La seconde porte intrigue Siam. Prenant quelques minutes pour l’examiner, elle passe sa main le long des détails de l’arche. La sensation fraiche du métal lui serre un instant de point d’ancrage, alors qu’elle jette un œil méfiant à la pièce suivante. Forte de l’expérience des pièges à piques sur le corridor, elle préférait s’assurer que, cette fois-ci, rien de tranchant ni de contendant ne viendrait les importuner. L’absence visible de cadavre, aussi rassurante qu’elle pouvait l’être, fit penser à la jeune femme que, peut-être, personne n’était encore parvenu jusqu’ici. Elle préférait cette option, réconfortante, à celle qui supposait que le corridor disposait d’un moyen efficace pour ne laisser aucune trace de ses victimes.

Contrevenant à l’ordre de Kirie, elle lui emboite le pas pour observer de plus près les murs et le plafond qui se refusaient à leur vue attentive. Un grognement mécontent lui échappe, se réverbérant sur les surfaces criblées de trous qui les attendent patiemment. Encore un piège, pour sûr, mais de quelle essence ? Le diamètre des ouvertures semblait, trait pour trait calqué sur les précédentes mais, dans les ténèbres sous leurs pieds, ne brillait pas l’éclat menaçant des pointes de bois laquée à l’or. Ni sur sa gauche, ni sur sa droite, ne se tenait la menace effilée du couloir et, peut-être un peu trop petite pour en être certaines, elle se fit cette même réflexion pour le plafond. Une nouveauté donc, dont le goût parfumait amèrement le palais de l’archéologue. Elle préférait les répétitions et leur douce torpeur rassurante, mais les Anciens, eux, ne semblait pas de cet avis.

En face d’eux, la lourde porte qui terminait la pièce avait l’air si épaisse que même Siam doutait de pouvoir en venir à bout par la force brute. Traversant la distance qui l’en séparait, elle la parcourt du doigt. Encore une fois recouverte d’or, la petite Avarice songea que les Temps interdits devait être fastueux pour que la décoration tape à l’œil qui ornait chaque élément clé soit aussi présente. Cette pensée fit lentement son petit bonhomme de chemin, tandis qu’elle continuait son inspection. Après une longue pause, elle parvint à la même conclusion que chacun de ses compagnons présents : il était inutile de penser contourner l’énigme qui trônait fièrement au centre de la porte. Sentant l’importance des lettres dont elle avait senti le mouvement au toucher, Siam les énonça à voix haute.



Le mot fut accueilli par le giclement joyeux de l’eau, au plus grand mécontentement de Kirie. Une menace certaine, pour les maudits, mais qui sonnait étrangement détonnant avec cette sensation d’appel, viscéral, qui résonnait dans les oreilles de la jeune femme avec la même hargne que le bruit de fermeture de la porte qui les coupaient du monde. Tant de piège et tant de secret réunis en une seule zone… Que craignait donc tant les Anciens, pour prendre tant de précaution ? La question la taraude, revenant à la charge à chaque fois qu’elle essayait de revenir vers la discussion houleuse que Kirie destinait à ce piège aquatique pendard qui la poursuivait comme un moustique. Les informations sur le Siècle perdus avait été si méticuleusement effacée qu’il était impossible de pouvoir ne serait-ce que conjecturer un semblant de réponse. Devant la toute-puissance des armes créées par l’ancien peuple, personne ne pourrait jamais savoir pourquoi ils en étaient venus à se développer dans la voie militaire. Soucis du progrès ? Volonté expansionniste ? Guerres internes ? Peur ? Tout était possible mais rien ne semblait coller à ce besoin de protection instinctif, animal, que portait les ruines qu’ils avaient laissés dans leur sillage. Et l’idée que cette longue suite d’énigme ne soit que destinée à éloigner les curieux et les âmes mal intentionnées semblait tellement enfantine que pas un instant Siam ne pouvait se permettre de continuer d’y croire. Il y avait quelque chose. Autre chose.
   




Mémoriser les lettes ? Un sourire malin apparait sur le visage de Siam alors qu’elle hoche la tête pour répondre. Elle ? Ne pas mémoriser tout ce qu’elle voit depuis le début de la journée alors qu’ici chaque détail à son importance ? Parfois, la Divine Greed se demandait pour qui on la prenait, tant c’était une évidence même. Elle ne laisserait personne lui voler les secrets de l’Epoque Interdite, personne, la séparer de la vérité. C’était à elle, autant que le combat était à Kirie.
Sous les yeux de la jeune femme, l’utilisatrice du Goro se prépare silencieusement. Inconsciemment ses pieds s’écartent et l’Intuition réverbère la sensation, électrique, qui mobilise et réveille chacun de ses muscles. L’effort sera court, intense. Peut-être salvateur, peut-être destructeur. Quoi qu’il arrive, la brune n’arrêterait pas Kirie : même sans les connaissances, l’instinct de la capitaine, animal, indomptable, était une valeur sûre. Dopée par la conscience d’être prise au piège, la rousse n’avait plus qu’une préoccupation, la survie. Et jusqu’à présent, l’adaptabilité grandiloquente et farfelue dont elle faisait preuve était leur meilleur atout. S’accordant sur la fréquence de son aînée, Siam focalise tous ses sens sur les lettres. Compter et réfléchir à la combinaison s’annonçait un challenge de taille, mais il le fallait. Encore une fois, le temps jouait contre eux. Il était hors de question d’échouer, pas après tout ce chemin fait.



Siam l’énonce comme une évidence, sans même s’embarrasser de détails. Sa voix ricoche sur les parois de la cage de l’épreuve. Ses poumons se soulèvent en écho avec la conscience, accrue, que lui prodigue la concentration. Aussi vive que Kirie soit, seule la bonne combinaison les libèrera de ce trou à rat. Pire même, si elle s’attardait sur le nombre d’ouverture percée dans la salle, chaque erreur pourrait les conduire à accélérer la noyade. La solution ou la mort, lui souffle la voix, pernicieuse de sa mère, dont le fantôme apparait fugacement pour lui caresser la gorge avec douceur.
Le frisson qui nait le long de son dos s’ancre profondément en elle avec le son des clapotis de l’eau. L’adrénaline donne à Siam la chair de poule et une nouvelle respiration, profonde, vient dompter les battements de son cœur. La jeune femme se refusait à se laisser envahir par la peur instinctive de l’eau et la sensation d’étouffement grandissant que donnait les couloirs creusés à même la terre.
Ancrée sur ses deux pieds, le regard de la jeune femme brille avec l’éclat du défi. L’épreuve, plus qu’un test de survie, vérifiait avec sévérité sa motivation, questionnant jusqu’à l’essence même de la raison pour laquelle Siam vouait sa vie aux ponéglyphes. Elle s’était entrainée toute sa vie pour ces moments de bras de fers avec l’histoire. Elle avait goûté au fouet, à la salissure du sang et des abus pour vivre cet instant précis, pour réaliser ce que des centaines d’autres sur Ohara ne pourrait jamais faire. Elle était ici parce qu’on l’avait invitée.  Elle était ici parce que c’était ce qui devait se produire. Elle était ici et elle continuerait d’avancer, inexorable.



L’ordre sonne étrange, dans la bouche de Siam, mais elle n’éprouve ni le besoin de développer, ni de s’intéresser à la réponse. La concentration, absolue, étouffe tout, happant les doutes et la peur dans un tourbillon de réflexion et de probabilité. Bientôt, le monde de Siam se résume aux lettres et aux mains, fin prête à danser, de Kirie. Une faible seconde de flottement baigne les trois membres de l’équipage. La tension les lèche avec avidité, attentive à la moindre baisse de régime, à la moindre esquisse d’hésitation qui leur couterait la vie. Puis la vitesse l’emporte avec la force d’un cataclysme naturel. Il n’était pas humainement possible de l’entendre, mais le crépitement de l’électricité bat les tempes de l’archéologue.

10. 100. 500. 1000. La vitesse, vertigineuse, la force à user du Haki pour ne pas se laisser distancer. La petite maitresse des tremblements à renoncer à lire les successions chaotiques de possibilité que Kirie dépose sur les emplacements. Traune. Autren. Netrau. Reutan. Trop rapide, trop énergivore, pas assez efficace. Les idées fusent, mais pas assez vite, pas assez claire. Les anagrammes fleurissent à toute allures dans l’esprit de Siam, mais elle manque de temps pour tous les vérifier. De toute la multitude de possibilité, elle n’a plus qu’une série d’indices décousus qui semble farfelu tant la clé qui les unit est bien cachée. Les sabliers, les fleurs, les serpents et les crânes. La longue suite de mot, à laquelle s’ajoute maintenant une énigme de scrabble. Six tuiles, pour six puissance six possibilités dont le seul dénominateur commun était qu’il avait vraisemblablement un lien avec le reste des ruines.

Siam pouvait sentir le souffle chaud des Anciens contre son oreille. La morsure, progressive, du piège à eau ne cessait d’allumer une lumière rouge, urgente, dans un recoin de sa petite tête mais elle la repousse avec humeur. Il lui faut plus, toujours plus de concentration. Lentement, le spectre de l’appel de l’ancienne civilisation lui épouse le corps, à moins que ce ne soit celui de la migraine que lui inflige petit à petit la cadence infernale de l’éclair rouge à côté d’elle ? Les éléments tournent, sans que pour autant les pièces du puzzle ne trouvent leur place. A chaque fois, à chaque mot, une lettre est délaissée, seule, signe que la solution n’y est toujours pas. Une nouvelle inspiration secoue le corps immobile de la jeune femme. Elle ne doit pas perdre le rythme. La solution est forcément quelques part. Il y a forcément une raison pour que les Anciens accumulent les pièges comme ça. Grotte, Eau, Bois, serpent, fleur – et plus secrètement cette araignée dont elle ignorait encore la dangereuse existence. Plus les informations tournent, moins Siam y trouve de sens. Qu’est-ce qui pouvait lier ces putains de morceaux ensembles ? L’urgence prend le pas sur le calme de la brune. Elle devait trouver, elle ne pouvait pas échouer. Elle ne pouvait pas se laisser botter les fesses par une énigme à la con et un simple élément de la natu…


Instantanément, le corps de l’archéologue s’anime et la réponse fuse avec toute la puissance du soulagement et de la victoire que récent la jeune femme. Depuis le début, il était là, sous son nez, à lui tourner autour comme un soupirant hésitant. Ce qui irritait sans doute le plus Siam, outre le fait d’avoir pris tant de temps à trouver, c’est qu’elle n’avait pas la certitude absolue que sa réponse serait la bonne. D’un côté, aucun doute n’était possible, c’était le seul mot formable avec l’intégralité des six lettres. De l’autre, elle doutait que l’épreuve s’arrête simplement ici. Quoi que renfermait ce tunnel, elle espérait sincèrement que le jeu en valait la chandelle … et le mal de crâne qui commençait à poindre derrière ses deux yeux rosées brillant d’anticipation.
 

Ikki venait d'échapper à la mort, ou à de sévères blessures, seul la foudre embrassait son corps, tétanisait ses muscles, mais il avait fini par avoir l'habitude. À force de combattre la Dokien Tenjo, on finissait par devenir un paratonnerre à ses dépends. Malgré le calme dont il faisait preuve, il ne put s'empêcher de souffler, il n'avait pas été assez sur ses gardes. Cela ne devait plus se reproduire. Jamais.
 
Les flèches, détruites, il ne restait là finalement qu'un amas de minuscules bâtonnet de bois, décorant le sol et servant de tapis aux membres de la Divine. Il fallait avancer. Ils étaient tout proche de ce qu'il cherchait. Persévérer. Ne pas reculer. C'est ce que les anciens auraient voulu, qu'ils abandonnent, se laisse cueillir par la mort ou qu'ils tentent de faire marche arrière. Impossible. Ils étaient un regroupement de personnes aux caractères tous différents, mais il y avait quelque chose de commun qui les reliait, leur volonté. Ikki avait fini par le comprendre, qu'il s'agit de Natto, Kirie, Siam ou même lui-même, quand ils avaient quelque chose en tête, ou un objectif qu'ils s'étaient réellement fixer : Rien ne pouvait les arrêter.
 
Ils continueraient d'avancer, comme dans ces ruines, pliant ou détruisant tout ce qui ferait obstacle à leur but.

En l'occurrence, une nouvelle épreuve se présenta. Des murs, troués. Des flèches ? Non. Les anciens n'étaient pas si bête. La même attaque ne marchait jamais deux fois sur un Wrath. Alors, que pouvaient bien cacher ces trous ?

T.R.A.U.N.E. Ce mot. Cette suite de lettre semblait être la réponse à la question d'Ikki. En retrait, il se contenta de réfléchir. Hm… Que fallait-il faire. Ne pas y toucher déjà, une mauvaise erreur et...

De l'eau. De l'eau commença à couler des trous. Noyade. Mort. Maudit. Et Natto était pas là. Kls avaient vraiment un don pour se foutre dans la merde. Ne pas y toucher. Réfléchir posément. Vite… Ikki leva les yeux, et vu les pièces se déplacer à une vitesse surhumaine. Peut-être que trop réfléchir menait à rien finalement. Depuis le début, ils n'ont fait que réagir de cette façon, et cela les avaient bien réussi. Alors pourquoi pas. Cette fois-ci. Il avait pleine confiance en sa capitaine.

Les mots de Siam reveillerent Ikki. Il devait agir. L'eau montait. La mort pour des maudits comme eux. D'un coup, ses mains devinrent noir. Il s'annonça.


Enchaîné. Les paumes du Bakeneko allaient si vite qu'il était sûr qu'il pouvait se rapprocher de la vitesse du fulguro-fruit. Se retenir. Ne pas tout détruire. Son fruit n'était pas aussi destructeur que celui de Siam. Alors en creusant quelques trous à l'aide de ses coussinets, par-ci et par-là. Espaçant les touches pour éviter d'en créer un trop grand. Causer un effondrement.  L'eau allait s'écouler plus lentement.

Leur donner le temps de réfléchir. De réussir.

Nature. Était-ce ça la bonne réponse ? Il fallait espérer. Car même s'il le retardait, la montée des eaux était inévitable. S'ils survivaient à tous ça. Ikki aura bien mérité sa sieste. Rien a foutre. Et personne n'osera la perturber.

Mon coup avait été vif, puissant, et très technique. Pourtant, je n'avais ressenti aucune résistance en réponse à mon mouvement. Cela ne pouvait signifier que deux choses : soit j'avais traversé ma cible comme un couteau dans du beurre, soit je ne l'avais pas touché. Quelqu'un de rationnel aurait misé sur la seconde option. Car en cas de doute, il valait mieux se préparer au pire. Pour ma part, j'étais simplement inspiré par mes propres désirs. Je voulais que mon prédateur soit assez dangereux pour réchapper à un tel contre. Il ne pouvait en être autrement. La bête sauvage que j'étais ne s'en serai pas remise.

Se mouvant à une vitesse phénoménale, dans l'obscurité, l'arachnoïde antique était imperceptible. Les mailles de fils gluants amassé au fil des siècles, qui s'éparpillaient partout, s'écroulaient désormais de part en part, causant de multiples remus dans toute la grotte. Rapidement, j'étais entièrement recouvert par cette matière visqueuse, m'accablant de son poids un peu plus chaque instant. Dans un réflexe défensif, je me recroquevillai sur ma gauche en tournant mon buste de sorte à placer mon épaule droite en avant, le bras devant le visage en guise de protection. Une fois de plus, j'étais empêtré dans ce piège de mucus, à la merci d'une créature sans pitié. Mais cette dernière avait déjà compris qu'elle faisait face à une bête aussi sauvage qu'elle. Et elle n'était pas au bout de ses surprises.




A cette pensée, mes lèvres s'étirèrent jusqu'à dévoiler un sourire carnassier. J'avais laissé à l'Argiote une fenêtre d'esquive, pour la jauger. Me débarrasser de sa toile dans un premier temps pour frapper dans un second lui avait donné un très court laps de temps pour réagir, et elle avait saisi l'opportunité pour sauver sa vie. Sa précédente attaque m'avait toutefois prouvé une chose : pour m'atteindre de quelque manière que ce soit, elle devait m'approcher au corps-à-corps. Sinon, pourquoi se serait-elle mise en danger à charger alors qu'elle pouvait attaquer de loin ? Ainsi, en répliquant cette fois-ci non pas en deux, mais un seul temps, comment allait-elle s'en sortir ?

Durant mon précédent mouvement, mon bras gauche s'était glissé subtilement dans mon dos. J'en profitai pour dégainer par le bas le wakizashi planqué dans l'extrémité opposé du fourreau que je portais sur le dos. Je restai dans cette position un très bref instant, à savoir, le corps totalement torsionné sur la gauche, la colonne vertébrale enroulée, les deux sabres orientés de ce même côté. Je pris enfin une puissante impulsion contre le sol, les plaques de mes geta suffisamment creusées dans la vase pour m'assurer un bon appui. Me déroulant tel un ressort, j'entamai une violente rotation vers la droite, expulsant à l'aide des deux lames une vague de haki externe. En un instant, j'étais devenu une véritable tornade tranchante, une scie rotative, voire un véritable mixeur, déchiquetant tout sur un rayon de deux mètres autour de moi.

Mais mon acrobatie ne s'arrêtait pas là. Dans la continuité de ma détente, j'entamai un saut vrillé arrière, alors que je pivotai toujours sur la droite, de sorte à désaxer la rotation de mon tranchant. Après avoir tranché horizontalement, à ras du sol pour remonter à hauteur de ceinture, j'avais orienté l'axe de ma scie humaine pour trancher verticalement, par au-dessus, juste à mon ancienne position.


Atterrissant ensuite avec souplesse, je terminai par un dernier tour sur moi-même, dérapant sur le bol de mon pied droit, tandis que j'envoyais une dernière lame d'air en anneau tout autour de moi.
Ma stratégie était simple. Me défaire du mucus et attaquer l'Argiote en un seul temps, afin de réduire ses chances d'en réchapper. Ensuite, puisqu'elle pouvait attaquer depuis n'importe quelle position, j'optais pour une attaque omnidirectionnelle. La stratégie était d'autant plus efficace dans le cas où mon prédateur arrivait depuis le sol, puisque c'était la zone la plus visée, notamment si la bête venait à se trouver à mon ancienne position lors de mon saut vrillé.

Les tuiles s’enchainaient à une vitesse incroyable. Les lettres incompréhensibles étaient devenues des suites de chiffres, sous l’œil acéré de la jeune borgne. Le nombre de lettres, le nombre de combinaisons possibles, le nombre d’essais qu’elle avait déjà tenté…10 000. 15 000. 20 000. Mais rien, toujours rien. Autant que possible, la logia tentait d’ignorer la douleur qui lui envahissait les paumes, jusqu’au bout des doigts, de plus en plus, à mesure que ses mouvements s’enchainaient. Peu importait ce genre d’égratignure, alors qu’ils étaient confrontés au risque de noyade. 25 000. 30 000… Une sueur, mêlée d’effort et d’inquiétude, qui perlait le long de sa peau, prenant finalement la forme de serpents étincelants, en quittant sa face, grésillant, avant de disparaitre à tout jamais.

Traune. Narute. Ruante. Turane. Rien, rien, rien. Plus les secondes s’égrenaient, plus le niveau de l’eau montait, plus la belle pirate se demandait si elle était en train de suivre la bonne voie. Les mécanismes étaient vétustes, bien qu’encore bel et bien en service, et n’étaient peut-être pas faits pour suivre sa cadence endiablée. Plus tôt, ça avait certes joué en sa faveur, mais désormais, elle avait bien peur que ce puisse être la dernière erreur de sa longue vie. Heureusement que tout ne reposait pas sur elle, en ces lieux austères, sinon…Au moment où Kirie commence réellement à s’inquiéter, ralentie dans sa folle entreprise par l’immersion aqueuse, qui lui sapait les forces, une voix perça au travers de la pénombre. Une voix forte, sûre d’elle, qui arrêta immédiatement l’ancienne joueuse de mah-jong.

N-A-T-U-R-E

Sans plus attendre, elle aligna les plaquettes, formant le mot qui ressemblait le plus à « Nature », même si elle n’était pas entièrement certaine de bien reconnaître tous les symboles. Ils restèrent tous sur le qui-vive, pendant un instant, alors que rien ne se passait. Le bruhaha des flots noyait tout autre bruit, et bientôt, il emporterait vraisemblablement la Divine, également. Peut-être que cette épreuve n’en était pas une.. ? Peut-être s’agissait-il là de la fin du voyage, tout simplement. Siam avait rapidement confirmé que le mot était correct, mais était-il vraiment le mot de passe attendu par les Anciens ? Si il y avait bien une chose dont la Capitaine était sûre, c’était bien la fiabilité de sa petite archéologue attitrée. La petite avait réfléchi à sa réponse, c’était clair comme de l’eau de roche. Elle avait dû balayer toutes les possibilités, les mots inexistants ou hors-sujet, pour leur dégoter le mot magique. Ca devait marcher. Ça allait marcher. Ça DEVAIT marcher.

Mais non, rien…Le temps passait au ralenti, plus encore plus la tempétueuse cheffe que pour ses nakamas, sans doute. Les dix secondes les plus longues de sa vie s’écoulaient, péniblement, comme réveillées d’une longue hibernation, tout comme ces lieux qui menaçaient de ne plus jamais leur laisser voir la lumière du jour. Rien. Toujours rien. Malgré tout, la foi de la rouquine, envers sa plus vieille amie, n’était pas près de flancher. Si problème il devait y avoir, ce serait la faute de ce peuple moisi, qu’elle se ferait une joie d’aller rouster religieusement, si elle venait à passer ad patres en ces lieux maudits.

 

Et là, quelque chose finit enfin par se passer. Avec un flegme semblable à celui de leur Natto national, les lettres s’enfoncèrent doucement, avant de commencer à briller. Un sourire franc s’afficha sur le visage de la belle, rassurée, revigorée. L’eau commença à se vider, une porte désormais ouverte en face d’eux. Ils avaient triomphé, une nouvelle fois, sur l’esprit malade des garants du siècle perdu. Ni une ni deux, la furie se retourna, presque hilare, vers la petite Siam. Elle l’attrapa, entre ses deux bras, qu’ils n’avaient pas si souvent l’occasion de voir ensemble, avant de la serrer contre sa poitrine. Soulevant la petite du sol, comme une brindille, elle commença à valser, sans lui laisser l’occasion de s’échapper. Après ce qu’ils venaient de vivre, elle avait tout fait pour garder espoir et compter sur ses compagnons. Toutefois, il fallait avouer que les événements n’avaient pas été de tout repos.

Au fond de ses os, de son cœur, de son âme, Kirie sentait que la fin était proche. Pas la leur, mais celle de leur périple insensé, six pieds sous terre. Le sérieux revint bien vite s’imposer sur son visage, lorsqu’elle ressentit quelque chose de nouveau, et pourtant, d’étrangement familier. Le temps n’était pas encore aux réjouissances et, tout doucement, elle reposa son amie par terre, en regardant les nouvelles ténèbres qui venaient de s’ouvrir devant leurs yeux ébahis. Reculer maintenant aurait été la pire des décisions, mais tout le malaise qu’elle avait pu ressentir depuis le début de leur expédition trouvait sa source là, juste en face d’eux, elle en avait la certitude.


Pleine d’appréhension, elle ouvrit tout de même la marche. Elle ne pouvait pas faiblir, jamais. C’était à elle de montrer l’exemple, de les pousser à toujours donner le meilleur d’eux-mêmes. 200%. 1000%. Kirie n’était peut-être pas douée en algèbre, mais elle savait ce que ça signifiait, que d’avoir des gens qui comptait sur quelqu’un pour leur donner de la force. La Divine était liée, bien plus que par la simple proximité de compagnons de route. L’équipage n’en était pas un. C’était une création, une bête artificielle, dont chaque membre complétait les autres, permettait à l’ensemble d’avoir du sens. En avant. Vers l’inconnu. Vers le danger. Vers leur destin.

Très vite, ils déboulèrent dans une salle immense, à couper le souffle. En face, surplombant l’endroit, du haut de ses marches, se trouvait le but de leur descente aux enfers. Ainsi, l’alcoolo de Whiskey Peak ne s’était pas foutu d’eux. Il faudrait qu’elle y repasse, un jour, pour lui payer un coup. Tout ça dépassait clairement les espérances de la logia, qui, même sans réellement savoir en quoi consistaient ces monolithes impérieux, ce qu’ils pouvaient bien receler comme savoir, elle en connaissait toutefois la rareté. L’importance que cela revêtait, aux yeux d’un des grands amours de sa vie. Deux, si on comptait celle qui n’était plus, depuis bien longtemps. C’était non seulement une victoire pour la Divine, mais aussi pour Siam. Et, aux yeux de leur cheffe, c’était un accomplissement qu’elle dédiait à sa défunte sœur, dont elle aurait tant aimé voir l’expression, au milieu de cette salle sacrée.

La non-initiée n’avait qu’une idée très vague, à propos de ces immenses stèles, mais Siam l’avait instruite, afin que son étourdie de Capitaine ne risque pas de passer à côté de quelque chose de crucial, au cours de ses pérégrinations en solitaire. Bouche-bée, elle regardait le monument en bois d’or, la pupille remplie d’étoiles. Ils étaient arrivés au bout. Maintenant, la récompense tombait, enfin !




Malheureusement, elle n’eut pas réellement le loisir de s’y attarder. La dernière salle était immense, et outre la rune qui dominait l’endroit, ils n’étaient pas seuls, dans cette chambre des secrets. Comme irrémédiablement attirée vers la source de son malaise, la pupille de la jeune femme se dirigea, d’un rapide balayage, vers l’armée de bois. Celle-ci avait beau sembler totalement immobile, inerte, sa simple présence envoyait un frisson glacé, tout le long de la colonne de l’estropiée. En dépit de sa réaction était basée presque entièrement sur son instinct, si on avait dû lui demander ce qui la gênait autant, la réponse aurait été assez simple. Levant un doigt en direction de l’étrange rassemblement de statues, elle pointa son index au milieu des troupes, tout en arquant un sourcil. Pour faciliter leur visibilité, elle profita de l’immensité de la salle pour leur créer un apport de lumière, dispersant des boules électriques persistantes, en hauteur, qu’elle fit courir tout le long du plafond.

 

L’eau, maudit adversaire, continuait de les poursuivre, inlassablement. Au moins, elle ne semblait pas décidée à monter de trop. Cependant, alors que le liquide s’étalait dans la pièce, quelque chose d’étrange commença à se produire, au moment où il se retrouva sous l’armée sculptée. Sans que la Capitaine ne puisse vraiment en estimer la cause, quelque chose venait de changer. Un malaise ambiant commençait à emplir les souterrains. Sans que rien ne se soit encore passé, la tension s’épaississait, devenant tangible, palpable. Soudain, un hurlement tonitruant, incomparable, vint leur vriller les tympans, forçant la borgne à écarquiller ses paupières, surprise.  



Sous leurs yeux ébahis s’activait un énième subterfuge. Des pierres s’échouaient ça et là, autour d’eux, dans des bruits aqueux, de mauvais augure. Les gardiens se mirent en marche, à presque trente contre trois. Terrifiant constat, s’il en était. Tout ça n’avait plus rien à voir avec les simples pièges qu’ils avaient affronté, jusqu’alors. Arrivant directement sur eux, c’était toute un rassemblement militaire, enfoui, oublié, qui s’apprêtait à en découdre. Constat terrifiant, qui ne fit que s’accentuer, lorsqu’un l’un des deux colosses de dix mètres s’élança en avant, avec une rapidité détonante. Recouvert d’un voile de nuit, qui non content de le rendre moins facile à discerner, signifiait la fin de la facilité, pour l’éthérée farouche, le constat commençait à se faire alarmant. Kirie était immobile, comme tétanisée, devant cette surprise mystique, digne des plus grands escargofilm d’horreur.



Les traits de la bête s’étirèrent vivement, dans une expression indescriptible. Un rictus automatique, franc, transi, dévoilant ses crocs acérés, qui avaient hâte de se planter dans une proie juteuse. Finalement, elle les avait peut-être mal jugés, les Anciens ! Dans leur infinie bonté, ils avaient quand même pris le temps de préparer des cadeaux, non pas que pour l’archéologue, mais pour elle, aussi ! Tout venait à point, à qui savait attendre ! Encore une fois, la vie démontrait cet adage, qu’elle n’avait jamais vraiment pris au sérieux. Peut-être qu’elle n’avait dû sa survie qu’à la chance, en face du tout premier autel. Peut-être avait-elle été trop lente, sur les pièges perforants. Peut-être n’avait-elle servi à rien, à l’épreuve de tantôt.

Par contre, maintenant, ils étaient en plein dans SON élément. A l’opposé total de la panique, le cerveau de la manchote, travaillé et aiguisé pour le combat, depuis son plus jeune âge, profitait de la vivacité du Goro pour examiner tout ce qui se déroulait sous ses yeux, engranger le maximum d’informations et les traiter dans l’instant. Les mouvements du général offensif, presque aussi rapides que ceux de la cheffe de la Divine, semblèrent un instant se ralentir, arrivant presque au point mort, durant l’analyse de la Dokien.



Quinze archers, avec leur propre général et une défense sérieuse. Les ennemis étaient-ils animés par l’eau, ou alors par les étranges totems, en tout point identique à ceux qu’ils avaient aperçu, au début de l’aventure ? Pour l’instant, peu importait les unités à distance. Les salves de projectiles faisaient bien pâle figure, surtout au vu de la Divine composition, face à l’assaut frontal qui risquait de les mettre en péril. Dix hoplites articulés, qui s’avançaient avec une formation solide, impeccable. En prime, ils étaient accompagnés d’un géant d’ébène, menant lui-même l’assaut. Une défense quasi-parfaite d’un côté, et un assaut parfaitement calibré, de l’autre…Accentuant un peu son expression, elle tourna le regard vers Ikki et Siam. Que se passerait-il, s’ils transformaient les deux stratégies complémentaires, en les retournant l’une contre l’autre ? Le calcul était terminé et, prestement, elle leur fit un clin d’œil. N’importe qui d’autre aurait pu simplement croire qu’il s’agissait d’un battement de paupières, mais, pour la famille qu’ils représentaient, le doute n’était pas permis. Kirie avait un plan, cela ne faisait aucun doute.

 


Le général était presque sur eux, prêt à abattre son arme monumentale. Imposant, terrifiant, invincible. Pour d’autres, peut-être. Plutôt que de tenter d’esquiver, de dévier ou de contrer, la bête de foudre préféra user de toutes ses forces, pour bondir directement vers l’adversaire gargantuesque, en dégainant son Meito. Profitant du mouvement ample de l’immense créature, elle lui passa entre les jambes. Sa lame, gantée de fluide sombre, s’insinua dans la jointure entre le tibia et la cuisse, dans le but de découper et fragiliser le plus possible l’intérieur des genoux garantis 100% bio. Jetée en avant, elle passa dans le dos de la créature artificielle, comptant sur la vitesse qu’offrait le Nikyu pour que ses camarades puissent la rejoindre, rapidement, sans risquer d’essuyer l’attaque terrifiante du géant. La Capitaine avait tenté de frapper la première, pour déstabiliser l’opposition et accentuer l’ouverture pour ses compagnons. Ils étaient indispensables, pour la suite.

Hors d’atteinte, Kirie apposa la paume de sa main sur le plat de son nodachi. La foudre commença à se détacher de la peau de la logia, pour venir lécher le métal, dansant tout autour. Enveloppant l’arme dans son entièreté, l’élément rageur commençait à prendre la forme d’un cocon lumineux, qui sifflait dans un grincement strident.  

 

Grâce à leur position, le petit groupe avait placé le général offensif, bien entre la Divine et le groupe en formation tortue. Avec les efforts combinés de Siam et du médecin, avec son terrible Nikyu, ils pourraient recycler la statue titanesque en projectile exotique, dans le but de le fragiliser, ainsi que d’enquiller les soldats, qui seraient bientôt sur eux, autrement. De son côté, elle prévoyait déjà la suite des événements : Que l’action de ses nakamas aboutisse ou non, elle était en train de travailler l’orage, de forger une nouvelle arme crépitante, enveloppant peu à peu son sabre de prestige, en suspension au-dessus de sa paume. L’élément se compacta, s’étira, dans un sifflement assourdissant. La foudre finit enfin de prendre forme, dévoilant l’une des pièces maîtresses de la colérique rouquine. A mesure que les contours s’affinaient, révélant un tranchant brulant, où dansait toute une fureur électrique, une laque sombre venait recouvrir l’ensemble de l’immense objet, qui s’approchait de plus en plus de la dizaine de mètres. Dans son cœur, l’engouement se muait peu à peu en colère. Dans son sang brûlaient des mots, des ordres. Saccager. Détruire. Éradiquer.


D’une torsion du buste et des épaules, elle se plia vers l’avant, avec une puissante impulsion, pour tirer son projectile avec toute la force qui faisait sa renommée. Entre elle et la terrible lance subsistait un fin filet foudroyant, pour permettre à la pirate de ramener son arme après avoir fait mouche, ou pas, ainsi que de maintenir l’intégralité de son Haki interne. Le but, avec une confiance aveugle en ses comparses, était non seulement de faire un énorme et retentissant « strike » pour briser la formation des attaquants, privilège qu’elle leur avait laissé, avant d’accentuer la propulsion avec son harpon démesuré.

Ainsi, ils devraient occasionner de sérieux dommage, à toute l’assemblée offensive. De plus, si elle appuyait suffisamment son attaque, elle espérait bien clouer le général contre la barrière tenace, érigée par son collègue. Effet de surprise, manœuvres inattendues, mêler attaque et défense. L’équipage était bien huilé, parfaitement agencé et ils se connaissaient mieux que quiconque. Face à cette organisation, à cette osmose, qui leur permettait de bouger, comme un seul homme, aucun obstacle n’était suffisamment étoffé, aucun ennemi hors de leur portée. Ce n’était pas le moment de se démonter, car il y en avait, du pantin à démanteler. Au bout milieu de ce piège à rats, Kirie jubilait, en extase. Finalement, les ruines, ce n’était peut-être pas si mal que ça, avec ce genre de comité d’accueil.


 

L’angoisse lui pétrit l’estomac, l’espace d’un instant le doute la fait vaciller. Et si ça s’arrêtait ici ? Et si elle n’avait pas été assez rapide ? Et si… La baffe que se met Siam trouble le silence. Il n’y a pas d’incertitude possible. La réponse est là, devant eux, et les cliquetis, discret derrière le bruit de l’eau, le lui confirme. Portée par la joie d’être en vie, la jeune femme expire bruyamment son soulagement. C’est ce moment précis que choisie une Kirie remplit d’allégresse pour la saisir à bras le corps. Transportée par la victoire, la tête brune de l’archéologue s’échoue, bon gré malgré, dans la généreuse anatomie de sa capitaine. Un incident, somme toute, secondaire, si elle ne manquait pas présentement d’air. Sa main remue dans une désespérée tentative de secours avant qu’elle ne soit finalement extraite comme par magie … pour être secouée dans tous les sens à nouveau. Emportée par l’élan de la rousse, forte de son mètre soixante-dix, Siam prie pour qu’Ikki ne se mange pas une sandale perdue.

Surprise, la petite Greed se laisse finalement prendre au jeu et sourit. Ils l’avaient échappé belle cette fois, elle ne pouvait pas le nier. Quand ils sortiraient enfin de ce guêpier, la fête sur le Whaling aurait des allures dantesques avant de se muer en une immense torpeur collective. Ils l’auraient tous amplement mérité. De nouveau sur ses deux jambes, la jeune femme tape sa sandale droite sur le sol pour la remettre en place en observant la pièce suivante. Il était là, offert à sa vue comme un trésor. Le ponéglyphe d’Octogonia. Bonté divine. Si seulement la sœur de Kirie voyait ça, si seulement… La jubilation monte le long de sa colonne comme un hurlement de fangirl puis redescend aussitôt lorsque les regards tombent sur l’armée.
Siam sentait un mélange étrange s’échapper de la pièce, mêlant l’appel de la connaissance qui lui était si familier et la terreur. Une terreur indicible qui avait traversé les âges enfermées dans cette pièce hermétique, à l’abri des nouvelles de victoire et de défaite. Encore une fois, les questions harcèlent la jeune femme avec une puissance renouvelée. Pourquoi ? Qu’est-qu’Octogonia devait protéger à tout prix ? Qu’est-ce que les Anciens eux-mêmes pouvaient craindre à ce point ? Si Kirie se réjouit, l’archéologue se met inconsciemment à trembler. Ils ne sont pas ici pour décorer. Elle avise de leur équipement, ignoré par les affres du temps, et se retrouve stupéfaite de leur simplicité. Si ce n’est pas l’arme qui est spéciale, est-ce que les pantins le sont ?

La brune fait un pas, puis un autre, désespérément à la recherche d’information pour ce qu’elle devine comme l’ultime bataille. Un ultime test qui ne peut être éviter, cette fois-ci. Si leur parcourt dans les grottes avaient été semé d’embuche, il semblerait que toute les réponses aux Anciens n’ait pas été correctement formulée. C’était ainsi que la jeune femme voyait la réalisation, soudaine, de Kirie devant les deux statues situées en arrière de l’armée. Une armée de monstre étrange, dont les seules têtes humanoïdes strictes portaient leur spécificité en armure. Un nouveau pas, dont le ploc résonne aux oreilles d’une Kirie dont le visage trahissait le dégoût. Pas un instant, l’eau ne les quitterait, même si cette fois-ci le filet était délicat, presque négligeable. Du moins c’est ce que pensa Siam jusqu’à ce que la troupe des enfers devant eux prenne brutalement vie.

Le hurlement fit trembler les parois, levant des frissons d’anticipation sur la peau de chacun des maudits présents. Les cailloux tombent autour d’eux, terrifié par la protection d’outre-tombe que craignait l’archéologue. Et, alors que l’écho mortuaire continuait de tourner dans les galeries, la troupe s’élance comme un seul homme, animée par une soif de sang sans âge. Cette scène, théâtrale, impressionnante, tire la capitaine des Divine Wrath de sa torpeur. Sans un bruit, Siam s’efface devant la folie combative qui prend le dessus. Pieds et poings liés, elle ne peut qu’observer les mouvements, guetter les ouvertures, consciente que le moindre relâchement de sa part pourrait les tuer tous. Lentement, le mord de granit marin retrouve sa place entre ses lèvres, plus par sureté que par nécessité, alors qu’elle compte les assaillants. Elle isole la gauche, de peur d’être criblée de flèche pour se concentrer sur les lances et les boucliers. Les deux bras de Siam se veinent de noir, comme si les ténèbres environnant se saisissait d’elle pour l’engloutir, alors que la voix de Kirie claque plus comme un ordre que comme une invitation. Suivez-moi, faisait-elle alors que, déjà, elle se trouvait hors de portée. La Divine Greed coule un regard perplexe à Ikki, resté à ses côtés. A eux deux, rattraper un éclair. Une tâche bien risible. Laissant le soin de la logistique à Monsieur Patounes, la brune se met en place pour protéger son camarade. Bientôt, ses jambes aussi se recouvrent d’une sombre promesse de solidité.

Concentrée sur la formation tortue, Siam en oublie momentanément le reste, confiant sa survie à ses deux coéquipiers et, si le hasard le voulait, le petit dernier de la bande perdu on ne sait où. Le plus important, jusqu’à présent, pour ce que la pauvre archéologue pouvait encore contrôler, c’était la contre-attaque de leur contre-attaque. Il lui fallait des boucliers pour les archers, plus tard, mais il fallait surtout protéger Ikki des pointes effilées, le temps qu’il prépare ses prochaines attaques. Prenant une grande inspiration, la jeune femme achève sa préparation et plante ses appuis dans le sol, tout près. Ses tonfas trouvent le chemin de ses mains et son regard ne quitte plus les ennemis. Quoi qui passe dans son champ, elle se prépare à le briser et, si l’occasion est assez belle, elle viserait les têtes difformes qui devaient sans doute contenir les mécanismes principaux de cette mauvaise représentation de marionnette. 

Enchaîné. Plus vite. Beaucoup plus vite. Ikki était concentré sur une seule chose, faire bouger son corps le plus rapidement possible. Ses bras finirent par bouger machinalement,  les épreuves intellectuelles, les ponéglyphes. Il laissait ça à Siam, couplé à l'ingéniosité dont Kirie était naturellement doté, il n'y avait pas trop de soucis à se faire. Ikki avait qu'une seule chose en tête, il ne pouvait que ralentir progressivement l'arrivée de l'eau. Faire en sorte qu'elle soit ralentie, il ne fallait pas que ses compagnons soient affaiblies. Sinon, c'était Game Over.  


Repousser à s'en briser les mains, il n'y avait que ça. Encore, encore et encore. Jusqu'à ce qu'il entende Siam. Était-ce la délivrance ? Avait-elle trouvée la réponse, où les multiples tentatives de Kirie avaient fini par se solder par une réussite ? Peu importait. Du moment que la réponse avait été trouvé. Nature. Apparemment.

Mais rien ne semblait se passer. Le visage d'Ikki fut déformé par la crainte, jusqu'où devrait-il encore creuser pour permettre à ses coéquipiers de s'élever ? Peu importait également. Il se devait de continuer. Alors qu'il s'apprêtait à agir, les portes s'ouvrirent. Un sourire, une joie incontestable et une grande fierté.

En avançant, les Wrath purent apercevoir ce qu'ils avaient toujours voulu trouver. Le Graal. L'objet de leurs convoitises. Le Ponéglyphe.



Mais en observant les alentours, Ikki remarqua qu'ils n'étaient pas seul. Des gardiens ? Des statues similaires à celles qu'ils avaient pu trouver dans l'autre grotte… L'eau les suivait, une nouvelle fois. Incroyable. Ikki n'avait jamais été autant en contact avec autant d'eau depuis qu'il était maudit ~hors les moments où il se douchait~.





Un hurlement. Il ne laissa nullement le temps de réfléchir. Les Golems venaient de passer à l'action. Le plus grand, armé d'un sabre, dégaina, et leur sauta dessus. Que faire ? Faire confiance à Kirie, toujours. Elle ne les avait jamais déçu. Attrapant Siam du bout des doigts, saisissant son Kimono, il se propulse à l'aide de son autre main. Vite. Esquive. Contre attaque. Passer entre les jambes de la créature. Rattraper un éclair.


Se retrouvant aux côtés de la capitaine, le duo Ikki-Siam devait se coordonner. Il n'était peut-être pas aussi rapide que Kirie. Ne pouvait pas causer autant que Siam. Mais il avait la polyvalence. Et si pour certaines personnes exécrables, il n'était que le maillon faible de l'équipage, aujourd'hui il allait leur prouver le contraire.

Ses bras se couvrirent d'un noir de jais. 武装色の覇気 - Busō-shoku no Haki. Renforcer une attaque. Utiliser son plein potentiel dès le début. Lui qui n'avait fait qu'analyser des os depuis le début. Il allait repousser cette créature, le plus loin possible, sur ses troupes, ses lanciers. Encore plus si possible. Son congénère.

Donnant de l'impulsion à son bras, Ikki s'apprêtait à frapper. La lance fulgurante de Kirie. Les tonfas de Siam. Ses paumes. Il fallait juste espérer qu'ensemble, ils avaient assez de puissance pour causer des gros dégâts.

Les bruits de chair lacérée étaient couverts par les ploc gras et boueux de ces blocs de mêlasse qui pleuvaient sur moi. Difficile d'établir l'étendue des dégâts pour l'instant. J'avais toutefois pu capter la sensation de mes lames trancher dans quelque chose de vivant, contrairement à ma première tentative, ce qui était plutôt bon signe. La vrille finale lors de mon atterrissage avait repoussé le mucus présent autour de moi, mais celui-ci, bien que visqueux, était suffisamment liquide pour couler à mes pieds à nouveau et commençait déjà à remonter au niveau de mes genoux. Je me focalisai sur mon ennemi. Emporté par son élan, la bête aux huit pattes laissa échapper quelques gémissements de douleur, avant de s'affaler un peu plus loin. Je ressentis alors clairement sa présence. Bien que cela attira mon attention, j'en déduisis qu'elle devait être hors d'état de nuire. Après tout, un tel prédateur ne se laisserait pas percevoir aussi facilement...

Alors ça y est ? Le danger était écarté ? J'avais encore un peu de mal à le croire. Sur mes gardes, j'appréhendai le moindre signe de vie pouvant m'alerter sur ce qu'il se passait. Pourtant, alors que tous les morceaux de gélatine aqueuse avaient fini de choir pour s'agglomérer ça et là, le silence régnait. Rien ne semblait se présager. Jusqu'à ce que...


Une image cauchemardesque. Une vision d'horreur. J'en tombais presque à la renverse, reculant d'un pas pour me rattraper. Il fallait le voir : lumineusement, les parties infiniment intimes d'une créature millénaire se déployaient devant moi. J'étais, littéralement, face au trou du cul étincelant d'un monstre antique. C'était donc ça, l'archéologie ?

J'espérais bien que non. Me grattant l'arrière du crâne, j'arquais un sourcil, en pleine réflexion. La lumière qu'apportaient les oeufs phosphorescents par milliers m'éblouissait presque. Je pouvais enfin distinguer autour de moi les parois rocheuses de la cavité dans laquelle je me trouvais, ainsi qu'identifier mon prédateur. Et à en juger d'où provenaient ces innombrables petites sphères luminescentes, ces paquets gluants devaient être ni plus ni moins que sa progéniture.

Un soupir m'échappa. Je rengainai mon meitō sur le dos nonchalamment, avant de faire volte-face, prêt à repartir. Mais alors que j'étais seulement de profil, je me stoppai dans mon retournement, une idée me venant soudainement à l'esprit : et si les bébés nous causaient problème sur le retour ? A vrai dire, ils étaient sûrement moins dangereux que leur génitrice, toutefois, leur nombre n'était pas à négliger... Et qui sait quels dangers mes nakamas pouvaient bien être en train de braver de leur côté ! Alors, n'ayant pas encore rangé mon wakizashi, j'armais le bras gauche face à mon visage. Ces créatures étaient si jeunes, elles ne méritaient certainement pas le sort que je leur réservais. Mais il en serait ainsi...


D'un revers du bras, j'envoyai une lame d'air tournoyante en forme de spirale, une véritable foreuse, visant droit dans le trou béant de l'arachnoïde, autour duquel étaient agglutinés les oeufs par paquets. La progéniture et ce qu'il restait de leur mère fut emporté dans un bruit flasque et peu ravissant, faisant retomber d'un cran la luminosité du lieu. Seuls quelques ovotides errants, ayant été projetés assez loin à leur sortie pour ne pas être pris dans l'attaque, persistaient à scintiller. Je plantai l'un d'entre eux en prenant le soin de ne pas blesser l'embryon qui sommeillait en son sein, de sorte à avoir la boule lumineuse au bout du wakizashi. De la sorte, ça allait me servir, ni plus ni moins, de torche.


Empressé, je bravai alors le couloir caverneux en sens inverse cette fois-ci, partant en direction du reste du groupe. J'avais beau avoir un piètre sens de l'orientation, j'étais, cette fois-ci, bien aidé par le terrain, puisqu'il n'y avait qu'une seule et unique voie à suivre. Tenez bon les amis, tonton Nattō arrive, pensais-je.

Les Anciens avaient préparé ce tombeau, avec attention. Cela avait dû leur prendre une préparation, une mise en place, un travail et un temps monstrueux. Dans quel but ? Pourquoi ne pas simplement tout détruire, tout emporter avec eux, si ils voulaient que personne ne puisse accéder à leurs connaissances ? Non, non. Malgré ce qu'ils pouvaient essayer de faire croire au tout-venant, ce qui se trouvait, dans les sous-sols d'Octogonia, avait une utilité. C'était nécessaire. A quoi ? Aucune idée, ça dépassait totalement le domaine de connaissances de la tempétueuse pirate. Mais sinon, pourquoi s'embêter à dresser autant d'embûches, en sachant qu'elles étaient surmontables ? On voulait s'assurer de leur valeur, avant de leur remettre des informations capitales entre les mains, tout simplement. Il y avait bien des gens, capables de se faufiler au travers de ces ruines. Des individus, bien plus forts que ne l'était la Divine, au moins pour le moment.

Mais c'était eux, qui avaient foulé ce sol. C'était eux, que le destin avait mené sur ce chemin, sans doute resté scellé depuis qu'il avait été façonné, avant qu'ils n'en pénètre les murs. La dernière épreuve se dressait désormais face à eux. Implacable, soigneusement préparée, une armée d'automates menaçants. Il en faudrait bien plus, pour se mettre en travers de leur route. Ensemble, ils avaient conquis bien des dangers, même si celui qui s'étendait sous leurs yeux ressemblait, à s'y méprendre, au passage d'un nouveau cap. Le niveau demandé était élevé, pour leur tenir tête, mais de temps à autre, il arrivait des situations, terribles, inattendues, qui venaient les tester. La Divine Comedy avait échoué, lorsque l'occasion s'était présentée, et en avait payé les conséquences. Renforcée par cette expérience, c'était une erreur à laquelle on ne reprendrait pas la Divine Wrath, qui n'était plus là pour rire.

Le premier assaut arriva, et l'équipage se coordonna avec brio, pour l'arrêter et le retourner contre son instigateur. Elle avait fragilisé le géant de bois, avant qu'ils n'exécutent un combo dans les règles de l'art, pour maximiser les dégâts et le propulser, directement vers ses troupes, dans le but de les exterminer. La manœuvre sembla fonctionner, jusqu'à ce qu'un accroc ne vienne impacter leur performance. Une spécificité, à laquelle ils ne s'étaient pas attendus. En dépit de sa composition, ainsi que de sa taille colossale, le géant possédait une agilité, ainsi que des réflexes, tout deux impressionnants.

Son projectile lui était déjà revenu, la lance qu'elle avait formée se désagrégeant, en réintégrant son bras droit, reprenant une forme plus définie, mais toujours démesurée, tenant le Nodachi bien en main. D'une habile pirouette, le générale esquiva les lanciers, avant de se retrouver, dans une réception parfaite, sur le plat de la hache de son homologue. Ainsi, celui-ci fut obligé d'arrêter son mouvement. Ce premier échec n'en était pas vraiment un, car une ouverture venait de se faire, dans cette seconde qui précéda la contre-attaque des pantins. Au milieu des ténèbres partielles, les crocs de la bête de foudre étincelèrent, dans un rictus carnassier. Gonflant encore davantage son bras éthéré, pour s'assurer une meilleure maniabilité de Kireru, Kirie dégaina son wakizashi, à l'aide de sa seconde main. Sa prise, gantée de noire, fit remonter sa laque sombre sur le manche des armes, avant d'en recouvrir l'acier, jusqu'à la pointe. Un léger rire s'extirpa en grinçant de la mâchoire de la créature orageuse, suivie d'une voix gutturale, accentuant davantage la férocité de ses traits.



Les fantassins étaient déjà au contact, parfait. Pas besoin de se concerter cette fois-ci, l'équipe avait eu leur premier contact, pour jauger l'opposition et, pour ce qui arrivait, elle n'aurait pas besoin de ses directives. En un battement de paupière, Kirie disparut. Une masse abstraite de foudre, fondit en avant, réduisant en charpie tous les soldats sur son passage. A toute vitesse, une nuée d'étincelles, à l'allure vaguement humaine, s'élançait en avant. En un flash, ponctué de jaune vif, de rouge pétant et aux bords sombres, qui se mêlaient à la pénombre, l'animale traversa la pièce en une spirale vers l'avant. Cependant, le tracé n'était pas arrondi, mais droit, précis, gagnant en vitesse à chaque nouvel angle. Sa trajectoire sembla se dessiner entre deux respirations, pour les spectateurs, alors que l'énorme statue bondissait vers eux. Même en faisant attention à l'amplitude de son mouvement, pour ne pas toucher la caverne, fragile, qui les abritait, elle n'eut aucun mal à user de son Intuition, à fleur de peau, pour contourner le général transformé en projectile.


Les lames du logia dansèrent sur le bois, en gratifiant la surface de la signature des sabres, sans pour autant que la borgne ne s'arrête dans son élan. L'imposante créature n'était pas sa proie, mais celle des autres Wrath. La sienne se trouvait plus avant, maintenant que sa protection était tombée. Comme une bombe, Kirie réapparut, accroupie et les genoux fléchies, glissant ses deux armes dans leurs fourreaux respectifs. Juste en face de la niche, qui abritait les deux statuettes, elle les foudroya du regard, emplie de toute la rage que sa drogue favorite, le combat, instillait en elle.



A la seconde où ses fourreaux s'emplirent totalement, les résultats de son attaque se firent remarquer, ainsi qu'un brouhaha assourdissant, qu'elle avait provoqué. Outre les estafilades sur le géant offensif, elle avait réduit en charpie tous les archers, ainsi que leurs projectiles, qui avaient eu le malheur de se heurter à son passage. Sous la violence du tranchant, chauffé à blanc par le courant continu qui passait dedans, la couche liquide qu'ils avaient au niveau des pieds avait été scindée en plusieurs tronçons, restant une seconde immobile, comme après le passage d'un prophète.

Elle ne se battait pas pour elle-même, aujourd'hui. Depuis qu'elle avait rencontré ses camarades, avec qui elle avait tissé des liens, plus solides que le Bois d'Adam, la belliqueuse rouquine le faisait de moins en moins. C'était sans doute ça, qui lui permettait de dépasser ses limites, régulièrement. D'aller toujours plus loin, de s'envoler toujours plus haut, de frapper toujours plus fort. Si elle était terrifiante, ce n'était pas en raison de Kireru, de son tempérament combatif, ni même de son fruit. Ce qui faisait d'elle une menace intransigeante, écrasante, n'était rien d'autre que les extrêmes qu'elle atteignait, quand elle devait défendre les siens.

Sans dire un mot, elle ressortit ses bijoux acérés, qu'elle n'avait pas lâché une seule seconde. Elle leur avait juste octroyé une courte sieste, avant de dévorer leurs nouvelles cibles : Les deux statuettes mystiques, qui s'étaient retrouvées dans la dernière salle du donjon, comme par magie. Cela ne pouvait être une coïncidence. Kirie comptait bien en avoir le cœur net, en les réduisant en charpie. Les lames entrèrent dans une valse effrénée,  comme des tentacules grésillantes, dans tous les sens, réservant aux idoles le même sort qu'aux piques, deux salles auparavant. Elle était consciente de la résistance du matériau et ne lésinait pas sur sa découpe. Même si elle devait en perdre son autre bras, même si le sang qui s'écoulait de ses paumes souillait les murs, lui tâchant son magnifique revêtement d'obsidienne, avant d'aller se diluer dans l'eau.

La douleur qui se propageait dans ses mains n'était rien, étouffée par la fureur qui l'habitait, après qu'on ait tenté, à plusieurs reprises, de s'en prendre à sa famille. Son office terminée, elle tourna la tête sur le côté, vers le gigantesque protecteur, qui n'avait, elle l'espérait, pas eu le temps de suivre sa passe éclair. Au pire, sa hache serait un allié de choix, pour éclater les effigies. Malgré tout, il lui restait quelque chose à faire. Ses traits s'effacèrent une nouvelle fois, dans un bond vertigineux, aidé par son fruit. Les sabres tendus en avant, elle modela son élément autour d'eux, imprimant à son corps un mouvement de rotation, devant un foret tournoyant à toute vitesse, infusé de toute la puissance de son Haki.



Véritable boulet de canon perforant, elle pénétra le bois violemment, le creusant vers le bas, de l'intérieur, sans s'arrêter. Pénétrer par l'orbite. Ricocher, vers le bas. Détruire, calciner, tout trancher, sur son passage. Aller plus vite que sa capacité de régénération, pour ne lui laisser aucune chance de s'en relever. La furie mettait en application toute la théorie qu'elle avait développée, au cours de ses entraînements intenses et que le stress avait peaufiné, lors des épreuves précédentes. A l'intérieur du golem, la colère des éléments éclatait, impétueuse. Une perceuse, qui métamorphosée en une tempête de lame, qui creusait le bois comme un ébéniste démoniaque. Son corps, en partie instable, crachait des rayons électriques, qui rongeait la matière dorée.

En cet instant, il n'y avait plus de Kirie. Plus rien, hormis une sauvagerie destructrice, qui n'accepterait aucun obstacle. Qui n'accorderait aucune pitié. C'était la rage d'une mère, colérique qu'on s'en prenne à la prunelle de ses yeux. Cette puissance animale, qui résonnait avec la hargne d'une araignée défunte, non loin, déchirait sans état d'âme ce qui l'avait déchaînée. Résonnant dans la cavité, brutalement creusée, l'orage gronda, sèchement, comme un cri de guerre, à l'attention de l'armée Divine, forte de quatre éléments, dont un qui se faisait cruellement désirer.


 

Lors que les premières lances se brisent sur sa défense, Siam comprend qu’une partie de la manœuvre a échoué. Elle aurait aimé prendre le temps d’y repenser, de retravailler cette stratégie à nouveau pour qu’elle fasse mouche, mais la situation ne l’entendait pas de cette oreille. Une première rangée de pointe s’envole, séparée de leur manche et Siam continue de danser pour échapper aux hoplites. Un. Deux. Trois. Elle prend appui sur un bouclier, puis un autre, profitant des changements de poids qu’elle génère pour faire basculer les premières lignes avant que de nouvelles lances ne s’abaissent. Ils n’étaient qu’une dizaine, un challenge à ta portée, à condition de réussir à compartimenter les forces. Une condition bien enquiquinante, de ton propre avis. Si seulement vous n’étiez pas en sous-sol, pensa-t-elle en renouvelant un énième assaut sur la tortue. Si seulement elle avait pu laisser libre court à toute la rage des tremblements qui ronronnait entre ses doigts. Si seulement…

Une lance frôle son visage, suivit d’un coup de bouclier qui repousse la jeune femme en arrière. Cette dernière grogne, contrarié et secoue la tête pendant que le plus jeune de la Divine prend le relais. De toute évidence, ils ne gagneront pas comme ça. Il fallait une autre approche, il fallait reprendre la réflexion. Siam se remet en garde, mais ses yeux ne sont plus à la bataille. Elle brise à nouveau les lances qui se rapprochent par des mouvements plus machinales que réellement combattant, tandis que les bourrasques que génèrent l’utilisation du Nikyu repousse encore et encore les spadassins qui les menaces. Le hurlement, électrique, fait écho à la colère de la capitaine qui fuse comme un boulet de canon entre eux. Un nouveau gain de temps que Siam offrit à ses pensées. Les pantins n’étaient pas invincibles, elle en avait la preuve avec le reste encore fumant et bioluminescent de la jambe du général. Mais étaient-ils vraiment là pour éliminer les intrus comme elle l’avait cru ? La conformation défensive des spadassins la faisait douter. La conformation entière de l’armée, la faisait douter. Distance protégée, Corps à Corps avec rouleau compresseur de soutien. Une combinaison parfaite en tout point, sur le papier. Mais pas pour l’offensive. Plus l’archéologue tourne et retourne le schéma, plus elle se met à penser que la victoire ici, n’est pas frontale mais temporelle. Les mannequins gagnent du temps, protège les deux statues et le monolithe final. Alors qu’elle brise encore une lance, un déclic se produit dans l’esprit de Siam. La réponse est là, il faut qu’elle en ait le cœur net.

Enfonçant son pied à terre, la jeune femme catalyse son Haki et l’étend, encore et toujours. Bientôt, la peau blanche et frêle disparait entièrement sous la laque noire, ne laissant plus qu’à mettre en branle le plan de la personne qu’il protège. Quittant sa position avancée, la brune recule de quelques pas vers son coéquipier. Ses yeux accrochent les arcs électriques de Kirie et Siam comprend qu’elles ont eu la même idée. Un constat qui la fait sourire, alors qu’elle pose une main sur l’épaule du plus jeune espoir de la Divine.



Le maigre repos qu’on leur a offert touche à son terme, et déjà le général offensif réplique. La position acrobatique, humainement difficile voire impossible, lui donne l’angle nécessaire pour couper au ras du sol. La prouesse fait serrer des dents à la jeune femme. Ces fichus pantins ne lâcheraient jamais l’affaire. Elle commença à douter que quoi que ce soit d’autre que les statues ou la stèle cubique ne les arrête. S’ils ne regardaient pas aux conséquences, ça signifiait que des jambes en moins étaient une perte négligeable. Pourtant, les généraux ne possédaient pas de régénération, alors pourquoi en donner aux troupes ? Quel que soit l’explication de ce coup exécuté dans la hâte, Siam n’avait pas le temps d’élucider autant de mystère. Saisissant Ikki alors qu’il abaisse les pattes vers le sol, elle lui donne un ultime conseil.



La première propulsion les fait passer par-dessus l’air sombre et déformé comme s’ils jouaient à saute-mouton. Ils survolent la masse des spadassins fauché par son passage, encore en pleine chute, et Siam se faufile devant Ikki. Concentré comme il l’est sur le vol, elle pouvait bien lui ménager la peine du placement. Ses bras attrapent le cou du jeune homme, et elle lui fait un ultime clin d’œil en posant ses pieds sombres au creux de ses mains.



Siam relâche sa prise et se recroqueville, prête à devenir la fusée humaine la plus féminine du monde. Peut-être même pourrait-elle faire un petit coucou à la capitaine en passant ? Elle chasse l’idée aussitôt. Ce n’était pas le moment de faire la maligne. Elle avait du pain sur la planche, et un atterrissage lamentable à rendre digne.

Survivre. Ce mot ne cessait de résonner dans la tête du Bakeneko. Il ne réfléchissait plus. Il agissait à l'instinct, plongé dans l'euphorie du combat, il ne semblait vouloir qu'une chose. Vaincre les obstacles qui se mettaient face à lui. Kirie déteignait réellement sur lui, à force de la côtoyer, de voir son ivresse meurtrière lorsqu'elle se battait. Tout ça semblait influencer l'héritier de l'empereur conquérant, et cela semblait se voir.

Un rictus était formé sur son visage.

Mais il ne fallait pas croire que tout était terminée pour autant, ce golem, cette chose… Malgré le fait d'avoir été repoussé, elle avait su tirer parti de l'offensive des Wrath. Impressionnant, réellement impressionnant. Comment étaient-ils programmés ? Il devait le découvrir, les anciens et leurs technologies ne cessaient de l'impressionner. Depuis le début, ils n'avaient cessé de leur mettre des bâtons dans les roues, de façon ingénieuse certes, mains incroyablement chiant. Heureusement, les liens qui les unissaient semblait plus fort que ça. Beaucoup plus résistant.

Plongé dans ses pensées, la voix de Siam le ramena à la réalité. Brutalement. Un mal pour un bien. Elle avait une idée en tête et cela semblait être parfaitement dans ses cordes.


Repousser. À pleine puissance. Aucune demi-mesure. Le plus loin. Le plus fort. Sans tuer. Un être humain. Lorsque les paumes d'Ikki partirent au contact de Siam, celle-ci du avoir l'impression de décoller. De se téléporter, atteindre la vitesse de sa capitaine, Kirie. L'extase pendant un instant. Avant de se retrouver face à la dure réalité. Face à ce Ponéglyphe et face à ces adversaires.



Il arrivait. Le Golem. Ce même qui avait lancé les hostilités. Ikki allait lui rendre la monnaie de sa pièce. Usant de son intuition, qu'il avait assimilé si rapidement, son ascendance Shandia devait forcément y être pour quelque chose. Ikki perçut. Il savait quoi faire. La bête attaquait. L'enfant sauvage repliquait.

De ses paumes, il s'éleva à la vitesse à laquelle il avait projeté Siam. Personne ne pouvait cracher sur sa mobilité. Esquivant la tranche horizontale. Il contourna son adversaire avant même qu'il puisse comprendre. Trop occupé à détruire ses propres troupes.

Maintenant qu'il avait la possibilité de se défouler. Il ne cracherait pas dessus. Ses poings s'enduirent une nouvelle fois de ce noir de jais. Il était prêt.


Donner chaque coup de poing avec l'intention de détruire. Finir sur un coup de paume. Me repousser vers l'entrée. Recommencer, autant de fois que nécessaire.

Jusqu'à ce que ses camarades en aient terminés avec leur propre travail.

Désormais débarrassé du danger qui rôdait ainsi que des ténèbres qui envahissaient les lieux, me voilà reparti en sens inverse. Je ne pouvais m'empêcher de pester : après tout, j'étais certain qu'il fallait que l'on prenne tous le même chemin, mais laissant le bénéfice du doute à ma capitaine, j'avais décidé de faire un aller-retour rapidos dans cette direction afin d'être sûr de ne passer à côté de rien. J'en avais maintenant le coeur net. Il ne me restait plus qu'à les rejoindre... En espérant n'avoir rien loupé ! J'arrivais enfin au niveau de l'intersection à laquelle j'avais quitté mon groupe. D'un bond, je remontai sur la plateforme télescopique avant de me jeter de l'autre côté, quittant mon gouffre antique naturel afin de pénétrer la zone construite par la civilisation des Anciens.



Tout à coup, retentit un hurlement, puissant, rauque, se propageant comme une puissante onde de choc à travers ce long couloir de bois d'or. Son amplitude m'en décoiffa presque la tignasse. Il fallait faire vite. Les bâtards ! Ils sont en train de s'amuser sans moi ! Je ne devais pas perdre une seule seconde. Pourvu qu'il en reste quand j'arrive...!




Le visage déformé par la hargne, je cavalai avec toutes mes tripes. Et s'il leur arrivait malheur ? Impossible. J'avais une foi ultime en cette bête de foudre pour qui j'avais décidé de me battre. Néanmoins, il n'était pas impossible qu'elle m'ait envoyé de l'autre côté expressément pour garder le grabuge à elle toute seule...

Je traversai une première salle hérissées de lances acérées, au travers desquelles un passage avait été forcé. Une seconde salle, inondée tel un pataugeoire, débordant sur une immense pièce située de l'autre côté du palier qui orne le fond de la salle. Sans me soucier de la flotte, je maintenais mon rythme effréné, voyant finalement ce que j'espérais tant apercevoir. Mon groupe ? Non... DES MÉCHANTS !
Je déboulai dans le grand hall final en traversant le porche d'un puissant bond, mon wakizashi en main gauche, toujours avec l'oeuf d'araignée en bout de lame. En l'air, je dégainai soudainement mon meitô, porté sur le dos, pour trancher verticalement face à moi de toute mes forces, atterrissant brutalement en mettant tout mon poids sur la lame. En résultat une gigantesque lame d'énergie qui fut projetée en direction du plus gros ennemi que j'avais en vue, à savoir le général armé d'une épée, venant le cueillir pendant son vol dans ma direction forcé par le jeune Shandia.