien – j’rigole, j’ai prévu des petits trucs pour l’intrigue personnelle d’Uma, avec lui.

Ce qu’il me manquait, pour sentir Uma complète, c’était une pointe de profondeur. Du coup, il fallait que je la mette à l’épreuve. Comment elle réagirait, si ça se passait mal ? En l’écrivant, j’étais bloquée sur ce point, parce que telle que je la voyais, telle que je l’avais déjà construite, je me disais qu’elle réagirait pas, et je trouvais ça super naze. Après coup, j’ai réalisé que c’était ça, le truc. Autant, pour des événements sans grande importance, elle pourrait passer par toutes les émotions du monde, un truc explosif, comme j’ai essayé de le décrire plus haut. Mais pour ce qui lui tient vraiment à cœur, elle réagirait pas. Elle a pas le contrôle de ses émotions, parce qu’elle les craint. Uma se renferme juste sur elle-même, quand ça va pas, elle devient antipathique, hostile, inexpressive. Elle évite les sujets sérieux, parce qu’elle ne sait pas les appréhender et qu’elle ne veut pas laisser ses failles à découverts. Dans le fond, malgré son caractère haut en couleur, elle dégage une certaine froideur dans les moments critiques. Un exemple pour illustrer ça, c’est sa recherche d’identité. Dans le fond, c’est une orpheline, elle sait pas d’où elle vient, elle est encore jeune, elle a besoin de repères, et le seul indice, la seule hypothèse même sur ses origines, c’est la Lune. Du coup, elle va se jeter à corps perdu dans une conquête de la Lune pour trouver ses racines, pour comprendre d’où elle vient – et si elle ne vient pas de la Lune, ça pourrait être désastreux pour elle. Mais ça, du coup, elle le tait, parce qu’elle ne peut pas, elle n’arrive pas à aborder ce point.

Grâce à mes fantastiques talents de graphiste dessinatrice et tout, j'ai fait un ptit schéma récapitulatif de ce paragraphe si jamais c'est pas clair :

Umashiashikwa ? [Terminouche !] Rzoact10

Comme ça m'a l'air beaucoup plus clair maintenant, on peut passer à la suite ! Je voulais mélanger un peu la description physique à la mentale, mais je suis trop carrée olala. Du coup, place au physique !

Le premier truc qu’on remarque, chez Uma, c’est ses cheveux. Probablement à cause du Awa Awa no Mi, ses cheveux ont pris eux-mêmes l’apparence de bulles, sous forme de grosses mèches turquoise et translucides. En tout cas, la couleur est naturelle – la même que ses yeux – mais le côté bulleux est dû à son fruit. Elle les garde courts parce que c’est quand même plus pratique que des longs cheveux qu’il faut toujours coiffer et tout. Avec des cheveux courts, c’est simple, c’est rapide, on peut être coquette sans passer trois heures devant le miroir. Parce qu’elle est coquette, la petite. Elle est coquette à sa manière. Disons qu’elle aime bien porter des tenues qui lui donnent un peu de crédibilité. La plus commune, c’est son costard-short-cravate – j’ai parlé de crédibilité ?. En vrai, je trouve ça un peu stylé quand même. C’est un plaisir coupable. Bref, elle porte une chemise blanche sous un gilet noir, avec une cravate qu’elle redresse toujours quand elle veut avoir l’air sérieuse. En-dessous, c’est un short tout simple, noir aussi, retenu par une ceinture, noire aussi. Parfois, elle porte des collants tourbillons (je sais pas trop comment décrire ça, mais vous verrez quand je balancerai des images en RP !). Noirs, du coup. Avec des petites chaussures noires… quand c’est pas des bonnes vieilles charentaises ! AH OUI J'AI OUBLIE du coup je le mets ici : c'est une ange, donc elle a de petites ailes dans le dos et pour les laisser à l'air libre, elle a deux trous dans son costard et sa chemise.

Autrement, en dessous de toute cette noirceur de fringues – XxD4RK_Um4xX -, la silhouette d’Uma assez androgyne. Son visage, avec ses longs cils au-dessus de ses yeux bleu vert, son petit nez rebondi, ses lèvres comme deux minuscules pétales, est très féminin, par ailleurs. Pour sa voix, c’est la même chose : elle a une voix de gamine excitée, un poil aigue et avec un flux de parole assez élevé - juste de quoi être relou. Du reste, à la limite, seul son petit cucu rebondi peut laisser penser que de dos, il s’agit d’une femme. Mais encore, des fois il y a des mecs sacrément gaulés. Genre, j’ai un pote, mama, il a un c… Pardon.

Du reste, son hyperactivité se voit. Elle est toujours très active, elle bouge partout. Elle est incapable de cacher ses émotions, à cause de son visage très – trop – expressif. Enfin, ça, j’en ai déjà parlé plus haut.

Pour son style de combat... qui dit savon, dit gliiiissaaades à gogo. Du coup, ça tournera pas mal autour de ça. Uma, c’est une patineuse sur savon. Elle est habituée à utiliser son fruit pour glisser en limitant les frottements contre le sol et accélérer ses déplacements. Ça lui permet aussi de déstabiliser son ennemi sur un terrain auquel il n’est pas habitué. Mais ce n’est pas une grande belliqueuse. Elle viendra en soutien à ses amis si nécessaire, c'est-à-dire s'il y a danger de mort non désirée, elle fera une petite crasse dans le dos d’un adversaire pour donner l’avantage à ses alliés, mais elle est plus du genre à buller à côté d’un combat qu’à y participer de son plein gré. Si je dis « buller », c’est pas juste pour la blague, c’est qu’elle utilise ses bulles principalement comme moyen de transport ou de confort. Elle se balade de bulle en bulle, elle s’assied dessus comme sur des poufs, elle s’enferme dedans pour rouler comme un hamster, des trucs du genre. Elle utilise plus son fruit pour s’amuser et duper, finalement, notamment à travers la sculpture en savon solide ou mousseux.

Sur ce, place à l’histoire !


HISTOIRE


Rencontre du troisième… quat-… ‘fin, rencontre d’un certain type, quoi
Little Garden, 1516


- Uma ! Uma ?! Où es-tu ?!

Le vieillard s’agitait entre les bois, son visage se crispait alors que tout son corps ne lui semblait être plus que des miettes. La chute avait été rude, depuis la cime des arbres. Il se haïssait d’être tant guignard, et il la haïssait d’être aussi stupide. Et de le laisser seul. Dans une jungle sombre, inhospitalière. Le moindre craquement de bâton le faisait sursauter. Ses yeux étaient à l’affût du plus petit mouvement d’ombre. A gauche, une branche gigotait au passage d’une silhouette sombre ; à droite, les empreintes d’un gigantesque prédateur, un ours peut-être, ou quelque chose de plus gros encore, était encore fraiche ; partout, des myriades de paires d’yeux féroces brillaient dans la broussaille. Les sifflements et les cris, lointains ou proches, félins, canins ou aviaires, les feuilles brassées par la course de quelques oiseaux, lémuriens, rongeurs, singes, ou qu’en savait-il, les bûches cassantes, ce brouhaha silencieux, étouffé de toute humanité, de toute civilisation, tout ce qui l’entourait, en somme, gardait ses sens en éveil, sous tension. Son cœur frappait son torse, car loin de chez lui, il n’était plus qu’une proie pour le monde.

Lentement, le vieillard reculait, fuyant ce qui lui faisait face pour s’offrir à ce qu’il ne voyait pas. Il sursautait dès que ses pieds rencontraient à nouveau le sol, sur une feuille, une charogne à demi décomposée, un bout de bois. Surtout, aucun son ne put sortir de sa bouche grande ouverte lorsque son dos cogna un corps dur et raiche. Il pivota la tête mécaniquement, pour savoir ce qui le tuerait. A nouveau, son palpitant s’emballait. Un arbre. Il soupira, désespéré. Il ne se donnait pas trente minutes avant de mourir, et encore, il se voyait optimiste. L’ange devait être déjà morte, un corps fragile comme le sien ne pouvait pas supporter une telle chute. D’ailleurs, il l’appelait, sans réponse. Peut-être avait-elle été éjectée à quelques centaines de mètres. Ou peut-être s’était-elle empalée sur les épaisses ronces qu’il devinait à quelques mètres, ce qui lui semblait plus probable. Quoi qu’il en fût, sa survie à lui n’était plus qu’une question de temps. Il allait mourir, tremblant de ses blessures et de sa peur, et malgré ses vieilles années ce ne serait pas son âge avancé qui l’emporterait. Il n’avait plus de famille pour le pleurer, plus d’amis pour le regretter. Alors, tant pis. Il céda. Difficilement, il plia ses jambes pour s’asseoir au pied du gigantesque moracée, retenant son corps par ses mains contre le tronc, pour éviter une – nouvelle – chute trop violente. Il leva les yeux vers les fruits de l’arbre, qui, de leurs chaudes couleurs, lui rappelaient le doux foyer de son enfance. Quelque part, il pourrait trouver l’apaisement, avant de s’en aller. Tandis que dans son esprit, les sphères orange devenaient des flammes camaïeu, dansant dans les airs et léchant la bûche noire de la cheminée, le vieil homme ferma les yeux, oubliant qu’autour de lui, le monde le menaçait. Tout irait mieux après.

- Bouge pas…

- AAAAAAAH !



Une silhouette pâle, balafrée çà et là, à la crinière hirsute et ébouriffée, venait d’apparaître devant lui. Dans l’obscurité des lieux, la clarté de la créature semblait étinceler à la manière d’un revenant. Il ne pouvait pas en croire ses yeux. Elle ne pouvait pas avoir survécu, pas plus qu’elle ne pouvait être un fantôme. C’était impossible, ça n’existait pas. Pourtant, elle se tenait droite devant lui, le regard fixé au loin. Elle  restait immobile, et seuls ses grands yeux verts semblaient suivre un mouvement dans les bois. Le vieillard se frotta les yeux plusieurs fois pour être sûr de ne pas délirer. Il les fit cligner avec force, puis dû se rendre à l’évidence : Umashiashikabihikoji était là…

- Chut, Ary, bouge pas je te dis !

Et elle avait l’air bien vivante. Bonne ou mauvaise nouvelle, pour le vieillard, l’avenir n’était que doute.

- Je croyais que tu étais morte ! Je t’ai appelée au moins cinquante fois, et tu n’as jamais répondu !

- Hein, tu m’as appelée ?
répondit la gamine, la tête penchée sur le côté.

- Oui, j’étais… Il tendit le doigt pour désigner son emplacement quelques mètres plus loin. J’étais là, et je criai « Uma, Uma ! », et toi, tu sors comme ça de nulle part. J’ai bien cru faire une crise cardiaque !

- Comment tu veux que je me reconnaisse, si tu dis « Uma » au lieu de « Umashiashikabihikoji », hein ?!

- Ah, oui, cette histoire.
Il soupira, fronçant les sourcils en pinçant le haut de son nez entre ses mains. Ecoute, petite… Tu vois, moi, mon nom entier c’est Aristide Brighella. Et pourtant, si on m’appelle Ary, je me reconnais. Même toi, tu m’appelles Ary. C'est un surnom. Puis, tu vois, il n’y a pas beaucoup d’Uma, je pense, dans les environs, donc…

- GLOUGLOUGLOUGLOUGLOU !

- BLIIIIIIH !



Le monstre

Avant même que le vieil Ary n’eut le temps de théoriser l’usage des surnoms, la bête qu’épiait l’ange profita de son inattention pour passer à l’attaque. Ni une, ni deux, le monstre se jeta à toute vitesse sur la gamine, tendant son cou pour menacer la jeunotte de son bec acéré, les yeux remplis de sang, ses minuscules ailes s’agitant aux côtés de son corps dodu. Umashiashikabihikoji ne laissa pas son reste et prit aussitôt la fuite, suivi de près par la créature. Ary, tremblotant sous ce spectacle, y assistait sans parvenir au moindre mouvement, bloqué contre son tronc. Cette fois, c’était acté : l’ange allait y passer ! Elle fusait à droite, hurlant qu’on vienne à son secours, puis à gauche, tandis que quelques larmes glissaient derrière elle, et à nouveau à droite, suppliant la bestiole de lui laisser la vie sauve.

Trop tard. Sous les yeux horrifiés de Ary, la bête féroce fit basculer l’ange d’un coup de bec dans le dos. Elle lui avait sans nul doute brisé quelques côtes tant le coup était violent, et voilà qu’elle se mettait à lui dévorer les entrailles. Sans pouvoir hurler de terreur, le vieillard ne réussissait pas même à détourner le regard. Les hautes herbes, les fougères et les buissons touffus masquaient la scène ; seul le dos plumé et hérissé du monstre restait à découvert, laissant place à toute l’imagination du grisonnant. Ce devait être un bain de sang, une véritable boucherie, et, probablement, les membres de la gamine s’étaient détachés de son corps, tantôt gobés par le monstre. S’il restait encore des os, c’était un miracle. Mais le pire, dans cette affaire, c’était son sort à lui. Ce serait bientôt son tour, ça ne faisait aucun doute. Cette fois, il savait comment il mourrait, et à coup sûr. Les cris que poussaient l’agonisante lui indiquaient un décès lent, douloureux, tortueux. Ses cris… Ses cris ?


- Blihihihih ! Arrête ! Tu me chatouilles ! T’as encore gagné, je me rends ! Blihihi !

- Glouglou !


Ary fronça les sourcils, se redressa sur des jambes claquantes – fit d’ailleurs craquer ses genoux – et jeta un coup d’œil vers la scène.

- …

- Blihihi !

- Glouglou !

- …

- Blihihi !

- Glouglou !


« Blihihi ! Glouglou ! Blihihi ! Gloulou ! » résonnait dans sa tête, encore et encore. La voix fluette de la gamine, les piaillements gutturaux de l’animal, encore. Ary inspira grandement, pour remettre un peu de rationalisme dans ses pensées. Ils étaient on ne savait où, dans une forêt sombre et effrayante, sans aucun moyen de se nourrir, puisque ni l’un, ni l’autre ne connaissait la cueillette ni la chasse, sans aucun moyen de partir, puisqu’ils étaient totalement perdus, et sans aucun moyen de survivre.

- STOP !

- Glou ?

- Umashiashikabihikoji, est-ce que tu réalises qu’on va mourir ici ?

- Hein, pourquoi ?

- « Pourquoi ? », tu demandes « pourquoi » ?! Tu ne vois pas qu’on est coincés ici ? Puis, toi, tu fricotes avec… avec, je ne sais même pas ce que c’est, ça, un dodo ? C’est pas censé avoir disparu depuis une éternité, ces trucs ? Est-ce que ça a existé, même ?

- Oh, trop cool ! Je lui trouvais pas de nom, mais « Dodo », c’est bien !

- Non, je dis que c’est un do… Rah, peu importe ! Fais ce que tu veux avec ta bestiole, moi je vais attendre la mort ici. De toute façon, j’en avais plus pour longtemps.

- D’accord ! Dis-nous quand tu voudras nous rejoindre, on a monté un camp vers la plage.

Le vieux se crispait, tandis que l’un de ses yeux tremblait mi-clos.

- Il y a une plage ici ?

- Oui, à quelque chose comme… une demi mille. Mimil, uhuhuh !

- Avec un camp ?

- Oui, c’est Dodo et moi qui l’avons monté ! Puis Dodo connaît plein d’endroits pour se nourrir, alors on a cueilli plein de fruits. Ils sont super bons !


S’il ne mourait ni de peur, ni dévoré, il mourrait de rage. Le visage sanguin, l’humeur aussi, Ary se mordit les lèvres pour ne pas exploser. A nouveau, il inspira grandement, passant lentement du pourpre au rose, puis au beige, pour mieux réfléchir. Malgré le calme revenu, le vieil homme avait toujours du mal à assimiler la responsabilité du dodo dans leur possible survie. Pourtant, le fait était qu’Umashiashikabihikoji elle-même le lui confirmait. Et, bien qu’à ses yeux, il lui semblait que la folie était innée à l’ange, il l’imaginait mal assez bête pour risquer la famine.



Ainsi, dans un calme relatif – puisqu’il était accompagné d’une gamine hyperactive et d’un oiseau qui ne l’était pas moins -, ils se dirigèrent vers le camp. La plage, elle, était bien moins effrayante que les feuillus à leurs dos. Les fins grains blancs se mêlaient à ses pieds nus, le réchauffant de leur douce tiédeur. Une dizaine de mètres plus loin, l’écume léchait le sable dans de lents va-et-vient, suivie d’une mer apaisée, dont l’horizon se confondait avec le ciel. Voilà des années que le vieillard n’avait pas vu les grandes bleues, et il y retrouvait bien leur charme d’antan. Alors qu’il s’avançait lentement vers les eaux peu profondes pour y glisser ses pieds, une main sur son épaule l’arrêta.

- C’est beau, hein ?

En silence, Ary acquiesça. Il se souvenait de ses années passées là, et malgré les bons souvenirs, il se remémorait les raisons qui l’avaient poussé à rejoindre les hauteurs. Une seconde, il hésita à construire au plus vite un aéronef – du moins, à tenter bien qu’il n’en eût aucune compétence – mais se vit retenu par la présence même de l’ange. S’il la laissait ici, seule, elle mourrait à coup sûr. Elle ne savait rien des dangers de la vie, rien de la vie, même, et bien que la chance l’eût touchée avec la rencontre du dodo, ce ne serait pas toujours le cas. Et il se savait incapable de la convaincre de repartir avec lui : il voyait dans ses yeux l’émerveillement de ce spectacle. Au fond, Umashiashikabihikoji était une aventurière dans l’âme. Elle pétillait de découvrir ce que le monde lui réservait. Certes, ce n’était pas la destination attendue, mais tout pourrait l’éblouir. Bien qu’il la maudît, une vie était une vie, et il ne pouvait pas l’abandonner à son propre sort. Aussi, il avait un peu peur de s’abandonner au sien. Mais alors que les deux s’oubliaient dans l’horizon, une question qui aurait dû lui venir bien plus tôt pointa dans l’esprit du vieillard :

- Comment tu as rencontré ton oiseau ? En fait…

En réalité, la question aurait plutôt dû être « Comment ça se fait que tu aies rencontré un oiseau, et que vous soyez devenus comme super amis ? », mais il n’eut pas le temps de se corriger que la gamine s’était posée en tailleur sur le sable, sa gigantesque pipe à la main, mimant de la fumer alors que seules quelques bulles en naissaient de temps à autres. Elle lui expliqua qu’à son atterrissage, elle était tombée dans le nid d’un oiseau. Un nid à terre, ce qui lui paraissait bizarre, puisque d’habitude, les oiseaux volaient et vivaient en hauteur. En tout cas, le nid avait amorti sa chute. Du moins, elle avait atterri sur un œuf et l’avait explosé. Un œuf plutôt gros. Et elle s’était retrouvée pleine d’œuf. Peu importait. Pile au moment de se relever, elle s’était retrouvée nez à nez avec un gigantesque oiseau. La tête tournée, l’œil fixe sur elle, il semblait la dévisager. Puis, après un instant d’hésitation, l’oiseau s’était mis à lui apporter divers fruits et à les déposer près d’elle, comme une offrande. Sauf que les fruits étaient prémâchés, et qu’elle n’avait pas très faim.

- Donc, c’est une femelle… et elle te prenait pour son bébé ?

- Oh ! J’avais pas vu les choses comme ça. C’est rigolo, ça ! Alors que j’ai tué son bébé…

- Glou ?


L’ange reprit son récit, sans se préoccuper de son crime. Elle avait donc refusé le repas que lui offrait l’oiseau, qui paraissait alors inquiet. Il s’était mis à agiter ses petites ailes, comme pour s’envoler. Peut-être qu’il voulait lui chercher d’autres fruits, pensant qu’elle était difficile. Seulement, l’oiseau s’excitait dans le vide, brassant l’air sans jamais décoller.

- Normal, c’est un dodo !

- Je sais pas ce que ça a de normal, mais Dodo et moi, on est pareil. On a des ailes, mais on ne peut pas voler. C’est pour ça que je l’aime bien. Je me sens un peu moins…


L’ange marqua une pause, comme si elle cherchait ses mots. Pour l’aider à poursuivre, et parce qu’il ne l’avait jamais entendue se confier, il enchaîna :

- Seule ? Tu sais, tu n’es pas seule. Tout un tas d’anges, comme toi, on des ailes sans pouv-

- Rooon… rooon…


Ary tourna les yeux vers la gamine, à côté de lui, qui venait de s’assoupir.

- HEY ! TU PEUX PAS T’ENDORMIR EN RACONTANT TES PROPRES HISTOIRES !




Au clair de Lune
Weatheria, 1502


Une nuit calme, fraiche, aérée par les vents des grandes hauteurs, illuminée par les étoiles et la Lune s’était étendue sur Weatheria. L’auréole arc-en-ciel s’était fondue dans l’obscurité, les chaumières s’y étaient tapies, laissant pour seule vie les grincements des éoliennes et le flottement des ballons qui ne dormaient jamais. De petits cumulus glissaient sur le sol, tandis que peu à peu, l’humidité se déposait sur pelouses, galets et bosquets, en attendant que les premiers rayons du jour ne les évaporent. Au loin, les frontières de l’île, derrière les monts et les plaines, tombaient sur le vide éternel des cieux, bien au-delà de la traînée de météores que la Voie Lactée semait sur son voyage dans l’infini.


Dans ce monde endormi, au pas de sa porte, Junius Fogg profitait de cet instant suspendu. Pensif, son esprit se perdait dans le décor semi-figé, happé par la ronde incessante des éoliennes. Il ne se l’expliquait pas, mais cette nuit-là, Morphée n’avait pas su le prendre. Il patientait que le ciel reprenne ses couleurs, que son pays reprenne vie, et que la vie, elle, reprenne sa ritournelle. Tic ! Le cliquettement de sa montre gousset indiquait la demi-heure. La petite aiguille continuait ses tours, comme elle l’avait toujours si bien fait. Tac ! Ce bruit-là n’était pas normal. Par habitude, il tira la montre et une petite clé dorée de sa poche, inséra l’outil minuscule dans une cavité qui l’était toute autant, le fit tourner sept fois d’un quart de tour, jusqu’à ce qu’un second Tac ! vienne indiquer le saut réparateur des rouages. Il rangea la montre et la clé, soupira, puis se leva. Machinalement, le vieil homme s’était avancé à la limite du vide, trainant ses pieds nus dans l’herbe. Il baissa le visage, pour voir à quelle distance se trouvait le sol : si des nuages descendaient à quelques dizaines de mètres, encore visibles sous le clair de Lune, la mer, elle, était perdue dans la nuit. Junius leva les bras à hauteur d’épaule, inspirant grandement. Il tenait dans sa main droite, comme à tous ses déplacements, le bâton de pluie qui lui servait de canne. Il avança un pied au-dessus de rien, ferma les yeux, se pencha en avant et –

- Areuh ! Geuh ! Zbliblihi !

Il sursauta, manquant de tomber à l’entente des babillages. Sa canne lui échappa, commença à tomber par-dessus-bord, il la rattrapa de justesse, quoi que son corps se trouvait à l’horizontal, avec pour seul lien au sol la pointe de ses pieds. Retenant un cri pour ne pas réveiller ses paires, il posa ses deux mains sur sa bouche, avant que tout entier il ne fuse vers le bas. Pour une seule seconde, heureusement, car son bâton fétiche avait pu jouer les hameçons. Accroché à sa canne, il remonta ses yeux au niveau du gazon, ne laissant pas dépasser plus que son front. Devant lui, dans une petite bulle, un berceau finissait sa course depuis les étoiles, atterrissant tranquillement juste en face du vieillard. A l’intérieur, un bambin bien éveillé le dévisagea une seconde, avant d’applaudir et de rire en découvrant les rides du grand-père. Ce dernier, sans que la surprise ne l’ait dépassé, se hissa dans l’herbe, à genoux devant l’enfant. Il le dévisagea à son tour, passant son regard des cieux au bébé, du bébé aux cieux, et à nouveau des cieux au bébé.

- Qu’est-ce que tu es, toi ?

- Zblihihi !


La bulle qui protégeait le berceau explosa, et délicatement, Junius s’approcha pour retenir maladroitement la minuscule créature au creux de ses bras, sans qu’elle ne bronche. Au contraire, elle s’était blottie, fermant ses grands yeux pour s’endormir confortablement. Ses quelques mèches turquoise voletaient au gré du vent, et de ses petites lèvres flottaient quelques bulles. Bien loin du bouillon répugnant des bambins, par un mécanisme mystique, elle bullait réellement, laissant une myriade de sphères s’échapper dans le ciel, tourbillonner à quelques mètres, se cogner les unes contre les autres, et finalement, puisque tout avait une fin, éclater en quelques gouttelettes invisibles.

Sans attendre, le vieux savant s’était emparé du berceau, gardant la petite en sécurité dans son bras libre, et avait rejoint sa demeure aussi vite que possible. En attrapant le couffin, il découvrit une petite pierre blanche, sculptée en oblate, et dans laquelle un visage souriant, tout simple, avait été creusé. Comme il ne voyait aucune peluche, aucun chiffon ni même une tétine, Junius comprit que le caillou devait être une sorte de doudou pour l’enfant.

Arrivé chez lui, il posa le panier sur la table de sa cuisine, et remit doucement l’enfant en son sein. Les deux mains sur la table, juste en face du nouveau-né, il tentait de réaliser ce qui se déroulait sous ses yeux. Il ne le lâchait pas du regard, pensant qu’il devait rester raisonnable, qu’il n’y avait pas de raison de paniquer et que tout devait avoir une explication. Il le savait, les bébés ne tombaient pas du ciel. Et les cigognes, c’était une légende. Pourtant, il avait bien vu ce bébé atterrir de nulle part. Mais tout allait bien. Tout allait bien. Pas de raison de paniquer. Ce bébé devait tout simplement venir de…


- C’est pas possible !

- Agueuh… Ouiin… OOOOOOOUUUUUUUUIIIIIIIIIIIIIIIN !


Soudain, toutes les maisonnettes du voisinage s’étaient allumées. Dans l’une d’elles :

- Le coq chante de plus en plus tôt.

Dans une autre :

- Bwaaaah ! Mais il fait encore nuit ?!

Et chez Junius :

- OOOOOOOOOOUUUUUUUUUUUUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIN !

Il fallut plusieurs minutes à la cité savante pour comprendre que ni le coq, ni le jour n’était déréglé. Et quelques instants plus tard, tout le voisinage s’était retrouvé devant chez Junius, découvrant par les fenêtres l’existence du petit être.


A l’aube, Junius parvint enfin à expliquer et convaincre ses confrères que l’impensable venait de se produire. Dès lors, sa venue avait fait débat : dans leur milieu de vieillards érudits, ils n’avaient jamais entrevu d’autre avenir pour eux que d’étudier la météorologie, l’astronomie, l’océanographie, la géologie, la biologie, et toutes ces sciences qui tentaient, en se liant les unes aux autres, de comprendre les engrenages des machines climatiques et atmosphériques. Ainsi, en découvrant une petite chose qui ne paraissait pas plus vieille que deux printemps, ils avaient dû discuter du comment, du pourquoi, et à nouveau du comment – comment était-elle arrivée ici ? Pourquoi était-elle arrivée ici ? Comment devaient-ils agir, en conséquence ?. Sans surprise, quelques rabat-joie refusèrent l’arrivée d’un bébé dans leurs rangs. Ils n’étaient pas des nounous, avaient mieux à faire et n’avaient qu’à la renvoyer d’où elle venait : probablement les Îles Célestes, à en croire les petites ailes qui ornaient son dos nu.

- Les Îles Célestes ? Non, elle vient probablement de la Lune. Regarde ses cheveux, ils ont l’air tous… bulleux. Personne n’en a de comme ça, sur le monde connu.

- Oui, et puis, cette pierre, elle est toute blanche, comme la Lune. On dirait un peu le basalte sous-marin, mais puisqu'elle vient du ciel, et qu'elle n'est pas une femme-poisson ou une sirène, elle doit venir de la Lune, c'est le plus probable.

- Mais nous n’avons jamais observé de signes de vie sur la Lune, avec nos télescopes !

- Peut-être que cela remet en cause nos instruments. C’est vrai, quoi, leurs capacités sont limitées, personne ne peut en douter. Autrement, nous ne voyons toujours qu’une face de la Lune : peut-être qu’elle vient de l’autre côté. Ca expliquerait pourquoi sa peau est si pâle.


Finalement, le destin de la petite – après une vérification rapide, c’était une petite – se joua au vote. Le résultat fut sans appel : ils la garderaient, et puisque Junius l’avait trouvée, il fut élu tuteur de la petite. Ne lui manquait plus qu’un nom.

- Phoebe Popkiss !

- Nemo !

- Zylphia !

- Etsu Ogawa !

- Maud Butterfield !

- Crocus !


- Cessez, cessez
, s’exclama le vieux Fogg. Attends, quoi ? Crocus ? C’est même pas un nom ! Peu importe. Nous pourrions chacun donner une syllabe pour former son nom.

« U ! », « Ma ! », « Shi ! », « A ! », « Shi ! », « Ca a déjà été dit ! », « Roh, on s’en moque ! », « Ka ! », « Bi ! », « Hi ! », « Ko ! », « Ji ! ».

- Alors… ce sera Umashiashikabihikoji.

- C’est pas un nom non plus…

Il fallut bien une journée pour fêter la venue de cette ange tombée du ciel pour eux, si bien que les vingt heures de la journée auxquelles ils allaient habituellement se coucher furent remplacées par vingt heures et trente quatre minutes solaires. Mais de tous les scientifiques de Weatheria, Junius était le plus heureux.


Junius Fogg



Des racines et des ailes
Weatheria, 1509


- Oh oh, va y avoir du tonnerre !

Junius passa un regard vers l’extérieur, levant le nez de l’ouvrage qu’il tentait d’instruire à Umashiashikabihikoji. Pas un nuage à l’horizon. Il vérifia la pression sur son baromètre mural, après l’avoir tapoté pour s’assurer qu’aucune poussière n’empêchait le mercure de trouver son équilibre, et fit de même avec son thermomètre. Les conditions ambiantes semblaient normales, pour leur altitude. Comme dernier contrôle, il lut sans mal une humidité tout autant dans la norme sur son hygromètre. Rien ne semblait indiquer une tempête orageuse comme le prétextait la petite. Il se retourna à nouveau vers elle, pour lui demander ce qui lui faisait penser que des éclairs allaient se faire, et pouvoir corriger son erreur afin qu’elle ne la refasse plus. Le vieillard était plutôt fier de sa patience et de ses méthodes pédagogiques, lui qui n’avait jamais été ni père, ni professeur. Seulement, au moment d’ouvrir les lèvres, il la découvrit short baissé, fesses tendues, une énorme bulle se formant depuis ces dernières.

Ziiioooouu !

Se décrochant du corps de la petite, la bulle s’éleva dans la pièce, suivi de prêt par le regard horrifié du savant, et celui amusé de sa jeune élève, lorsque soudain…

Paf ! Prout ! PRRRRRRRR !

- BLIIIIHIHIHIHI !

Les vitres en tremblèrent ; il n’attendit pas pour prendre l’ange sous son bras et fuser dehors, sauvant ses narines en les couvrant de sa manche. Un nuage verdâtre les suivit à l’extérieur, heureusement vite dissipé dans l’espace. La petite pleurait de rire, toujours cul-nu, tandis que Junius la lâchait sur le sol. L’éducation d’Umashiashikabihikoji n’était pas un fait acquis, loin de là. C’était une petite fille dissipée. Elle compensait par l’amour qu’elle portait à ce qu’elle apprenait, mais elle n’acceptait pas les horaires imposés par Junius. Ainsi, la plupart du temps, il devait attendre qu’elle se calme pour lui faire cours. Il soupira, exténué par les journées interminables que lui faisait subir l’enfant. Comme si le tempérament d’Umashiashikabihikoji ne suffisait pas, Junius se prenait de pleine face les remarques cinglantes de plus vieil ami, Aristide Brighella, qui ne comprenait pas que son confrère sacrifie toutes ses recherches pour « ça ». De loin, le regard perçant et pesant d’Ary s’était posé sur la scène loufoque, accompagné d’un balancement de la tête ironiquement compatissant.

Seulement, l’attention de Junius se porta sur Umashiashikabihikoji qui fronçait les sourcils, les yeux levés vers son père.

- Dis, pourquoi tu m’apprends que des trucs sur le ciel, et pas sur d’autres trucs ? Des fois, j’aimerais bien savoir comment c’est, ailleurs qu’ici.

- Parce que… les autres trucs, ce sont des choses de grands.

- Pfff, c’est pas juste !

- Mais c’est pour ton bien… Allez, remonte ce pantalon.

Si la censure qu’exerçait Junius sur sa jeune élève était tout à fait contestable, le vieil homme pensait réellement à bien. Umashiashikabihikoji avait eu la chance de naître à Weatheria, une région reculée, bien loin des soucis du monde. Elle pouvait devenir une grande savante, corrompue par aucune idéologie, par aucune pensée, par aucun choix des autres. Elle pouvait s’élever en disciple du Savoir et de lui seul, sans être esclave des Hommes, de leurs impuretés. D’une certaine manière, il partageait les pensées de Wolfgang D. Luther, l’homme qui avait trahi le Gouvernement pour trop de convictions. Junius était persuadé qu’un monde meilleur pouvait être fondé par les plus grands savants, ceux qui, trop souvent, ne soufflaient que quelques vagues conseils aux dirigeants, ces derniers les traduisant à leur bon vouloir. Trop souvent, les meilleurs d’entre eux se plaçaient sous le joug de ces rois, et au lieu de fabriquer le monde, fabriquaient la mort. Lui-même était venu sur Weatheria pour échapper au contrôle du Gouvernement Mondial. En s’élevant encore au-dessus d’eux, il ne pourrait plus être atteint.

C’était là que son opinion s’éloignait de celle de Luther. Si l’Empereur menait une guerre contre le Gouvernement, Junius, lui, projeter de construire un ailleurs. Il rêvait de conquête de la Lune depuis des dizaines d’années, bien avant son exil sur les Îles Célestes. Bien avant que le monde n’empire encore, puisque c’était possible.

Derrière ses épais verres, ses yeux clignèrent deux fois. Il attrapa sa vieille montre, baissa le regard vers elle, et soupira.

- Tu peux aller jouer avec Usui, si tu veux. On reprendra plus tard.

- Ooouuuuiiiiiiiiiiii !


Sans se faire prier, Umashiashikabihikoji s’était lancée dans une course folle à l’autre bout du quartier, pour rejoindre son autre père.



Junius, lui, se souvenait de ses années sur les Mers Bleues, de sa jeunesse. De sa femme, de son fils, qu’il avait quitté depuis au moins quarante années. A l’époque, le garçon apprenait encore à marcher. Il devait être adulte, avoir lui-même sa propre femme, ses propres enfants. Et elle, sa douce, son amour, était probablement toujours aussi étincelante, tant de son esprit que de sa beauté. Il se souvenait de la rue étroite qui hébergeait sa demeure, de la cour pavée devant, de l’escalier qui la reliait à l’entrée, du faux lierre planté exprès pour donner un peu de charme aux murs gris du lieu. A Organic City, sa vie était parfaite. Jeune ingénieur talentueux, météorologue et mathématicien, il travaillait dans des bureaux pour préserver la vie parfaite des Alphas à Quantico. En particulier, il s’attelait à améliorer, pas à pas, les instruments de qualité de l’air et de mesures météorologiques, ainsi qu’à surveiller que les conditions de vie de sa zone ne chutent jamais à cause du mauvais tempérament des cieux. Sa femme, elle, bénéficiant de son lien de parenté avec le maître des lieux – elle était la petite cousine au second degré du fils de la troisième femme du grand-oncle de Roosevelt, ou quelque chose comme ça -, avait pu se trouver un emploi confortable dans des secrétariats de la gouvernance. L’amour n’avait fait aucun doute entre eux, si bien que trois ans après leur rencontre, ils s’étaient mariés et avaient eu leur premier et unique fils. Œuvrant pour la tranquillité des hauteurs, Junius Fogg se sentait un homme accompli et heureux. Sa vie était parfaite. Pourtant, il lui arrivait de se poser des questions quant à la légitimité des Alphas de vivre au-dessus des autres, et surtout de vivre mieux. S’il lui était arrivé d’en parler à sa femme, celle-ci lui répliquait qu’ils étaient jeunes, et qu’il était normal, à leur âge, de se torturer l’esprit pour quelques futilités. Pour autant, il ne devait pas donner de l’importance à ses idées. Ce genre de pensée était dangereux pour l’équilibre des choses. Alors, par amour plus que par conviction, le jeune père s’était rangé, sans qu’il ne puisse totalement remettre en cause cet équilibre des choses.

Quelques années passant, l’ingénieur avait commencé à s’intéresser aux aéronefs, inspiré par les idées de quelques scientifiques plus expérimentés, animé par le désir de créer un autre monde. S’il avait caché à sa femme le fond de la pensée, il espérait bel et bien, un jour, pouvoir libérer les Gammas et les Omegas de leur condition, leur promettre une meilleure vie, loin d’Organic City. En fait, il s’était épris de son projet. Le temps faisant, il avait commencé à faire de ses rêveries son passe-temps le plus prenant, en dehors de ses heures de travail. Vint le jour où il traça ses premiers plans, un peu au hasard, sans assez de certitudes et de sciences pour ne concevoir qu’une maquette fonctionnelle. Une nuit, alors qu’il n’était pas parti se coucher, sa belle s’était rendue à ses côtés, l’avait enlacé en jetant un coup d’œil à son bureau. Déposant un doux baiser sur son cou, elle lui avait soufflé, dans un soupir, qu’il devrait arrêter de travailler sur ses plans, et qu’il devrait plutôt aller la rejoindre au lit. Si l’alerte n’avait éveillé chez lui aucun soupçon, il s’était contenté d’obéir cette fois, pour mieux recommencer le lendemain. Les feuilles s’empilaient sur sa commode, son bureau, le sol même, tant et si bien que n’importe qui, lui avec, se serait perdu à leur lecture. Tout n’était qu’à l’état d’idée, de proposition, sans aucune certitude que ses engins voleraient. En attendant, il gardait ces plans secrets, pour lui et, il devait se l’avouer, pour mieux nourrir son égo lorsqu’il serait prêt à amener ses créations à la vue de tous. Sa seule confidente était sa femme, qui ne semblait pas s’y intéresser. Jusqu’au jour où à nouveau, elle l’implora d’arrêter. Pas seulement pour elle et leur fils, mais aussi pour lui. Car tout finissait par se savoir, à Organic City. L’insistance de son épouse fut le déclic. On savait. Et bien qu’il ne se l’expliquât pas, cette nouvelle n’avait rien de bon. On savait, il en était persuadé, sans qu’il ne puisse expliquer comment. On le voyait comme un révolutionnaire, comme un traître qui dessinait un soulèvement contre la dynastie Baron, une prise de pouvoir par le savoir offert aux castelettres inférieures. Pris soudain de crises de paranoïa, il dut faire un choix drastique : prouver sa fidélité, ou se rebeller contre une cité qui ne voulait pas qu’on le laisse s’exprimer. Seulement, en ce bas monde, tous les hommes ne naissent pas courageux, tous les hommes ne s’élèvent pas en Empereur d’une armée de cent mille soldats, tous les hommes ne deviennent pas des héros. Junius n’était pas plus couard qu’un autre. Mais il n’était qu’un homme. Comme il n’y avait jamais que deux options, une nuit, brûlant ses plans devant sa propre demeure, il prit la fuite, quittant l’idylle d’Organic City, quittant femme et enfant sans un mot d’adieu. Il eut le temps de vieillir un peu, avant de trouver son nouvel El Dorado : Weatheria.

Durant son odyssée, Junius avait découvert d’autres mondes, et avait appris qu’à cause de son influence passée, il avait donné sa vie au service d’un monde injuste. Et, à présent, il refusait qu’Umashishikabihikoji reproduise ses erreurs. En l’élevant et la préservant du monde extérieur, il se repentait. Elle deviendrait pionnière d’une ère nouvelle.


- Umashiashikabihikoji ?

La gamine s’arrêta à une dizaine de mètres du vieil homme et se retourna pour lui faire face.

- Tu sais, un jour, tu iras sur la Lune. Et ça, ça vaut toute l’Histoire de notre monde.







Dernière édition par Umashiashikabihikoji le Mar 22 Déc - 10:18, édité 34 fois
Umashiashikabihikoji
Moi je fais des ptites bulles ♫
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Umashiashikabihikoji
Touriste
posté le Mer 16 Déc - 17:05

UMASHIASHIKABIHIKOJI
HISTOIRE (suite)


Ceci n'est pas une pipe
Weatheria, 1512


Junius et Usui sourirent, à la réaction de la petite. L’énorme paquet qu’elle venait de déchirait laissa apparaître une pipe géante, aussi grande qu’elle. Si d’abord, son air interrogatif l’avait fait rire, les explications du vieil homme rendirent Umashiashikabihikoji plus heureuse que jamais :

- Tu ne t’en souviens peut-être pas, mais quand tu étais toute petite, tu avais piqué ma pipe, une fois, et t’étais mise à souffler dedans. Tu avais fait une ribambelle de bulles, et tu t’étais mise à rire aux éclats. Alors ça m’a donné une petite idée de cadeau.


Usui Taiyo

Avec l’aide de l’un de ses confrères, Usui Taiyo, Junius avait conçu une pipe de taille considérable, ajustée par quelques mécanismes simples. A l’image de sa canne-bâton-de-pluie, qui lui permettait de créer des microclimats, que l’ange admirait et enviait, il lui avait offert un équivalent adapté à elle. L’outil était composé de cinq parties : la première, le bec où l’on soufflait, permettait d’injecter l’air nécessaire à la formation des événements météorologiques. A l’autre bout, ils en sortaient. Les trois autres parties se divisaient au centre, et permettaient d’appliquer les modifications nécessaires pour que l’air, sous quelques réactions physiques, se chauffe, se refroidisse, ou s’électrifie. Ces effets étaient réglables par trois clés situées près du bec, qui, selon leur position, s’activaient ou se désactivaient. Des combinaisons étaient possibles, mais Umashiashikabihikoji devrait s’expertiser, pour toutes les maîtriser.

- Ceci dit, tu ne dois pas en abuser. Ce n’est pas un jouet. Usui et moi-même estimons que tu es assez grande pour apprendre à t’en servir, mais avant, tu dois nous promettre de ne pas transgresser quelques règles.

- Promis !

- Attends, attends, tu ne les connais pas encore. Usui est spécialiste en la matière, il t’expliquera mieux que moi.

- C’est vrai, que je suis spécialiste-spécialiste ! Comme a dit Junius-Junius, ce n’est pas un jouet-jouet. Et ce n’est pas vraiment une pipe-pipe, même si ça y ressemble-ressemble. Il ne faut pas abuser des pouvoirs-pouvoirs de cet outil-outil. C’est un instrument-instrument très utile-utile pour les scientifiques comme nous-nous.


- Nounou ? C’est qui ?

- Umashiashikabihikoji... laisse-le finir.

- Je disais donc, c’est très utile-utile, pour créer des climats-climats à petite échelle-échelle, pour les étudier-étudier. Moi-même, j’ai un parapluie-parapluie pour ça-ça. D’ailleurs, il fait beaucoup de pluie-pluie, il a peut-être un rouage-rouage bloqué. Ahem… En tout cas-cas, il ne faut pas en abuser-abuser.  Il faut savoir laisser faire la nature-nature. Compris-compris ?


- Compris-compris !

Junius se pinça les tempes, fronçant les sourcils, gêné par l’attitude d’Umashiashikabihikoji. Heureusement, Usui ne se vexait pas facilement, et il connaissait assez l’ange pour savoir qu’elle ne pensait pas à mal.

- Très bien-bien ! Hum, eh bien… Si tout est clair-clair, on va pouvoir tester-tester que tout se passe bien-bien ! D’abord, tu dois prendre ta pipe comme ça, un peu comme un saxophone. Ok-ok ?

- Je sais pas ce que c’est, mais ok-ok !


Après un bref intermède musical, durant lequel Usui expliqua à Umashiashikabihikoji ce qu’était un saxophone, et répondit à toutes ses questions – « C’est quoi la musique ? » « A quoi ça sert ? » « Pourquoi on n’en fait pas, nous ? » -, Junius coupa court la discussion, qui aurait pu durer des heures s’il n’était pas intervenu.

- Bref-bref ! Euh… je veux dire, bref ! Umashiashikabihikoji, tu ne veux pas apprendre comment te servir de la pipe ?

- Si !


Recadrée, l’apprentie météorologue se stoppa net, au garde à vous en attendant les instructions. Usui commença par lui montrer lui-même les fonctionnalités de la pipe, en soufflant tout simplement dedans, la première clé activée par une pression de l’index. A l’autre bout, quasi-instantanément, une boule rouge se dégagea, laissant échapper d’elle un souffle chaud, doux, qui vint caresser Junius et Umashiashikabihikoji, évoquant l’été en approche.

- Woah ! On dirait un suroît !

- C’est exactement ça-ça. Je suis étonné-étonné que tu connaisses les vents-vents des basses atmosphères-atmosphères, tu es très douée-douée !

- Papa Junius m’a expliqué comment ça marchait.

- Eh bien, tu as bien-bien retenu ce qu’il t’a appris-appris. Il faut dire-dire que c’est un excellent professeur-professeur.

Junius rougit, se tortillant en balançant une main devant lui, flatté par le compliment de son ami.

- Bon, eh bien-bien, c’est à ton tour-tour maintenant !



Usui tendit la pipe à la jeune fille, qui s’empressa de l’attraper. Seulement, avant même que le scientifique ne lui dise que faire, trop excitée d’apprendre, elle pianota les clés de la pipe, soufflant tout l’air qui était dans ses poumons. Au lieu de boules colorées comme celle d’Usui, une vingtaine de bulles, renfermant des vents, éclairs, pluies, grêles s’échappèrent de la pipe, formant une nuée juste au-dessus des trois. Umashiashikabihikoji leva les yeux, sans trop savoir si elle devait être émerveillée ou inquiète. Pour Usui et Junius, qui connaissaient cette technologie, ça ne faisait aucun doute.

- TOUS AUX ABRIS !

Ils bondirent tous trois sous le grand parapluie d’Usui, alors qu’une première bulle éclata, libérant un tonnerre qui en fit éclater une autre, et par réaction en chaîne, une terrible tempête se déclencha juste au-dessus de leur tête. Grêle, pluie, neige, vents en tous genres, et orage se mêlèrent près d’une trentaine de secondes, avant de disparaître dans le calme. Nul doute que même de l’autre côté de l’île, les détonations avaient pu être entendues.

Après la pluie, le beau temps : trempé et tremblant, les trois compères passèrent leur tête à travers le parapluie, pour s’assurer qu’il n’y avait plus aucun risque. Une dernière bulle éclata, laissant un éclair passer juste devant leur nez.

- AAAAAAH !

Sursautant à l’unisson, ils attendirent une minute supplémentaire que plus rien ne se passait. Là, Umashiashikabihikoji se mit à rire doucement, puis plus fort, puis à exploser de rire, sous le regard désabusé des deux vieux, qui avaient bien cru y passer.

- Mmm pffrr… Hihihi… BLIHIHIHIHI ! Trop bien ! Encore !

- Q-q-q-quoi ?! Jamais de la vie-vie !

Junius, avant même de ne sortir qu’un son, tomba à la renverse, les yeux en spirales. Umashiashikabihikoji se jeta à ses côtés, inquiète, comprenant qu’elle était peut-être allée un peu trop loin.

- Oups. Hum… j’y suis peut-être allée un peu fort. Je ferai plus attention, les prochaines fois !

- UN PEU FORT ?!


Le vieil homme reprit soudain conscience, comme un mort revenant à la vie. Se relevant, droit comme un i, il mit un point – sur le i ? – d’honneur à remettre les choses en places, prenant son mal en patience pour rester calme face à sa jeune élève :

- Umashiashikabihikoji… J’espère que tu te rends compte que ce genre d’instrument peut être très dangereux. On peut blesser des gens, avec ça. Tu dois vraiment nous promettre de faire attention en l’utilisant.

- Humpf… d’accord, je suis désolée…

La mine boudeuse de l’adolescente ne pouvait qu’attendrir ses pères, qui, en cœur, lui frottèrent doucement la tête. Car, dans le fond, ils étaient capables de tout lui pardonner.


Le Roi Soleil
Weatheria, 1515


- On dit qu’Orion est descendu sur les Mers Bleues !

- Ah oui ? Depuis quand ?

- Bonne question. En tout cas, on dirait bien que ses rêves de conquête n’ont pas de limite.


- C’est qui, Orion ?


La gamine plongeait ses yeux bleus dans ceux des deux vieux, alternativement, un sourire curieux ornant ses lèvres et un doigt grattant l’une de ses narines. A quelques pas, Junius recracha la tisane qu’il tenait, découvrant à l’instant la présence de la jeune fille. Il se retourna vers elle, tapotant sa tête avec un rire gêné.

- Ahahah ! Ahem… Umashiashikabihikoji ! Tu ne devrais pas être en train de travailler ?

- Si, mais je m’ennuyais, alors je voulais être avec les autres ! Du coup, c’est qui Orion ?

- C’est un ange qui se prend pour un d…


Junius fit les gros yeux à son compère, le coupant :

- C’est un ange qui veut découvrir le monde d’en bas, voilà tout.

- Comme moi ?!

- Hum… D’une certaine manière, oui.

- Et il a découvert beaucoup de choses ?

- Je n’en ai aucune idée, mais certainement.

- Alors je dois le rencontrer !

- Hem... Oui, quand il reviendra.


Toute satisfaite, Umashiashikabihikoji repartit tranquillement vaquer à ses occupations, s’extasiant à l’idée de rencontrer sa toute nouvelle idole. Et, qui savait, peut-être voyagerait-elle un jour à ses côtés ?



Tomber du ciel
Weatheria, 1516



L’adolescente s’agitait, surexcitée par les événements. Elle ne tenait plus en place, courant à droite, à gauche, posant des questions de dernière minutes, certaines importantes, d’autres futiles, se préparant au plus grand événement de sa vie. Son jeune âge lui donnait la force que ses pères n’avaient plus, pour cette journée, et, puisqu’elle allait suivre, son épopée vers la Lune. C’était le jour J.

- Quand je reviendrai, je vous raconterai tout, promis !

- On t’attendra impatiemment, mon petit ange !

S’il s’interdisait tant bien que mal de la retenir à Weatheria, Junius ne put ravaler ses larmes et attrapa sa fille dans ses bras, l’enlaçant aussi fort qu’il le pouvait. Surprise, la jeune femme sursauta, mais se détendit, blottie auprès de son père et mentor. Tout sourire, elle posa sa tête contre l’épaule du vieux, le serrant à son tour dans ses bras. Pourtant, son esprit était déjà bien loin dans les cieux. Ses yeux se perdaient dans le vol des oiseaux, toujours si gracieux et libre. Ils dansaient dans les nuages, et elle se voyait virevolter à leurs côtés, percer les stratus, les cumulus, même les cumulonimbus les plus bourrus, pour ne laisser derrière elle qu’une traînée de beau temps, d’arc-en-ciel et de vent frais. Elle inspira grandement, se détachant de Julius pour prendre ses mains, sautillant d’impatience. La brise aux côtes de Weatheria soufflait légèrement, soulevant délicatement les mèches ébouriffées de l’exploratrice naissante. Son cœur palpitait, son sourire infini rayonnait sur ses lèvres, sa joie, contagieuse, se transmettait à tous ceux qui s’étaient rendus présents.

- Et quand je reviendrai, je pourrai rencontrer Orion, hein ?

Junius soupira, tant son mensonge était devenu commun :

- Oui, ne t’en fais pas. Allez, file, sinon je ne pourrai pas te laisser partir.

Umashiashikabihikoji ne se fit pas prier et se dirigea vers l’aéronef. Elle était prête. Des ailes qui ne pouvaient voler, c’était le comble de sa vie. Et pourtant, cette fois, elle allait y parvenir. Avec une prothèse, certes, mais c’était bien ce qu’il fallait. Fière de l’engin que ses pères avaient imaginé, dessiné et fabriqué, inspirés du peu qu’ils connaissaient du jeune Theodore D. Baron, elle ne la lâchait plus des yeux, pleine d’une fureur aventureuse. Elle en oubliait le monde derrière elle, ses parents avec. Sur son socle de lancer, l’ornithoptère trônait devant l’émerveillement de chacun. Les grandes ailes de toile ocre se mêlaient aux rayons solaires, fixées par quelques solides fils métalliques au squelette de l’engin. Ce dernier avait été tracé par de longues tiges de cuivre creuses, pour en assurer la plus grande légèreté possible. Dans leur globalité, les ailes s’apparentaient en tout et pour tout à celles des hirondelles. Si la machine volante n’avait pas été testée, on espérait la voir aussi légère et souple que les oiseaux. Pourtant, seule l’expérience en révèlerait la maniabilité. Sous l’ombre du tissu, le batelet n’attendait plus qu’Umashiashikabihikoji se mette en scelle. S’il paraissait minuscule, sa taille avait été calculée pour gagner le plus de place. A l’avant, trois leviers permettaient de manier le vol, en faisant battre les ailes de l’aéronef et en décidant de sa direction – droite, gauche, haut, bas. A leurs côtés, différents appareils de mesures permettaient de connaître la vitesse et la direction du vent – notamment grâce à une girouette -, la température et la pression environnantes. Une place assise leur faisait face, tout juste de la taille de l’ange. Elle était dépliable, pour permettre à la conductrice de s’allonger ou de s’étirer pour les moments de fatigue. Enfin, à l’arrière, en plus d’un stabilisateur, des vivres étaient scellées dans quelques paquets solidement attachés à la nacelle. De même, dans un coffret sous le plancher, des bulles d’air étaient enfermées. Une fois fusionnées les unes aux autres autour de la machine, elles seraient comme un bouclier contre le vide de l’espace. Après que quelques opticiens, par géométrie, eurent estimé la distance et le temps de vol jusqu’à la Lune, les biologistes avaient calculé la quantité d’air qu’il faudrait à l’ange pour survivre, et la nourriture qui lui permettrait de résister à la faim. Tout avait été réfléchi, évalué, compté, délibéré, réglé, ajusté, afin d’assurer à la petite un vol en toute sécurité.

Pourtant, Junius Fogg ne pouvait s’empêcher d’angoisser. Pour la douzième pilule d’aubépine qu’il venait de gober, il posa une main tremblante sur l’épaule de sa fille.

- Tu sais… si tu veux rester, tu as tout à fait le droit.

- Non, ne t’inquiète pas. J’ai envie de le faire ! Et puis, ça ne me fait pas peur du tout. J’ai hâte de rencontrer les Luniens ! A moins que ce ne soit « les Lunistes »… ou « Les Lunettes » ? Ca sonne pas mal, ça !

Le vieux météorologue se gratta la barbe, fronçant ses sourcils hirsutes en tendant le cou vers l’engin.

- Je crois qu’il y a un problème dans le moteur… Tu sais, on n’a pas prévu de remplacement quand tu dors.

- Si, Papa Albine s’en est occupé !



Albine Obel

Albine Obel était l’un des meilleurs ingénieurs de l’île, d’après Junius. Il avait conçu le moteur de l’aéronef, qui permettait, lorsqu’on actionnait le premier levier, de mettre les ailes en mouvement. Le fonctionnement était simple : Umashiashikabihikoji n’avait qu’à produire une multitude de minuscules bulles. Lorsque le levier était en position haute, des pics sortaient de part et d’autre du moteur, en son sein, pour faire éclater les bulles. Alors, elles produisaient l’énergie nécessaire à la rotation de quelques engrenages, en les poussant par le dessous, et permettaient la navigation du vaisseau. Albine avait nommé son invention « le moteur à éclatement ». Quant à l’amélioration dont parlait Umashiashikabihikoji, il s’agissait du levier lui-même : en position basse, il ne faisait qu’accumuler des bulles, qui pouvaient alors s’échapper par l’arrière lorsqu’elles étaient trop nombreuses pour pousser le vaisseau vers l’avant. Le tout était mis en mouvement par quelques rouages basiques.

- Eh bien… tu es sûre que tu ne veux pas faire un essai avant de t’envoler ? On ne sait jamais, parce que…

- Hé… Je sais que tu n’as pas envie que je m’en aille. Et je sais que tu as peur que je n’y arrive pas. Mais tu n’as pas le droit de me retenir. Depuis que je suis petite, tu me fais rêver de la Lune, des étoiles. Tu me dis que j’en viens, et tout le monde dit que j’ai la tête dans la Lune. Moi, je veux mon corps entier dans la Lune, je veux savoir comment c’est. Je veux vivre une aventure, comme dans les histoires, comme vous tous à mon âge, comme Orion sur les Mers Bleues ! Ça ne veut pas dire que je vous oublierai. Peut-être que vous serez morts, quand je reviendrai, mais moi je me souviens de tous mes papas. Puis, tu sais ce qu’on dit : loin des œillets, près du cœur !


Une larme à l’œil, la morve au nez, Junius balbutia, entre deux reniflements :

- On dit « loin des yeux » !

De l’index, il essuya la goutte qui perlait au coin de son œil, avant de poursuivre :

- Tu as tellement grandi ! Mais pour moi, tu es toujours ma petite. Tu vas terriblement me manquer, Umashiashikabihikoji. Alors je t’attendrai. Quand tu reviendras, je serai là. Je veux être là à ton retour. Même si tu ne me vois pas, je serai tout prêt, et fier de tout ce que tu auras accompli. Promis !

Sans un mot, la petite enlaça à nouveau les côtes de son père, la tempe posée contre son cœur. Surpris à son tour, le vieil homme réagit avec un temps de retard, mais se mit à caresser le dos de sa fille. Il savait que ces au revoir n’auraient lieu qu’une seule fois. Elle avait gardé sa pipe, alors, d’une certaine manière, elle emportait un peu de lui avec elle. Ils resteraient liés l’un à l’autre tant qu’elle prendrait soin de son présent. Pourtant, la gorge serrée, il ne pouvait que se détester d’être trop âgé pour l’accompagner.

- Tu me promets d’en prendre soin ?

- Promis !
fit l’ange en se détachant de Reuben, tout sourire.



Sans attendre que l’émotion la gagne, Umashiashikabihikoji se détacha du grand-père pour se diriger vers l’aéronef. Fronçant les sourcils, elle ajusta sur sa tête son chapeau d’aviatrice que l’un de ses pères lui tendait, le remerciant d’un signe de tête et d’un sourire. Lunettes sur les yeux, elle s’installa à sa place, cala sa pipe juste à côté d’elle, et ferma les paupières une seconde. Elle devait rester concentrée, plus qu’elle ne l’avait jamais été. Durant les dernières semaines, les derniers mois, elle avait participé à calculer la trajectoire parfaite pour s’éjecter de la Terre vers la Lune. Elle savait quand partir, où partir, comment partir. Le socle de l’ornithoptère était lui aussi affublé d’un levier, qui, lorsqu’il serait baissé, catapulterait la machine volante tout droit dans les nuages. Là, Umashiashikabihikoji devrait basculer ses ailes pour s’élever à quelques centaines de mètre au-dessus de Weatheria, afin d’atteindre le jet-stream de l’hémisphère nord, et profiter du courant aérien pour gagner en célérité. Trois quarts de globe plus tard, sa vitesse serait optimale pour lancer l’engin tout droit vers la Lune, en le détachant de la gravité terrestre. Si, pour les premières dizaines de kilomètres, les frottements de l’air risquaient de ralentir drastiquement son envol, et donc de la laisser s’écraser bêtement au sol, elle mettrait toute son énergie dans le moteur, pour pousser encore sa fusée dans l’espace. A la limite du vide stellaire, elle n’aurait plus qu’à ajouter ses bulles d’air autour de sa nacelle, pour pouvoir respirer. Et la physique ferait le reste : sans plus aucune force pour la retenir, elle voguerait jusqu’à ce que la gravité lunaire l’attrape et lui fasse rejoindre son objectif.

Prête pour de bon, le cœur palpitant à mille à l’heure, le sourire jusqu’aux oreilles, elle leva le pouce derrière elle. Tous les vieillards applaudissaient déjà leur petite sur le point de prendre son envol. Tous, sauf Ary, qui ne croyait pas un instant que la machine tiendrait l’odyssée, et qui se contentait d’avancer vers le levier. On l’avait désigné pour le faire, et ça lui allait bien : même s’il n’avait aucune confiance en la réussite de l’ange, au moins, il aurait le plaisir de l’envoyer valser loin de lui. Et la vie reprendrait son cours comme vingt ans auparavant. Alors que ses confrères venaient d’entamer le décompte, et que certains s’activaient pour finir de ranger les dernières cordes qui retenaient la machine à Weatheria, il n’attendit pas une seconde pour appuyer sur le levier. « Bon vent ! », pensa-t-il alors que l’appareil s’envolait. Bien qu’ils ne le voyaient pas, les vieillards pouvaient deviner les lèvres de la navigatrice cabrioler au vent, et son cri s’était effacé dans les airs presque instantanément. Sous les yeux ébahis des vieillards, la vitesse monumentale de lancer venait de clouer Umashiashikabihikoji sur son fauteuil… et la seule corde qui était restée accrochée au sol venait d’emporter Ary avec elle.

- WAAAAAAAAAAAH !

- Hein ?!


Techniquement, la machine aurait dû chavirer, déstabilisée par le poids supplémentaire, mais pas céder à la gravité aussi rapidement. A l’inverse des prévisions, donc, elle n’était jamais remonté.

- Oh oh. BLIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII-

Il y a de nombreuses explications à cet échec. La première : les sciences essayent de comprendre la nature et s’en inspirent pour exister, mais elles ne la maîtrisent pas. Les scientifiques de Weatheria avaient beau consacrer leurs vies à comprendre les cieux, à créer quelques machines de mesures, leur intelligence à tous ne dépassait pas celle de Theodore D. Baron. Ils étaient loin de tous, des technologies déjà existantes, et n’était que peu au courant des nouvelles avancées. Ils rapportaient leurs savoirs de leurs jeunes années sur les Mers Bleues, mais restaient coupés d’un monde qui aurait pu booster leurs compétences. Du moins, si ce monde n’avait pas été celui du Gouvernement Mondial, assiégé par la censure et le refus d’accès aux savoirs. Tout compte fait, bien qu’ils y mirent tous leurs savoir-faire et leurs âmes, rien n’aurait pu suffire. Simplement, la Terre avait besoin de tourner encore un peu, avant d’accueillir un tel progrès.

- -IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIH !

- UMA ! ARY !



Junius, sans attendre, voulut se jeter à la suite des deux qui tombaient dans le vide. Ce pas, il l’avait presque accompli autrefois, et si pour Umashiashikabihikoji il s’en était retenu, ce jour-là, il n’avait pas eu à hésiter pour elle, encore une fois. Retenu par ses collègues, Junius n’atteignit pas les airs. Sa seule action fut d’assister impuissant à la chute sans fin d’Umashiashikabihikoji, de voir son corps réctrécir, s’éloigner, se débattre tant bien que mal pour revenir. Il voulut hurler de toutes ses forces, comme si son seul cri pouvait les ramener, mais sa voix ne fit que se perdre dans l’air. Il la vit s’accrocher à la corde qui la reliait à Ary, qui, toutes les trois secondes, s’évanouissait puis se réveillait. Dans sa main libre, elle avait saisi la pipe dont elle avait promis de ne jamais se séparer.

Elle, d’en bas, percevait le spectacle inverse, remarquant à chaque seconde que l’île devenait un point dans les cieux, bientôt fondu dans les nuages. Son cœur battait toujours plus vite. Sa respiration se saccadait tandis que l’air étouffait ses poumons trop pleins. Sa poitrine la faisait souffrir, sa tête fourmillait de la panique qui la prenait. Elle tombait. Sans savoir où, elle tombait, encore et toujours.  Elle le savait : au bout de cette traversée, l’impact entre son corps et la surface lui serait fatale. Mais elle ne voulait pas mourir. Ce n’était pas encore son heure, sinon, elle se serait laisser faire, elle aurait attendu sa fin tranquillement. A cet instant, elle sentait que le moment n’était pas venu. Elle allait s’en sortir. A l’instar de son cœur, ses méninges s’activaient à mille à l’heure pour trouver une solution. Elle vit, à côté d’elle, la machine continuer plus lentement, ralentie par ses ailes qui la tenaient en hauteur. La chute creusait l’écart entre elles, tandis que les vents turbulents les éloignaient un peu plus. Toutes deux tourbillonnaient au gré des courants aériens. Umashiashikabihikoji ne maîtrisait plus rien. Elle avait peur. Elle ne voulait pas mourir. Elle devait arrêter de penser. Elle devait arrêter de penser. Elle devait arrêter de penser.


Elle ferma les yeux, tenant toujours aussi fort contre elle la corde et la pipe, et se tourna dos au sol. Elle déploya ses ailes, pour tenter de se ralentir. A peine plus larges que l’ange, elles n’étaient d’aucune utilité. Pourtant, dans cette position, son cœur s’était ralenti, sa tête s’était vidée. Elle rouvrit doucement les yeux, capable de respirer à nouveau. Il lui semblait être immobile, il lui semblait que le monde changeait silencieusement autour d’elle, prisonnière d’un espace sans temps. Il lui semblait que son corps même se dématérialisait, brisé en une myriade de grains, de pierres, de bulles, que rien ne pouvait plus l'atteindre. Cette sensation, elle la connaissait déjà, quelque part. Elle n’était pas désagréable. Enveloppée par l’air, elle se sentait en sécurité. Elle était seule au milieu du vide. Il ne pouvait rien lui arriver. Alors, enfin, elle put réfléchir. Son seul espoir, c’était ses bulles. La jeune météorologue savait parfaitement qu’elles exploseraient à mesure de la chute : compressées entre son poids et l’air se densifiant avec l’altitude diminuant, elles ne pourraient tenir qu’un court instant. Mais elles pourraient ralentir la descente. Elle n’avait qu’à répéter cette action, encore et encore, jusqu’à atterrir ou amerrir en douceur. Ainsi, elle se mit à produire quelques bulles, sur lesquelles elle s’asseyait quelques secondes avant qu’elles n’éclatent. Sans se lasser, elle continua cette manœuvre, bien plus fatiguée par le corps d’Ary, qu’elle tenait toujours, que par la formation des sphères savonneuses.

L’ange ne sut jamais combien de temps passa entre son départ et l’arrivée, mais à quelques centaines de mètres du sol, elle parvint enfin à stabiliser une bulle sous son fessier, retenant tant bien que mal Ary, inconscient, qui pendait par le pied au bout de la corde. Le pouf improvisé glissait lentement dans les airs, vers le sol. Sous eux, une île étrange les accueillait avec deux gigantesques squelettes. Sans réfléchir à ce qu’ils feraient ensuite, Umashiashikabihikoji se laissa tomber vers cette bizarrerie. Au moins, elle était sauve. Et, au moment d’atteindre le sol, la gigantesque queue d’un animal qu’elle ne connaissait pas tenta de mordre Ary. Déstabilisée, Umashiashikabihikoji le lâcha au-dessus du sol, alors qu’elle était éjectée plus loin. Sa bulle éclata à la cime d’un arbre, et elle finit sa chute à travers les branches. Par ailleurs, puisqu’elle ne le sait toujours pas : la queue du monstre était en réalité la gueule d’un diplodocus, qui, amusé par la drôle babiole qui tombait du ciel, avait voulu jouer avec.



Un bref intermède : Le passé d'Aristide Brighella, Le Fourbe
Saint-Itturya, 1477

- REVIENS ICI, ENFOIRE !

Aristide filait à travers les rues, fort de sa vitesse et de son agilité. Le poulet qu’il tenait par les pattes pendait tête en bas, agitant ses ailes pour se débattre, en vain. Poursuivi par le commerçant à qui il venait de piquer le poulet sur l’une des nombreuses places marchandes de la grande ville de Saint-Itturia, le garçon bifurquait sans mal d’une ruelle à une autre, glissant à travers les bâtiments et les citadins pour passer du côté de la Vida. Dans des rues plus calmes, il serait tranquille pour plumer la bête et la ramener gratuitement chez lui. Pour Aristide, ce vol était anodin : depuis toujours, il aimait se faire passer pour n’importe qui, dans le but de dérober quelques trésors – souvent de la nourriture, parfois des objets de petite valeur – aux honnêtes citoyens. A vrai dire, il ne les trouvait pas plus honnêtes que lui : comment pouvait-on accepter de vivre comme on était né ? Cette vie ne lui convenait pas, et nul doute que s’il avait grandi à Pykasso, le garçon aurait vécu bien plus heureux. Fils d’un peintre pas vraiment réputé, il avait appris à peindre aussi, et malgré l’essence juvénile de ses tableaux, n’en vendait aucun. Aristide s’ennuyait de son apprentissage, et aurait rêvé, plus que tout, pouvoir choisir son avenir. Ainsi, il se servait de ses talents pour duper, ce qui lui semblait bien plus passionnant que de peindre pour rien.

Ainsi, cette matinée ensoleillée de l’an 1467, le jeune homme s’était enfui vers les quartiers calmes pour s’affairer tranquillement. Il avait assommé le poulet en lui tordant le cou, et s’était empressé de lui arracher les plumes, une par une. A dire vrai, la tâche était ardue sans avoir ébouillanté la bête, mais il refusait que son père découvre ses magouilles. Et comme il prenait du temps, le marchand avait pu le retrouver au bout de la ville, non sans difficulté. Essoufflé, les yeux rouges, il avait gonflé ses muscles en apercevant le voleur, et s’était à nouveau jeté sur lui. Aristide prit les jambes à son cou, fusant à l’opposé de la cité, pour rejoindre le port. S’il ne pouvait pas être tranquille dans les rues calmes, il pourrait semer le commerçant dans les avenues bondées de monde. Seulement le type le suivait de près, et il lui semblait compliqué d’arriver à le perdre une bonne fois pour toutes. Epuisé, arrivé au port, il abandonna : il lança le poulet derrière lui, qui, en panique, battit des ailes et des pattes sur la tête du marchand. Cette fois, au moins, Ary était sauvé. Pour ne pas être rattrapé, il bondit dans un navire qui se trouvait là, et put enfin souffler.

- Larguez les amarres !

- HEIN ?!


Il se retourna, et vit derrière lui tout un tas de jeunes soldats affairés à mettre en place le pont pour préparer le bon départ du navire. Un grand type décoré d’une casquette se plaça devant lui, les poings sur les hanches, braillant et postillonnant :

- RECRUE, POURQUOI N’ES-TU PAS EN TENUE ?! VA T’HABILLER ET AIDER LES AUTRES.

- Hein, quoi, non mais…

- TU OSES DISCUTER LES ORDRES DE TON SUPERIEUR ?

- N-non, non mais…

- ALORS FILE, SINON CE SERA CORVEE DE PATATES POUR TOUTE LA TRAVERSEE !


Réalisant tout juste ce qu’il se passait, Aristide ne se fit pas prier et fusa vers la cale du pont, sans trop savoir comment il se sortirait de ce pétrin. Il ne pouvait pas avouer qu'il était venu ici pour échapper au marchand qu'il venait de voler, alors, il devait accepter son sort. Il attrapa un uniforme qui traînait là et l’enfila, laissant probablement un soldat nu parmi les autres. C’est ainsi qu’une année durant, Aristide Brighella devint soldat, sans réussir à fuir les rangs de la Marine.

Alabasta, 1478
Aristide ne voulait pas être peintre, et, s’il avait changé de vie par accident, le jeune homme avait vite réalisé qu’il n’était pas fait pour être soldat. Ce qu’il souhaitait, en fait, c’était être libre. Peu après sa formation, avec son propre uniforme et sa propre immatriculation, il avait rejoint une flotte sous le joug de Yoshinaga, qui, de sa trentaine d’années, avait assez prouvé ses valeurs pour être promu contre-amiral. Pour une manœuvre dont il ne connaissait pas les raisons, Aristide s’était retrouvé, avec ses compagnons d’armes et quelques navires du gouvernement, dont celui de Yoshinaga-même, aux côtes d’Alabasta. Il avait eu un an pour échouer à toutes ses tentatives de désertion, mais pour la nuit qui arriverait, il pourrait enfin échapper aux griffes de l’armée. Il en était certain.

Le plan était simple : faire passer des sacs de sables déguisés et peints pour des brigands d’Alabasta, dans le but de duper les gardes de nuit et voler un navire. Ainsi, il le mit à exécution sans grande difficulté. Les sacs en place, il fit détonner une arme à feu non loin d’eux, et se mit à courir vers les navires, criant que des voleurs voulaient piller la flotte et qu’il fallait les arrêter avant qu’ils ne l’atteignent. Crédules, les gardes de nuit prirent en poursuite les prétendus brigands, tandis qu’Aristide prétextait garder le vaisseau principal, au cas où les défenses de la Marine ne suffisent pas à arrêter les hors-la-loi.

Et, tandis que les soldats découvraient le guet-apens, Aristide prenait la mer, à bord d’un vaisseau lambda, choisi sans grand soin. Il avait seulement évité de prendre le navire de Yoshinaga, autrement dit, le plus important et imposant pensant qu’il ne serait pas poursuivi s’il ne le volait pas. Il comptait néanmoins Des coups comme celui-ci, il n’en avait jamais fait, et il aurait dû se douter qu’une telle manœuvre ne pouvait aucunement fonctionner. Très vite, les soldats dupés avaient sonné l’alerte, réveillant les soldats endormis, et surtout, Yoshinaga. Le contre-amiral maugréa quelques mots incompréhensibles, grognon de son réveil prématuré. Après les rapides explications des soldats, le gradé gratta sa barbe, feintant de réfléchir :

- Faites-le couler.

- Mais, Contre-Amiral Yoshinaga, ce bateau ne risque-t-il pas de nous manq…

- Faites-le couler !

- B… bien !


Rapidement, les troupes se rassemblèrent sur les navires restants, pour entamer les manœuvres, sous l’œil avisé du contre-amiral. En quelques dizaines de minutes, les premiers boulets de canon fusèrent vers le bateau volé, perçant la coque après quelques efforts. Pris de panique, Aristide se contenta de se jeter à l’eau, protégé des canons par le navire en train de s’enfoncer dans les profondeurs océanes. Laissé pour noyé, il s’en tira sans séquelles, et de leur côté, les soldats rentrèrent après une bataille qui ne valait même pas la peine d’être racontée.

Aristide, le cœur battant, s’était emparé d’une planche arrachée par les tirs pour rester à la surface. Il s’était allongé dessus, cédant à la frayeur en s’évanouissant.

A son réveil, le garçon se trouvait sur un navire, enchaîné au mât, son uniforme bleu et blanc encore trempé. Il faisait toujours nuit, à moins qu’il ne s’agisse d’une suivante. Le cauchemar continuait.

- On va faire quoi, de lui ?

- On lui coupe les doigts et les oreilles jusqu’à ce qu’il nous dise ce qu’il sait sur les bateaux qu’on voit vers Alabasta. Puis s’il dit rien, on le jette à l’eau.

- Si si si si si ! Je vais tout vous dire ! Je ne sais pas tout, mais je peux vous dire tout ce que je sais ! Je vous en prie, me faites pas de mal !


Le capitaine pirate pivota son menton barbu vers le prisonnier, surpris de son intervention si directe.

- Ah, t’es réveillé, toi ? Et tu veux parler alors qu’on t’a encore rien fait… BAMAHAH ! Ils engagent que des gonzesses, maintenant, dans la Marine ?

- J-j-je… En réalité, je me suis fait chasser, et… et je serais bien content de vous aider à les attaquer !

- Chasser, ah ouais ? Et pourquoi ?

- Euh… j’ai essayé de voler un de leurs navires. Mais ils m’ont rattrapé.

- BAMAHAHAHAH ! T’es vraiment nul, alors. On va p’tet’ bien te couper les doigts et les oreilles, puis te jeter à l’eau directement.

- Non non non non non, je vous en prie ! Je sais des choses sur eux, je peux vous le dire, ça vous aidera toujours ! C’est mieux que rien, non ?

Le pirate prit une pause, grattant sa barbe hirsute, devant s’avouer que le gamin n’avait pas tort. Attaquer une flotte de marines, ça ferait de lui un plus grand pirate, et c’était là son objectif : devenir célèbre à travers toutes les mers. Dans tous les cas, il pourrait garder son prisonnier à bord pour le torturer s’il se foutait de lui, ou lui laisser la vie sauve et en faire un esclave, s’il disait vrai. Pour éviter que le garçon ne mente, il attrapa un poignard à sa ceinture et s’approcha de lui, lentement. Aristide tremblait de tout son corps. Il ferma les yeux, persuadé que cette fois, c’en était fini. Le pirate empestait le sang, la mort, et un seul coup d’œil permettait de deviner qu’il était la cruauté à l’état pur. A sa portée, il planta avec force l’arme dans le mât, l’enfonçant de moitié dans le bois, juste à côté de l’oreille d’Aristide, qui manqua de tremper encore plus son uniforme. Les yeux noirs du pirate fixaient ceux du gamin apeuré, et, tout sourire, il chuchota, postillonnant et laissant son haleine fétide atteindre les narines du prisonnier :

- Alors dis-moi tout, mon coco.

- Coco ?
fit le perroquet sur son épaule.

- Pas toi, crétin ! Toi, ta gueule ! Et toi, parle !

- Euh… du coup, qui doit parler ?

- TOI, BORDEL !

- Pardon pardon pardon ! Oui, oui, je vais parler… Hum… Je ne sais pas exactement pourquoi on est là, mais il y a quatre navires de marines, plus celui du contre-amiral Yoshinaga. Enfin, maintenant il n’y en a plus que trois, ils ont fait couler celui que j’ai voulu prendre, mais avec celui de Yoshinaga, ça fait quatre.

- T’essayes de m’embrouiller ?

- Non, non, pardon ! Au total ils ont encore quatre vaisseaus ! On devait être… je sais pas, une centaine ? Une cinquantaine ? Plus ? Je saurais pas dire, mais en tout cas, il sont beaucoup plus nombreux que vous. Après, à cette heure, ils doivent dormir. En général, il n’y a que quelques gardes de nuit pour garder la flotte. C’est le bon moment pour attaquer.

- Parfait. Si tu dis vrai, tu vas venir avec nous. Détachez-le !


Entre le froid et la frayeur, Aristide grelotait de tout son corps. Il n’avait aucune envie d’être aux côtés de ces pirates sanguinaires, encore moins d’attaquer la flotte qui avait tenté de le mettre à mort. Forcé de rester aux côtés du capitaine, pour lui donner le plus de détails possibles, il se laissa faire, cherchant malgré tout une façon de s’en sortir. Le pavillon noir glissait doucement dans les airs, s’approchant peu à peu de la flotte endormie. De nuit, invisible de loin, les pirates profitèrent de l’obscurité pour jeter l’ancre et tenter un assaut par leurs barques. Abordant les navires des marines, ils jetèrent quelques grappins à la rambarde. Le choc métallique n’avait rien de discret, pas plus que la lourdeur de leurs bottes contre la coque. Alertant les gardes de nuit, qui, découvrant les crochets aux côtés du pont, réveillèrent les troupes pour une seconde fois, les pirates ne purent rien faire contre le stratège qu’était Yoshinaga. Malgré l’ennui de ces deux nuits courtes pour le contre-amiral et ses hommes, Yoshinaga avait prouvé sa puissance une fois de plus. L’abordage fut de courte durée, à peu près aussi bref que l’hypothétique mise à mort d’Aristide. Les pirates furent arrêtés sur la côte, après une bataille qui, encore une fois, ne rentrerait pas dans les livres d’histoire. Retenus prisonniers, ils furent interrogés sur leurs intentions et la folie qui les avait poussés à attaquer bien qu’ils prétendaient avoir reçu l’aide d’un soldat, il n’y avait aucune trace de celui-ci sur le navire. Il avait, de même que le Gouvernement, trahi les pirates en sautant à l’eau avant de fuir sur la côte, un peu plus loin. Seuls une tenue aux couleurs du Gouvernement Mondial et un insigne au nom d’Aristide Brighella erraient dans la cabine, où les rechanges du capitaine manquaient. L’enquête ne valait pas la peine d’être plus poussée : dans son rapport, Yoshinaga recommanda de mettre une prime sur la tête du traître et voleur. A en croire l’impression que donnait le garçon, il ne tiendrait pas longtemps dans ces conditions. C’était un chanceux pour le moment, mais pas un danger réel.

Jaya, 1482

Pourtant, Aristide Brighella savait tromper les apparences. Il n’était pas bon combattant, mais sa malice lui permettait de se sortir des mauvaises passes. Après avoir fui Alabasta en se faisant passer pour un touriste, chemise hawaïenne sur le torse, lunettes sur les yeux et crâne rasé, il avait rejoint une île où il se saurait tranquille : Jaya. Elle n’était pas très loin, et on disait que l’endroit était un repère de loubards, à l’abri du Gouvernement qui n’avait rien à y faire.

Il voyagea d’abord d’Alabasta à Banaro. Là, il découvrit avec effroi la prime sur sa tête.

- Q-q-q-quoi ?! C’est pas possible !

Pour un gamin qui rêvait autrefois d’aventure, il était servi. Ses objectifs avaient changé : à présent, il voulait seulement qu’on le laisse tranquille. Il regrettait presque sa vie de peintre. Par ailleurs, puisqu’il lui restait toujours des souvenirs de son passé, il devint expert en maquillage, pour ne pas être reconnu. Il ne tarda pas sur Banaro, et fit au plus vite pour rejoindre Jaya. Là-bas, il pourrait être libre.

Il y vécut quatre ans, durant lesquels sa prime ne semblait pas déranger. Comme il se tenait tranquille, rares étaient ceux qui lui cherchaient des ennuis. Mais la vie du jeune homme semblait s’enchaîner d’accidents. Son karma était cher payé, pour un poulet volé cinq ans auparavant. Parce qu’il avait renversé son saké sur la chemise d’un pirate, ce dernier s’était tourné vers lui, rouge de rage. A en croire le sourire assassin de celui-ci, et la face décomposée du jeune primé, ils se connaissaient déjà :

- Ah, tiens… On se connaîtrait pas déjà ? BAMAHAH !

- V-v-v-vous n’êtes pas en prison ?!

- T’aimerais, hein ? Petite merde. Non seulement tu m’as tendu un sale piège, mais en plus, tu viens de salir ma chemise préférée.

- Non non non, je vous jure, je ne savais pas, j’ai pas fait exprès !

- Mais cette fois, je vais pas te laisser fuir, mon coco.

- Coc-

- TA GUEULE !


Aristide prit ses jambes à son cou, espérant pouvoir trouver une cachette assez rapidement. Comment ce pirate pouvait-il ne pas avoir été retenu ? Est-ce qu’il avait conclu un marché avec Yoshinaga ? Est-ce qu’il avait été envoyé pour le tuer, lui, Aristide ? Il n’en savait rien. A l’instant, peu importait : il devait survivre. Seulement, sans hésitation, le type avait tiré dans sa jambe, arrachant un hurlement atroce au gringalet qui s’écroula. Le gun encore fumant, le pirate s’approcha avec lenteur jusqu’à lui, le visage plus sombre que jamais. Dans sa propre ombre, seules ses dents blanches et dorées brillaient comme un gouffre funèbre. Il souffla le smog chaud qui s’échappait de son canon, avant de l’abattre sur la tempe du gamin déjà à terre. Autour, personne ne réagissait. Ce genre de scène n’avait rien d’anormal, et, après tout, si les deux avaient des comptes à régler, ça ne regardait qu’eux. Aristide, lui, paralysé par la douleur et la peur, regarda seulement l’arme s’approcher de sa tempe, et n’entendit que le « clic » de la détente pressée par un index.

- Hein ? Ah, merde, j’ai plus de balles. Bon, j’vais devoir régler ton compte à main nues.

Dès que le pirate eût lâché son revolver pour armer ses poings, les coups se mirent à pleuvoir sur Aristide, résonnant sourdement dans les rues environnantes. Son corps endolori ne ressemblait plus à rien, si ce n’était un camaïeu d’hématomes bossus, inerte. Après de longues minutes de torture, le pirate ramassa le chiffon qu’était devenue sa proie, et, s’approchant des côtes, le jeta à l’eau. Pour lui, c’était une bonne journée.

Le gamin flotta sur quelques centaines de mètres, avant de couler. Aristide ne pouvait plus bouger, et pourtant, il ressentait et voyait tout autour de lui. Il vit l’océan l’envelopper, l’entraîner vers les abysses, au milieu des bancs de poissons, des requins et des baleines. Il sentit ses poumons manquer d’air, ou se remplir d’eau. Il avait mal, mais se contentait de regarder autour de lui. C’était un beau paysage, pour mourir. Et soudain, un terrible geyser l’expulsa vers les hauteurs, l’arrachant à ce spectacle sous-marin, manquant de broyer ses membres plus qu’ils ne l’étaient déjà. Il monta jusqu’aux cieux, et découvrit un tout nouveau paradis. Finalement, la chance lui souriait : de magnifiques êtres ailés, des anges, l’accueillaient de leurs lyres enchanteresses, de leurs femmes aux courbes envoûtantes, du Soleil éternel dont les rayons jouaient avec une mer de nuages, de l’architecture apaisante… Il l’avait trouvé, son El Dorado. Peut-être était-il déjà mort, mais, au moins, il mourrait heureux.

Et il retomba. Il traversa un nuage, tendant la main vers les cieux qui l’abandonnaient comme pour vainement les retenir à lui. Il atterrit de plein fouet sur un sol vert, après avoir rebondi sur un étrange ballon. Sonné, avant de sombrer dans un coma réparateur, il vit les visages curieux de vieillards autour de lui. Comme dernière pensée, il hurla intérieurement : C’est un cauchemar !

Weatheria, après son arrivée
Finalement, le garçon avait vieilli avec ces étranges hommes. Apprenant rapidement que la population était principalement constituée de météorologues passionnés, il se fit passer pour l’un d’eux, afin de rester là. S’il n’avait aucune compétence en sciences, il était doué pour faire de beaux discours, avec la participation de l’auditoire qui faisait passer ses idées pour celles d’Ary. D’une certaine manière, en motivant les troupes, il contribuait au progrès.

Quelques années après, Junius arriva à son tour, et devint son ami. Il admirait les idées de l’originaire d’Organic City, son talent de scientifique ; somme toute, il le voyait comme un messie pour Weatheria. Peut-être ne connaissait-il pas assez ni les habitants de l’île, ni les sciences de l’atmosphère pour en juger, mais il sentait au fond de lui le génie qui vivaient en son ami. Aristide, qui se faisait appeler Ary, s’était empreint de l’ambiance de l’île, des rêves qu’elle véhiculait, de la tranquillité du village. Sa liberté, il l’avait trouvé. Ses amis, il les avait.

Ainsi, lorsqu’en 1500, un bébé arriva pour prendre toute l’attention de quelques-uns d’entre eux, Ary vit la chute d’un empire scientifique, en même temps que la chute de son monde.




Dernière édition par Umashiashikabihikoji le Mar 22 Déc - 9:54, édité 13 fois
Umashiashikabihikoji
Moi je fais des ptites bulles ♫
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Umashiashikabihikoji
Touriste
posté le Dim 20 Déc - 0:18

UMASHIASHIKABIHIKOJI
HISTOIRE (suite)


Vingt mille lieux sous le ciel
Little Garden, 1516


Quelques heures sur une île perdue, sans connaître le monde sur lequel on vient d’atterrir par accident, c’est long. On s’ennuie, on se questionne sur le temps que l’on y passera, sur sa propre survie, sur le chemin retour. Quelques jours : on s’approprie le territoire, on se sert dans les nombreuses ressources que les forêts côtières offrent, on monte un camp, on nourrit l’espoir de partir, on l’abandonne, on le ressuscite. On se questionne, encore, car rien n’est plus sûr. Quelques semaines, et on a affaire aux créatures antiques de Little Garden – par chance, pas des énormes, ou pire, Zeuxys en personne - qu’il faut éloigner de ses récoltes et de son abri. Surtout, dans le cas de l’ange qui découvrait pour la première fois la Terre au plus près, on se questionne. Beaucoup. Trop.

- Tu crois qu’il y a des gens comme toi, sur la Lune ? Ou peut-être sur Terre ?

Elle baissa son visage vers Wilson, penchant la tête sur le côté, interrogative. Wilson, c’était le nom qu’elle avait donné à son caillou, celui qu’elle gardait toujours avec elle, qui avait déjà été découvert au creux de son berceau. Grâce à des baies rouges, elle avait tracé deux lignes minuscules sur chacune de ses joues, et avait fait de même pour elle. Elle ne savait pas exactement à quoi ça servait, mais ça faisait passer le temps. Ary, allongé sur le sable, à peine protégé des rayons solaires par ses oripeaux, soupira en entendant la gamine. Depuis déjà deux jours, elle s’était mise à parler à son caillou, lorsqu’elle n’avait plus rien à dire ni à lui, ni à Dodo. Si les discussions avec l’oiselle n’étaient pas spécialement recherchées – « Glou glou » -, elles avaient au moins la qualité d’être à double sens. Wilson, lui, ne répondait pas… puisque c’était une roche. Umashiashikabihikoji semblait s’en contenter, incapable de supporter le silence plus de cinq minutes. Ary, lui, fourrait ses oreilles de fougères pour ne pas avoir à assister à ce désastreux spectacle. Il la laissait faire, appréciant le calme de la plage. A vrai dire, rares étaient les contacts qu’il initiait entre l’ange et lui, à moins qu’un bruit dans les buissons ne surgisse soudain, ou qu’une expédition forestière ne soit forcée, par manque de vivres. Alors, en entendant la gamine entamer la causette avec son caillou, il s’était contenté de renfoncer les végétaux dans ses oreilles et de continuer de brûler au soleil. En bref, Ary n’avait pas appris à mieux apprécier l’ange, radotant qu’il aurait préféré crever jeune que de se retrouver ici une seconde fois, tandis qu’Umashiashikabihikoji s’efforçait de survivre à la faim et à la folie, et de découvrir pour la toute première fois les particularités des Mers Bleues. Ainsi, elle avait vite saisi sa vulnérabilité à l’océan, et évitait tant que possible de s’en approcher. Si elle devait s’avouer que Weatheria lui manquait, elle se savait coincée ici, et ne pouvait rien y faire pour le moment. Planifier leur départ sans un papier pour noter ses idées lui était compliqué, mais elle tentait tant bien que mal, malgré ses lacunes sur les connaissances du monde d’en bas. Pour elle, autant en profiter pour faire ce dont elle avait toujours rêvé : voyager. Du moins, lorsqu'ils pourraient s'échapper de cette île déserte.

Alors que le monologue d’Umashiashikabihikoji battait son plein, Ary redressa soudain la tête, arrachant les feuilles de ses oreilles :

- Un… Un navire ! Là-bas, regarde, un navire ! On va enfin pouvoir partir ! HE HO ! HE HO ! DU BATEAU !

Ary se mit à bondir, soudain pulsé d’une seconde jeunesse. Ils allaient s’en sortir. Ils devaient s’en sortir. Ses bras s’agitaient en hauteur, ses jambes se décollaient du sol, autant que possible. L’ange, allongée en étoile de mer sur le sable tiède, leva légèrement la tête, sans comprendre l’engouement de son colocataire.

- Hein ? C’est quoi, un navire ?

Soudain, Ary se stoppa pour se retourner vers la gamine, dépité.

- Tu es sérieuse ? Un navire, un vaisseau, quoi. Un bateau. Non ?

La mine désolée, grimaçant, l’ange fit non de la tête.

- C’est… C’est ça, quoi
, fit Ary en désignant le navire en question. Ca permet de se déplacer sur l’eau. Enfin, il y en a partout, sur les mers bleues. Non, mais, sérieusement, personne ne t’a jamais rien appris ?

Umashiashikabihikoji soupira : depuis l’enfance, elle avait supplié qu’on lui dise tout des Mers Bleues, et elle faisait à présent les frais des choix de Junius. Elle secoua la tête, chassant ces mauvaises pensées. Il fallait prendre le meilleur dans la vie, et là, le meilleur, c’était qu’elle ne savait rien. Ainsi, elle deviendrait une exploratrice de tout, elle avait tout à apprendre. Pour une amoureuse des découvertes, finalement, ce monde était un paradis.

- Non… Mais si j’ai bien compris, ce navire peut nous faire partir d’ici ?

- Oui, c’est ça ! On va enfin pouvoir rentrer !

- Et on va pouvoir voyager à travers le monde ?!

- Hum… oui, enfin… on peut aussi rentrer assez vite, en passant par J-


Sans le laisser finir, Umashiashikabihikoji se releva avec la même énergie que le vieillard, pour battre l’air de ses mains à son tour, lâchant Wilson dans le sable.

- Comme Orion ! Trop bien ! HE HO ! HEEEEE HOOOOO !


En mer, non loin des côtes de Little Garden...


- Hey, Monk… on dirait qu’il y a des gens, là-bas.

- Sur Little Garden ? Impossible…

Frankie, appuyée sur la rambarde de leur navire de croisière, plissa les paupières pour s’assurer que ce qu’elle voyait était bien réel. Elle attrapa la longue-vue à ses hanches et la monta devant son œil droit, réglant la loupe pour rendre l’image nette.

- Non, non, j’t’assure. Il y a des gens, ils nous font signe. Et ils ont… un drôle d’oiseau, avec eux.

- J’te vois venir, mais c’est pas notre problème. On est en vacances, et on est pas sauveteurs.

- N’empêche qu’on se fait sacrément chier.

- On va encore s’attirer des embrouilles, je le sens.

- On vit pour ça, non ?

- Tu me fais chier.

- Ca veut dire oui ?

- Ca veut dire que tu me fais chier.

- Mais t’adores ça. Allez, on les pêche !


Monk et Frankie étaient deux petits brigands à la solde de l’Underworld. Ils n’avaient encore jamais écopé de prime, peut-être par chance, ou peut-être par manque de professionnalisme. A vrai dire, ils jouaient plutôt le rôle de passeurs ou de messagers, des travailleurs de l’ombre. Ils n’étaient jamais chargés d’affaires importantes, travaillaient à leur rythme, c’est-à-dire lentement, et se persuadaient souvent l’un l’autre qu’ils étaient en vacances, plutôt que d’assumer leurs tâches. Procrastinateurs, ils repoussaient les échéances jusqu’au dernier moment. Et, à vrai dire, ils n’aimaient pas que leurs clients fassent de même : ils savaient sortir leurs armes et se montrer convaincants, lorsqu’ils avaient affaire à des retards de paiements. Bref, ils étaient deux petites teignes sans grande envergures, qui s’attiraient des problèmes sans arrêt mais y échappaient toujours in extremis grâce à leur grande complicité. Dans leur incompétence, ils s’étaient bien trouvés.

Ainsi, Frankie avait pris les commandes de la caravelle pour la faire pivoter lentement en direction de l’île. De son côté, Umashiashikabihikoji jubilait de voir le navire se diriger vers eux. Enfin, ils allaient quitter cette île déserte, et elle pourrait découvrir le monde entier, comme elle l’avait toujours rêvé. Ce n’était pas la Lune, mais c’était un excellent début. Pour elle qui n’avait jamais pris la mer, cette traversée serait une grande première. Ary, de son côté, ne savait que penser de ce départ. D’une certaine manière, il était heureux de retrouver la civilisation, et il pourrait certainement rentrer à Weatheria, pour y finir tranquillement ses jours, auprès de ses amis. Seulement, il craignait qu’on le reconnaisse, et que sa tête autrefois mise à prix tombe une bonne fois pour toutes. Dodo, elle, continuait de glousser, animée par l’engouement de l’ange, tandis que Wilson, lui, faisait ce qu’il savait faire de mieux : rien.

En quelques dizaines de minutes, le bateau s’était approché assez des côtes pour jeter l’ancre, et les deux brigands s’étaient installés dans une barque pour rejoindre les naufragés. Umashiashikabihikoji plissa les yeux, en découvrant les tous premiers terriens de sa vie. Ils n'avaient rien à voir avec les habitants qu'elle connaissait de Weatheria : chauves ou au moins grisonnants, souvent à barbe, plein de rides. Ces deux-là avaient l'air moins... usés. Elle avait du mal à tenir en place, à l'idée de rencontrer pour la première fois des hommes de la Terre. Elle sautillait dans tous les sens, chantonnant qu'elle avait hâte, qu'elle était la plus heureuse du monde, et s'étonnant qu'Ary ne l'ait pas prévenue que les bateaux abritaient parfois des humains. Seulement, à mesure que le canot s'approchait, elle découvrait une particularité étrange chez l'un des deux, qui n'était pourtant pas un détail. S'arrêtant de bouger, elle pencha la tête vers Ary, perplexe :

- Dis, la personne, là, celle avec les cheveux longs… C’est quoi, le truc, au milieu ?

- Sa poitrine ?

- Ouais, c’est quoi ?

- Euh… sa poitrine. Ses seins, quoi. C’est une femme, donc, elle a des seins. Comme toi.

- Pfffrrr ! Dis pas n’importe quoi, j’ai pas ça, moi.

- Hum…


Monk et Frankie descendirent de la barque et la tirèrent jusque sur la plage, saluant brièvement les deux autres et le dodo. Umashiashikabihikoji, un peu intimidée, s’approcha de Frankie, qui faisait bien quatre têtes de plus qu’elle et trois fois son épaisseur. Elle tendit la main vers elle, et alors que la hors-la-loi s’apprêtait à lui la serrer, l’ange plaqua sa paume sur sa poitrine.

- WHAT THE FUCK ?!

- Je t’avais dit que c’était pas une bonne idée.


Ary attrapa Umashiashikabihikoji, rougissant face au geste de la gamine qui se débattait dans ses bras, alors qu’il plaquait sa main contre sa bouche pour éviter qu’elle ne fasse plus de dégâts. Il devait s'avouer qu'il aurait aimé avoir eu son courage. S'il y avait une chose qui lui manquait, ici, c'était bien ça.

- Mmmhhh !

- Ahem ! Je suis vraiment désolé, elle voulait juste tester, elle ne… elle ne sait rien du monde. On vient de Weatheria, on est tombés et on a atterri ici.

- Weatheria ? Tu connais toi ?
demanda Monk à son acolyte en grattant son menton.

- Nope.

- C’est une île céleste.


Monk et Frankie échangèrent un regard complice. Ils n’étaient pas tombés sur une embrouille, mais sur une pépite d’or.

- Vous êtes des anges, donc ?

- Moi, non, mais elle, oui. Enfin, je crois. D’ailleurs, je ne nous ai pas présentés : elle, c’est Umashiashikabihikoji, et moi, c’est Arist… Ary. Juste Ary.

- Glou !

- Ah, et ça… c’est Dodo, apparemment. Et vous ?

- Lui c'est Monk, moi, Frankie. Mais peu importe. Elle, c’est une ange… C’est ta prisonnière ?

- Hein, quoi ?! Non. C’est… la gamine avec qui je suis tombée.

Frankie et Monk se retournèrent une seconde pour partager quelques messes basses. Vraiment, c’était leur jour de chance. Un vieillard comme lui, il n’avait aucune chance contre eux, et un ange, ça devait valoir plus cher qu’un humain, au marché noir. Ils pourraient se faire un petit pactole, grâce à elle. Ou, mieux, s’ils l’offraient à leur supérieur, ils pourraient monter en grade, et glander encore plus qu’ils ne le faisaient déjà. Ils avaient si bien fait de venir les récupérer. De son côté, Ary se doutait que cette rencontre ne valait rien de bon. Il passa son regard vers la barque, et se demanda s’il aurait le temps de l’atteindre pour fuir avec l’ange. Etrangement, il s’interdisait de la laisser aux mains de ces individus sournois. Seulement, trop tard, Umashiashikabihikoji venait de lécher sa main d’une manière des plus immondes, l’obligeant à la lâcher.

- Berk !

- Je suis pas juste une ange, je viens de la Lune !


Crédule, les brigands stoppèrent net leur discussion. Ils n’avaient plus besoin d’en dire plus, et se voyaient déjà couverts de pierres précieuses et de berries par milliards. Ils allaient vendre une gamine d’une toute nouvelle espèce, et ça, ça les monterait directement au sommet de l’Underworld. Le Godfather pourrait se rhabiller. Ils se retournèrent vers leurs interlocuteurs, tout sourire :

- Eh bien, que d’histoires ! Qu’est-ce que vous diriez de monter avec nous ? Nous pourrions vous amener vers une île habitée, pour que vous puissiez retrouver la civilisation.

Ary connaissait le monde, et n’ayant pas perdu ses habitudes de fourbe, voyait clair dans leur jeu :

- Non mer-

- Oh oui ! J’en rêve depuis si longtemps ! Comment vous remercier ?

- Oh, ce n’est rien, ça nous fait plaisir d’aider les bonnes gens.

- Si, si, j’insiste ! Hum… Je pourrais vous donner un plan d’aéronef ! C’est ce qu’on a de plus précieux ici, je pense. A vrai dire, on a perdu la machine en chemin, sinon je vous l’aurais offerte avec plaisir.


A nouveau, les regards pétillants de Monk et Frankie se croisèrent. Le plan d’un aéronef, une machine volante, un engin qui n’existait pas encore, en plus d’une femme de la Lune. Décidemment, ils avaient touché le gros lot. Ce n’était pas les rois de l’Underworld, qu’ils allaient devenir, mais les rois du monde. Umashiashikabihikoji attrapa tranquillement le plan, qu'elle gardait enroulé sous sa pipe. Seulement, Ary n’avait pas entendu le présent de cette oreille.

- Attends, attends gamine… Tu l’avais depuis le départ, ce plan ?

Sans réponse de sa part, Ary remua la face et reprit de plus belle :

- UMASHIASHIKABIHIKOJI ! C’est à toi que je parle !

- Mh, hein ? Ah ! Ben… oui. Pourquoi ?

- Tu veux dire qu’on est restés bloqués sur une île déserte - sa voix s’élevait en crescendo -, qu’on a vécu sur cette île terrifiante, à côté d’une forêt encore plus terrifiante, qu’on a failli périr ici, qu’on aurait pu se faire dévorer par des bêtes sauvages, qu’on a risqué tout ce qu’on a risqué, alors que depuis le début, on pouvait rentrer chez nous, juste en construisant une autre machine ?

Ni l’un, ni l’autre ne savait que le plan même menait à un engin défectueux. Ainsi, l’ange cligna des paupières, plissa et leva les yeux au ciel, basculant sa tête sur le côté, l’air pensante. Ary, lui, contenait mal sa colère face à la réaction de l’inconsciente. Il se mordait les lèvres, grattait frénétiquement ses avant-bras, et se crispait de plus en plus.

- Ah oui, j’y avais pas pensé ! On me l’avait passé au cas où j’aurais un souci avec la machine. Mais comme on avait plus de machine...

- DONNE-MOI CA TOUT DE SUITE !


Sous l’étonnement de cette explosion soudaine, Umashiashikabihikoji sursauta et lâcha les plans qui s’envolèrent aussitôt dans les airs. Comme bloqués dans une dimension ralentie, les deux suivirent du regard la fuite du parchemin. Il prenait de la hauteur, et dans un élan juvénile, le vieux prit appui sur l’épaule de la gamine pour s’élever à son tour au niveau du papier. A la descente, à un doigt de le rattraper, tout juste à l’effleurement, son visage passa de l’espoir à la désillusion, car un bec, qui paraissait chaussé pour la chose, venait d’emprisonner le papier entre ses mandibules. Ary, lui, s’écrasa lamentablement sur le sol.

- Glou…ps !

- Cette fois, c’en est trop.


Le vieillard se releva, refusant la main que lui tendait poliment Umashiashikabihikoji, et dépoussiéra ses vêtements. D’une colère froide et sincère, les mots venaient seuls :

- Tu es une gamine capricieuse, inconsciente, immature, tu n’agis que comme tu l’entends, quand tu l’entends, sans réfléchir aux conséquences de tes actes. J’ai pas demandé à partir de Weatheria, moi. Si t’avais rangé tes cordages comme tout le monde t’avait demandé de le faire, je serais pas là. Puis, même si certains peuvent penser que tu es débile, et tu l’es certainement, tu es aussi menteuse et manipulatrice. Tu savais parfaitement que tu avais les plans sur toi depuis notre arrivée, et tu ne l’as jamais dit, parce que tu n’as pas réellement ni l’envie ni l’intention de rentrer, et qu’encore une fois tu ne penses qu’à toi. Je l’ai toujours su, de toute façon : tu es nocive pour tous ceux qui t’entourent. Toi et ton oiseau de malheur, je ne veux plus jamais vous voir.


Pour la toute première fois, un proche la blessait. Umashiashikabihikoji sentit naître en elle un profond mal-être. C’était différent de la colère, de la tristesse, de la déception qu’elle avait pu connaître parfois. Depuis toujours, elle avait pu faire abstraction de ces mauvais sentiments, qu’elle savait de sources futiles. Cette fois, c’était sérieux. L’estomac noué, les cornées humides, ses lèvres tremblèrent pour ne rien dire. « Pour dire quoi, de toute façon ? » pensa-t-elle. Ary la détestait, à un point qu’elle n’avait jamais imaginé et depuis plus longtemps qu’elle n’aurait pu le deviner. Elle croisa ses bras pour se blottir contre elle-même, les frottant nerveusement de ses pouces tandis que sa mine, profil bas, se cachait dans sa propre ombre. Elle se tourna sans un mot, et ne leva le menton que pour s’adresser à sa seule compagne :

- Allez, viens Dodo, on s’en va.

- Glou ?


Si l’oiselle n’avait pipé mot du discours, il ressentait l’ambiance pesante de l’instant. Elle mima l’ange dans ses mouvements sans qu’elles ne réussissent à attendrir Ary, qui préférait de loin craindre sa solitude que d’être accompagné de ces deux-là. Il les regarda s’éloigner dans les fougères et lorsqu’elles furent assez loin, cachée par les feuillages, il souffla, apaisé. Monk et Frankie, eux, ne partageaient pas du tout ce sentiment.

- En attendant… Nous, on vient de tout perdre.

- Yep, et ça nous plaît pas. On allait gagner gros.

- T’as fait avaler un trésor au piaf, et t’as fait fuir la gamine qui venait de la Lune. On a bien capté que t’avais capté qu'elle avait pas capté mais que toi t'avais capté qu’on voulait pas juste la laisser se casser sur une île au pif. Alors, maintenant, tu vas nous dire comment on fait, nous.


- Q... Quoi ?

Les yeux d’Ary s’écarquillèrent, alors que les voix froides des brigands suffisaient à menacer la vie du vieillard. Et puisqu’il préférait encore croupir en prison jusqu’à la fin de ses jours que de mourir ici, il bégaya :

- J-j-j’étais un pirate, autrefois, j’avais une prime, vous pourriez me vendre à sa place !

- Peut-être, mais toi, t’es pas un ange de la Lune, et t’as pas les plans d’une machine volante. En plus, tu vas mourir dans pas longtemps, ta tête vaudra plus rien.

- Hé, je ne vous permets pas. Je suis un peu vieux, c’est vrai, mais j’ai encore de belles années devant m-

- Non. J’ai dit « dans pas longtemps ».


Monk et Frankie

Ary déglutit avec difficulté, alors que le moins bavard des compères tirait son marteau d’une corde officiant comme fourreau. Dans un bruit sourd, il fit clinquer la tête de son arme contre les chevalières à ses doigts, l’air malicieusement sournois. L’autre se contentait de deux poings américains plombés, qu’elle maniait avec agilité. Les deux, sourire en coin, révélaient les démons qu’ils étaient réellement. Cet appel du sang, Ary le connaissait bien. Du moins, il l’avait connu à ses dépens, et à présent il savait que seule la mort pouvait assouvir des prédateurs en éveil. Frissonnant, il reculait tandis que les deux autres avançaient vers lui. Lentement, le marteau se soulevait au-dessus de sa tête.


Pendant ce temps...


Umashiashikabihikoji avançait à pas lourds. Elle retenait ses larmes, et la gorge nouée, ne pipait mot. Dodo marchait tranquillement à côté d’elle, frottant parfois son bec à la joue de la gamine. Impuissante par les mots, l’oiselle faisait tout pour consoler l’ange par les actes. Pourtant, Umashiashikabihikoji y semblait insensible. Perdue dans ses pensées, elle se détestait d’avoir raté son envol, d’avoir entraîné Ary avec elle ; elle haïssait d’ailleurs ce dernier pour ses mots vexants, d’être aussi taciturne et de ne pas l’aimer alors qu’elle ne pensait pas le mériter. Elle n’avait même pas une idée de ce qu’elle aurait pu lui répondre. Elle avait mal au ventre, mal au cœur, et se sentait bizarrement épuisée. Les doigts crispés sur ses bras croisés, elle ne bougeait que ses jambes, pour continuer de s’enfoncer dans l’obscurité des bois. Elle ne prêtait même plus attention aux hurlements alentours, aux yeux qui s’ouvraient et se fermaient dans le noir, aux mouvements des lianes, secouées par quelques silhouettes floues. Elle manqua même le pas gigantesque d’un parasaurolophus au-dessus d’elle et de Dodo. Inconsolable, elle ne savait ni que faire, ni où allait. L’ange détacha finalement ses bras pour fourrer l’une de ses mains dans ses poches. Elle en sortit Wilson, et regarda son sourire, sans rien ressentir. Elle se demanda si elle était bloquée, et si elle pourrait être heureuse à nouveau un jour. Elle pensa à Junius, qui lui manquait terriblement. Le seul souvenir qu’elle avait de lui, c’était…

-  Ma pipe ! Crotte, je l’ai oubliée sur la plage !

Bien que l’idée de revoir Ary ne l’enchantait pas, elle ne pouvait pas laisser la pipe loin d’elle. Elle avait promis à Junius d’en prendre soin, parce que c’était un peu de lui. Ni une, ni deux, elle fit demi-tour au pas de course. Arrivée à l’aune de la forêt en quelques secondes, suivie de près par Dodo, elle vit les deux compères de dos, sur le point d’asséner coups de marteaux et de poings sur le corps d’Ary, tombé à la renverse et sans défense. Découvrant l’expression du vieux, effarée, désespérée, suppliante malgré tout, Umashiashikabihikoji n’hésita pas une seconde.


- Désolée, Wilson.

Elle balança la pierre sur le crâne de Monk, qui, accompagnant le mouvement d’un cri de douleur, se retourna instantanément et changea soudain d’attitude, cachant le marteau derrière son dos :

- Ouch ! Oh, tu es revenue ! On se disait qu’on devait aller te chercher. Maintenant, on peut tous partir.

- Vous étiez en train de l’embêter ?

- Non, non, on… discutait.

- COURS, UMA ! Ces gens ne te veulent aucun bien !


La gamine resta plantée là, frottant son menton. Monk et Frankie, sans savoir que la gamine ne pouvait pas se reconnaître, se jetèrent sur elle avant qu’elle ne fuît. Sans se déplacer, voyant la menace fuser vers elle, Umashiashikabihikoji balança sa main vers l’avant, dégageant une grande mare de savon liquide juste devant elle. Les deux brigands perdirent le contrôle de leurs jambes, et, surpris, tombèrent à la renverse.

- Elle… elle a mangé un fruit du démon ?

- On dirait bien !

- C’est quoi, un fruit du démon ?

- Elle se fout de nous, en plus !


Ni une, ni deux, les deux comparses se relevèrent alors que le sable, peu à peu, aspirait le savon liquide. Si les grains glissaient encore un peu, ils n'étaient plus assez fuyants pour retenir les brigands au sol. Ary, lui, restait immobile derrière la bataille, incapable de bouger et parler, paralysé par la peur. Dodo, fidèle à sa fille présumée, croassait terriblement, levant ses ailes pour prendre de l’ampleur et tenter d’effrayer les prédateurs. Ce fut vain, car ils n’en étaient pas à leur premier coup. Même maudite, ce n’était pas une gamine avec son oiseau qui les arrêteraient. A nouveau, ils se jetèrent vers Umashiashikabihikoji, qui comprit rapidement que sur ce sol poreux, son savon ne pourrait pas la sauver. Prenant ses jambes à son cou, elle fusa vers la pipe qui traînait près de la cabane, à une dizaine de mètres. Suivie de près par Monk et Frankie, elle jeta à nouveau une salve savonneuse vers l’arrière, mais ils n’étaient plus dupes : bondissant sur le côté pour éviter l’attaque, ils ne perdirent qu’une seconde pour la rattraper.

La gamine bondit vers sa pipe, s’étalant à plat ventre et tendant le bras autant qu’elle le pouvait pour attraper son arme. Seulement, Monk l’imita, attrapant sa jambe d’une main et la tirant vers lui. Les doigts de l’ange effleurèrent la pipe sans pouvoir l’atteindre réellement ; elle poussa un cri aigu, effrayée, mais se retourna sans difficulté sur son dos, pour faire face au brigand. Il la surplombait de toute sa hauteur, l’ombre menaçante au-dessus d’elle. Surtout, les yeux de la gamine s’écarquillèrent à la vue du marteau en l’air, prêt à s’abattre sur elle. Elle cracha au visage de Monk, à peine surpris par le geste.

- Tu me manques vraiment de respect, gamine. Je vais te donner une bonne leçon.

- T’es pas mon père !

A la suite de ces mots, elle cracha à nouveau. Cette fois, ce n’était pas un peu de bave pour souiller le visage du type, mais un nuage de mousse bien placée. Plein la face, et surtout plein les yeux, le savon commença à irriter les cornées inondées de Monk, qui lâcha son marteau et l’ange pour se les frotter, hurlant à la mort que cette sale pute allait le payer. Tandis qu'Umashiashikabihikoji se demandait ce qu'était une pute, Frankie n’attendit pas pour prendre la relève, mais au moment où son poing allait fracasser l’abdomen de la gamine, Dodo se jeta sur le dos de la hors-la-loi, l’éjectant un peu plus loin d’un coup de bec en plein colonne vertébrale. Poussant un cri strident, l’oiselle ne s’arrêta pas en si bon chemin : son ennemi à terre, elle continua de la béqueter à grands coups de mandibules, pas loin de lui briser quelques côtes.

Umashiashikabihikoji, sauve tant que Monk et Frankie étaient hors d’état de nuire, se propulsa à nouveau vers sa pipe, bien décidée à en finir avec eux. Elle l’attrapa, plaça l’arme à sa bouche, et se mit à pianoter hasardeusement les clés, composant un climat de bulles, sans savoir exactement ce qui en sortirait. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’on lui avait bien dit que ce genre d’utilisation de la pipe pouvait être très dangereux. Ainsi, elle observa les myriades de bulles former une nuée au-dessus d’eux, et sifflant pour appeler Dodo, s’expulsa dans les bois, à l’abris. Au passage, elle ramassa Wilson, pour le mettre en sécurité avec elles. Ary, lui, était à assez bonne distance de l’attaque pour ne pas être touché.

Une bulle éclata. Une petite pluie commença à tomber sur Monk et Frankie, et une goutte toucha une autre bulle, la perçant à son tour. La réaction en chaîne commença lentement, mais elle ne tarda pas à montrer sa puissance dévastatrice. Orage, grêle, vents violents, neige, tous les climats de la planète semblaient s’être concentrés sur une zone minuscule. Essoufflée, Umashiashikabihikoji observa les éléments se déchainer quelques longues secondes sur les deux hors-la-loi. Si Dodo avait déjà mis Frankie bien mal en point, l’assaut d’Umashiashikabihikoji avait fini de l’assommer. Monk, lui, était bien sonné, mais pas inconscient. Ses yeux piquaient encore, et la foudre qui venait de tomber sur lui l’avait cloué au sol. Umashiashikabihikoji s’approcha de lui sans crainte, et l’attrapa pas le col pour le soulever.

- Humpf… Huuuuumpf ! T’es trop lourd !

Par manque de forces, elle abandonna. Elle s’accroupit alors à côté de lui, planta sa pipe dans le sable pour s’y retenir. Tout doucement, elle lui chuchota :

- Tu as l’air mal en point… Est-ce que tu veux mourir ?

- Hein ?! Q-q-q-quoi ?! N-non ! J’vous en supplie, mam’zelle, j’veux pas, j’veux pas ! J’suis désolé ! J-j-j’ai été forcé de faire ça, c’est mon patron qui m’oblige à faire ça ! Moi, j’voulais pas !

- Ton patron ? C’est quoi ?

- Mon chef, mon supérieur, quoi.

- Ah, comme un papa, un peu !

- Euh… ouais, si tu veux.

- Pourquoi ton papa te force à être enquiquinant ? Tu as failli tuer mon ami alors qu’il te suppliait de ne pas le faire, quand même, c’est embêtant.

- J-je… Je sais pas. Vous n’avez qu’à lui demander !

- C’est qui ?

Monk craignait que son échec ne s'apprenne, s'il révélait l'identité - du moins, ce qu'il en savait - du roi de l'Underworld, et qu'il soit châtié en conséquence. Il avait d'ailleurs bien plus peur de l'Underworld que de l'inconnue lunaire. Seulement, à l'instant, il n'était pas en position de force. Qui savait ce dont elle était capable ? Plus il y pensait, plus l'effroi le prenait, sans qu'Umashiashikabihikoji n'eut besoin d'en faire plus. Il commença à se dire que les êtres de la Lune étaient peut-être divins, bien plus forts encore que le Godfather et ses hommes. Monk était crédule : il suivait un guide dont il ne connaissait pas le visage. A dire vrai, si Frankie n'avait pas été massacrée par le dodo, elle aurait pu lui dire que faire, le ramener à la raison. Mais, tout seul, il s'était pris de panique. La voix tremblante, il annonça :

- I-i-il se fait appeler Godfather, mais je ne sais rien de plus sur lui !

Ary déglutit, en entendant le nom de l’homme. Il ne savait pas pourquoi, mais ce nom lui donnait la chair de poule.

- Connait pas. Et c'est bizarre que tu connaisses pas ton papa. M'enfin, on peut le trouver où ?

- Aucune idée, je ne sais vraiment rien de lui ! Mais je vous en prie, ne me faites pas de mal !

- D’accord, merci quand même. Quand on l'aura trouvé, on dira à ton papa d’arrêter de te forcer à faire des choses que tu n’as pas envie de faire. Papa Junius disait toujours que c'était important d'écouter les besoins de son enfant, pour bien l'éduquer !

- Sérieusement ?


Sans lui répondre, Umashiashikabihikoji laissa en plan le passeur, alors que Dodo l’achevait gratuitement d’un coup de bec sur la tête, histoire de l’assommer une bonne fois pour toutes, sans avoir rien capté de la discussion. Arrivant devant Ary, qui se remettait à peine de ses émotions, l’ange lui tendit froidement la main, rabattant sa pipe sur son dos, la retenant grâce à une lanière. Ary accepta son aide, sans broncher. Il regrettait ses mots, pas seulement car Umashiashikabihikoji venait de le sauver, mais surtout car ils étaient sortis seuls. Les défauts de l’ange lui étaient insupportables, peut-être car ils miroitaient sa propre jeunesse, mais Ary devait s’avouer qu’elle n’était pas seulement une affreuse personne.

- Hum… gamine, je suis désolé, je pensais pas vr-

- Si tu veux survivre, faut courir ou te battre. Et arrêter de vieillir.


Bien que vexé, il se tut, simplement. Umashiashikabihikoji pouvait être censée et d’une maturité froide, parfois, au moins au début de ses phrases. Il se releva avec son aide, et l’observa silencieusement, un peu honteux d’avoir été sauvé par une gamine. Peut-être qu’il la détestait pour ça, aussi : elle fourrait son nez partout. Après tout, il aurait été capable de s’en sortir seul. Peut-être.

- Heureusement que j’ai vu que tu n’avais pas vraiment envie de mourir ! Honnêtement, j’étais pas sûre. T’as eu de la chance. A peu de choses prêt, je les laissai faire.

- HEIN ?!


L’ange se dirigea vers le camp, récupérant en vitesse toute ses affaires. Elle ne reparla pas des dires passés du vieil homme, comme s’ils n’avaient jamais existé, comme si elle les avait pardonnés.

- Peu importe. On est tous en vie, on veut toujours vivre, alors c’est réglé ! Maintenant, on doit partir avant qu’ils se réveillent.

- Tu… tu veux voler leur navire ?

- Je sais pas voler, mes ailes sont trop petites. Moi, je veux juste prendre leur… bateau, c’est ça ? Comme ça, on part avec. Puis, eux… ben on dira à quelqu’un de venir les chercher. De toute façon, ils dorment pour l’instant.


Ary se tapa le front, sourcils froncés, dépité de l’inconscience de la gamine. Sans poursuivre la discussion, ils se contentèrent de remplir la barque et s’installèrent à trois. Ou quatre, en comptant Wilson. Umashiashikabihikoji, pour faire avancer le canot jusqu’à la caravelle, souffla un vent doux derrière eux grâce à sa pipe. Arrivés au niveau de la coque, au moment de monter sur le navire, l’ange ne put s’empêcher un petit rot.

- Burp ! Pardon… Ca tangue, ce truc, ça me fait un peu bizarre dans le ventre.

- Tu veux dire que… tu as le mal de mer ?

- Non, j’ai plutôt mal au ventre.

- Non, non, je veux dire, le mal de mer, c’est quand… Roh, puis zut, laisse tomber.


Umashiashikabihikoji haussa les épaules, regardant Dodo qui l’imita avec ses ailes, après quoi tous grimpèrent à bord du navire. Rangeant leurs affaires, découvrant la caravelle et vérifiant qu’il n’y avait personne d’autre nulle part, ils se décidèrent à lever l’ancre pour partir vers le Sud. Ils ne savaient pas exactement où ils se trouvaient, mais il fallait faire un choix, et le vent traversait déjà les airs du Nord au Sud. Ainsi, ils se mirent en route. Du moins, Ary s’improvisa navigateur, sous les indications floues d’Umashiashikabihikoji, qui connaissait la météo comme sa poche, mais n’avait jamais mis le pied sur un navire. En plus de ça, la gamine s’était avachie sur la rambarde, la tête penchée par-dessus bord, le visage encore plus pâle qu’il ne l’était habituellement.

- Burp… Blr… Je crois que je vais…

« Vomir » était le mot qu’elle n’eut pas le temps de prononcer. En tout cas, cette traversée ne fut pas un grand plaisir pour les deux comparses, car si l’une était malade en mer, l’autre tremblait de devoir naviguer sur la route de tous les périls. Seule Dodo semblait prendre son pied, sautant sur la proue de la caravelle pour profiter de l’air marin et feinter son envol sous le vent doux de l’océan.

Un soir de traversée


- Umashiashikabihikoji, fit Ary à l’ange qui restait allongée sur le pont, les yeux plantés dans le ciel pour éviter de penser à son corps qui valsaient au gré des vagues. Tu as dit que tu voulais aller chercher ce Godfather… Je n'ai aucune idée de qui c'est, mais tu ne penses pas que c'est inquiétant, que Monk ne sache rien de lui ?

- Bof, j'ai trouvé ça bizarre, mais... burp ! C'est pas de sa faute.

- Je veux dire... Un type dont on ne sait rien, c'est quand même mystérieux et SUPER effrayant. Peut-être qu'on devrait plutôt rentrer au plus vite.

- Ah non ! Hic ! J'ai dit à Monk que j'allais l'aider, et une promesse, c'est une promesse ! Puis, j'aimerais vraiment visiter un peu ici, avant de rentrer.

- Hum... Vraiment Umashiashikabihikoji, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

- Non, non, j’insiste ! Ces pauvres Monk et Frankie sont forcés d’embêter des gens pour leur horrible papa. On doit les aider !

Ary soupira, abandonnant toute discussion sensée avec la gamine. Il espérait seulement que l’idée lui passerait. Son souhait ne serait probablement pas réalisé :

- Le moyen le plus simple, pour qu’il ne soit plus tenté de les embêter… ce serait de le tuer. Tu sais, comme papa Strutt, quand il était malade. Ca embêtait beaucoup de monde, parce qu'il fallait tout le temps le changer et tout, puis il a décidé de mourir, comme ça, il embêtait plus personne. Alors, on va tuer Godfather ! Enfin, s'il veut bien.



Désolée
Devant mon ordi, 2020

Dans ce monde immense certains n’ont pas d’histoires. Je m’excuse d’avoir conté, pour les plus grands moments de la vie d’Umashiashikabihikoji, ses apprentissages, sa chute vers un monde qu’elle ne connaît pas, et une petite querelle avec des brigands trop ambitieux. Je m’excuse de n’avoir traité ni trahison funestes, combats ensanglantés, désirs de vengeance ou voyages épiques. Bref, je suis désolée qu’Umashiashikabihikoji n’ait encore aucune expérience de la vie. Bien que le monde ait déjà semé ses graines en elle, à ses dépens, elle en est encore à éclore doucement, et pour elle, les aventures s’écrivent dans l’avenir.


crocrotte
22 ans

Phosphophyllite (Phos) - Houseki no Kuni

Ruizu m'a fait connaître le forum, mais comme il a déjà 2 parrainages je voudrais que ce soit Arslan mon parrain, pour le remercier d'avoir répondu à toutes mes questions


Umashiashikabihikoji
Moi je fais des ptites bulles ♫
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Umashiashikabihikoji
Touriste
posté le Mar 22 Déc - 10:17
Hola ! Je viens ici pour dire que j’ai fini ma prez ! Après 4 mois… elle a failli prendre la poussière, on dirait Razz

J’en profite pour dire un GIGA merci à Arslan qui a répondu à touuuuuutes mes questions (d'après une étude de l'INSEE, elles sont au moins très beaucoup, genre VRAIMENT beaucoup), et à Calcifer qui est venu me repêcher et me motiver à finir ma prez, qui a répondu à mes questions aussi, et qui m’a fourni des ptites images et tout… BREF vraiment merci !

Du coup, bonne lecture j'espère, merci d’avance à celui ou celle qui s’en occupera, et Joyeux Noël ! \o/



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Williams P. Blake
Les mille lames
posté le Jeu 31 Déc - 15:29
Avant toutes choses, je tiens à sincèrement m'excuser pour le délai pris pour la validation de ta fiche, ça n'aurait clairement pas dû prendre autant de temps. Donc désolé !

Alors alors, on est arrivés quasiment en même temps sur le forum donc c'est un peu émouvant ce qu'il se passe, en tout cas personnellement ça me fait super plaisir de voir ta fiche terminée ! Garder sa motivation pendant plusieurs mois et arriver au bout sans ghost, franchement, c'est beau ! Et en plus pour quel résultat ... Qu'est ce que c'était cool bordel !

J'ai même pas envie de découper la notation en points à aborder, on va en parler librement parce que je me sens libre après avoir lu ta prez, ouais, on en est là en fait ! Tu devrais l'avoir compris déjà, j'ai adoré. L'histoire était touchante, belle, pleine de symbolique, drôle mais surtout : c'était tellement One Piece en fait ! Dans l'état actuel des choses, je pense que ton personnage est celui qui me fait le plus penser à un personnage du manga, purement et simplement. Des situations loufoques qu'elle crée, son caractère en tellement de dimensions que je sais même plus combien il y en a, le flashback aussi complet qu'intéressant sur un PNJ ACCOMPAGNATEUR (ce qui est dingue comme effort d'ailleurs) et encore je suis même pas exhaustif ... Tout ça est sublimé par ta mise en page qui illustre tout ça parfaitement avec ton eye catcher et des musiques parfaitement choisies ... Bref, c'est un plaisir, vraiment.

On sent que tu comprends l'univers d'OPA et ton personnage y a amplement mérité sa place, son caractère est totalement crédible et la rend adorable mais en même temps, elle a aussi ses défauts que tu te fais plaisir à utiliser. L'exemple parfait à ce sujet pour moi c'est sa tendance à demander aux gens si ils veulent mourir pour leur rendre service, c'est tellement simple sur le papier, mais ça veut dire tellement de choses, et tous ses traits de caractères trouvent leur justification dans l'histoire, tout est bien ficelé. Les PNJ crées sont presque des PJ, mention spéciale à Junius qui m'a vraiment ému pour le coup, mais aucun autre n'est en reste, surtout pas Ary que tu as pris le temps de réellement créer, en profondeur.

En fait la seule chose qui manque, c'est une meilleure intégration dans le contexte général. Il y en a bien sûr, mais il en manquait un peu pour que ce soit parfait au niveau du fond, j'aurais bien aimé voir comment Uma réagirait en se confrontant à la vraie dure réalité du monde hors de son cocon, ou même d'en voir un peu plus des yeux d'Ary ou de Junius dans leurs flashbacks respectifs. C'est un parti pris et j'en suis conscient, mais ça m'a laissé sur ma faim et pour le coup j'ai vraiment, vraiment hâte de suivre tes rps pour voir son évolution. Il y avait aussi quelques fautes par-ci par-là, mais rien de bien grave, je peux parfaitement comprendre que se relire à la perfection sur un texte aussi long soit pas le plus simple des exercices non plus.

Je tiens aussi à vraiment appuyer sur le fait que j'ai adoré tes descriptions, pour le coup j'imagine que c'est extrêmement subjectif, mais j'ai eu l'impression d'avoir eu une discussion avec toi à propos de ton personnage où tu me le décrivais sans forcément trop en faire pour me donner envie, mais quand même en rentrant assez dans les détails pour que ce soit profond et ça, ça m'a eu. J'ai pas senti le temps passer en les lisant et à la fin, j'étais un peu dégouté que ce soit fini franchement. Mais bon, tout à une fin, à l'image de ta présentation qui malgré sa longueur se lit comme du petit lait, mais aussi comme la vie en fait ...

Bon, j'en ai un peu trop fait déjà et si je continue ça va commencer à se voir, donc il est temps de conclure ! Habituellement on donne des recommandations de joueurs avec qui rp pour aider les nouveaux validés à trouver des partenaires qui peuvent leur correspondre, mais là en fait je sais même pas qui te conseiller, qui que ce soit que ton personnage rencontre, ce sera forcément intéressant en fait, donc fais toi plaisir !

Enfin, après tous tes efforts, toutes ces questions posées à Ars, tu es validée, bieeen joué ! En suivant ce bon vieux barème, tu repars avec 9 750 Dōrikis amplement mérités, sans compter ton parrainage qui te fais pleuvoir 510 Dōrikis supplémentaires, pour un total de 10 260 Dōrikis ! De son côté Arslan récupère 980 Dōrikis pour son parrainage, bien joué à lui ! Tu débutes donc en tant que Civile sur le premier palier, accompagnée de ton Awa Awa no Mi, ta pipe climatologique et surtout, en tout cas je l'espère, d'Ary et Dodo aussi ! Ta Vivre Card va être générée sous peu pour que tu puisses rp tranquillement, mais en attendant, je te félicite encore une fois mais surtout, j'espère que tu t'enjailleras comme il faut chez nous ! Ah et bonne année aussi Very Happy


PS : N'hésite pas à revenir sur le discord du coup maintenant ! ✌
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