One Piece Anarchy
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Quitte à vivre en hauteur, c'est mieux que de se pendre [Burlesque]
Burlesque
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Burlesque
L'Auguste Noir
posté le Mer 10 Mar - 10:01

Alfonso Fratellini
Burlesque — 30 ans  — M — Pirates — l'Auguste Noir
métier : Metteur en scène / Baron du crime désorganisé
groupe : Pirates
rêve : - Restaurer la gloire de sa famille
- Prouver à Dally qu'il existe des arts qu'il ne peut comprendre
- Devenir l'homme le plus connu de toutes les mers
rang : l'Auguste Noir
prime (facultative) : Au choix avisé du staff
espèce : Humain
lieu de naissance : Pykasso
première île : Whiskey Peak
armes : Aucune
fruit du démon : Saru Saru no Mi - Modèle Atèle

DESCRIPTION PHYSIQUE — MENTALE
- Taille: 1m62
- Poids: 55 kilos
- Silhouette: Svelte
- Cheveux: Long jusqu'aux épaules et rouges
- Démarche: Assurée / Chaloupée
- Tics: Aime parler en utilisant des termes de cirque, lorsqu'il le peut.
- Rire: "Papa palapalapa papapa…."
- Visage de Burlesque: Noir, surplombé d'un chapeau de lapin blanc. Les yeux contourés en blanc et les lèvres en violet. Un nez rouge sur son propre nez.
- Visage de Alfonso: Des lèvres fines, des oreilles légèrement décollées, un nez un peu relevé et des yeux d'un vert émeraude éclatant.

Le chapiteau était maintenant désert et, depuis un moment, même le dernier des agents d’entretien s’en était allé. Ne restait plus qu’un être au centre de la piste, le regard tourné vers le plafond, les bras ballants contre ses flancs. Le clown noir, vêtu de son plus beau costume d’apparat, semblait triste. De grosses larmes roulaient sur ses joues, ses lèvres s’affaissaient un peu plus à chaque seconde et ses yeux rougissaient de cette effusion humide. Il tremblotait, de la tête aux pieds, se laissant envahir par ses émotions jusqu’à ce que ses genoux l’abandonnent, lui fichant le nez contre le sol, couvrant son maquillage d’un ocre sablonneux. Il reniflait abondamment et faisait toute une scène du malheur qui semblait lui être tombé sur la tête. Contrairement aux apparences, le spectacle s’était déroulé à merveille et Burlesque jubilait de plaisir. Depuis toujours sujet à des crises émotionnelles perturbées, son corps interprétait régulièrement les choses de la mauvaise manière, le menant à crier de rage lorsqu’il était paisible ou à rire à gorge déployé lorsqu’un drame venait le frapper. Depuis ce soir là, il s’était mis à effrayer quiconque ne le connaissait en réagissant presque toujours de la mauvaise manière.

Mais derrière ce déplaisant défaut se tenait un homme droit, fier de ses convictions et décidé à les mener à terme, quelque en soit le prix. Quatre fois par an, il enflammait les foules en mettant fin aux jours de malheureux pour la plupart innocents mais n’en retirait aucun plaisir. Aucun dégoût non plus à vrai dire. Il ne torturait ni ne tuait pour lui-même. Tout cela n’était au final qu’une prestation, qu’une œuvre d’art constamment inachevé et renouvelée et, pour ces raisons, il ne pouvait y investir son ressenti personnel. C’était le ressenti de son public qui le mettait en joie ou l’attristait. C’était le simple fait de se retrouver sous les feux des projecteurs, les bras écartés, croulant sous les applaudissements qui le rendait heureux. Il se nourrissait de gloire, de bravos et de remerciements, quand bien même ceux-ci sortaient de la bouche de pervers et autres criminels. Un mégalomane en recherche de gloire, voilà ce qu’il était réellement.

Mais cette nuit au milieu de son cirque adoré, il se trouvait bien seul. Comme toujours. Mais comme souvent il partirait dans sa loge pour effacer toutes traces de ce clown bien connu désormais, pour ne laisser apparaître que son véritable visage. Il s’échapperait alors de ce costume qui était sa seconde peau et enfilerait une chemise blanche et un simple pantalon à pinces. Une paire de bretelles sobres et un chapeau viendrait finaliser cette tenue agrémentée d’une veste noire. Alors enfin il sortait, allumant une cigarette qui n’existait que pour la forme, avant de jeter l’allumette sur la flaque d’essence à ses pieds, réduisant ainsi en cendres la moindre preuve de son passage en ces lieux. Une simple malle à la main contenant ses affaires, voilà tout ce qu’il gardait.

C’est alors qu’Alfonso Fratellini embrassait la vie nocturne, avec ce visage que personne ne reconnaissait. Enjoué et joueur, il amenait facilement à lui les femmes et les hommes qu’il désirait, se complaisant dans l’alcool, la drogue et le sexe. Il restait des heures dans ces bars où l’insouciance était de mise, où personne ne s’autorisait à penser au lendemain, à discuter, à rire, à plaisanter sur des sujets tabous et à faire de l’œil à ses futures conquêtes. Puis il rentrait à sa chambre d’hôtel ou d’auberge, accompagné le plus souvent et terminait de se soûler, jouissant de bonheur contre le corps nu d’une personne inconnue. Il menait une vie de débauche, mais une vie simple, qui lui correspondait.

Au petit matin, il s’éclipsait silencieusement de la pièce, ses affaires en main, et partait rejoindre ses quelques compagnons de route fidèles, les rares à pouvoir le reconnaitre dans la rue. Il s’admirait une dernière fois dans le miroir, amoureux de son reflet avant de fouler le pavé à nouveau, en direction d’une nouvelle journée de préparatifs, de traques, de commerce, de violences et de mise en scène. Et il reviendrait le soir suivant dans un nouveau bar, dans une nouvelle taverne, dans un nouveau saloon. Une routine qui ne l’ennuyait pas, tant ces quelques heures de gloire tous les quatre mois lui suffisaient. Il aimait être aimé, voilà tout. Là où ses spectacles avaient des allures de cirque des horreurs, la mise en scène de sa vie était répétitive, ennuyante, digne d’une mauvaise pièce de théâtre populaire. S’il faisait tout pour animer celle-ci, se berçant d’illusions et continuant d’être l’être le plus grandiloquent qu’il n’ait lui-même connu, il avançait doucement vers la fin, se contentant de peu et vivant dans une pauvreté d’esprit certaine.

Le jour vivait Burlesque, l’Auguste noir, baron du crime désorganisé et directeur du Cirque du Crépuscule, metteur en scène de l’horreur et combattant avisé. La nuit vivait Alfonso Fratellini, un jeune trentenaire charmeur et plein d’entrain, artiste à ses dires et buveur sans fond, consommateur de drogues et amant de qualité. Ces deux personnes cohabitaient sagement l’une avec l’autre et lui permettait de s’épanouir.

Comme il aimait à le dire autour d’un verre ou après une nouvelle date de sa tournée : « Quitte à vivre en hauteur, c’est mieux que de se pendre. »

HISTOIRE



/!\ AVERTISSEMENT: Cette présentation contient des scènes de violence animale, de torture, de mutilations, de suicide et de meurtre. Elle est donc réservée à un public averti. /!\


1501 – Delarte, Pykasso – Premier Numéro: Innocence.


- Mesdames et messieurs, chers enfants, public adoré et chéri, veuillez-vous lever quelques instants ! On met les mains bien haut au-dessus de la tête et on applaudit bien fort, que dis-je, on rugit, on hurle, on explose ! Accueillons tous ensemble le grand, l’unique, le moustachu,  GIUSEPPEEEEEEEEE FRATELLINIIIIIIIIII !

Trônant au milieu de la piste sablonneuse, tout décoré de son plus beau costume d’apparat carmin  aux boutons dorés bien ajustés le long d’un revers en velours noir, le monsieur Loyal finit son annonce à bout de souffle, les joues rougies et le front parcouru de veines palpitantes. Sous les acclamations vigoureuses de plus de milles âmes réunies sous le chapiteau gigantesque, resplendissant d’émeraude et d’améthyste aux couleurs de la famille Fratellini, le drôle de petit monsieur trapu tourne ses talons élégamment vêtus de chaussures bien trop grandes pour lui et son chapeau haut-de-forme qui le doublait en taille disparaît derrière des draperies. Pendant un court instant, la scène semble rester en suspens, les claquements de paume s’arrêtant petit à petit, les fessiers retrouvant leurs confortables assises, ceux des plus petits allant se reposer sur les genoux de leurs parents.

Alors soudainement les lumières s’éteignent, ne laissant place qu’à un silence émerveillé. Un dernier raclement de siège, le bougonnement d’un quarantenaire énervé par un gamin capricieux, un éternuement et puis plus rien. Une lumière s’allume, unique, projetant son rayon sur l’arche voilée qui habille le fond de la scène, révélant une silhouette massive dans la pénombre. Une première secousse qui soulève la poussière du sol, fait trembler les moins préparés dans leurs sièges, puis une seconde, plus rassurante, plus habituelle. Une troisième secousse démarre enfin la fanfare, sonnant à l’unisson avec le premier coup de grosse caisse. Une jambe gigantesque fait son apparition, flétrie, aussi grise qu’épaisse, dotée d’une rangée d’ongles massifs, blancs et usés. Bientôt c’est un appendice énorme qui traverse l’obscurité, aussi gris et fripé que la jambe qui l’a précédé, aussi impressionnant que reconnaissable. Au son de la musique joyeuse qui vient frapper les tympans des spectateurs, ceux-ci se remettent à hurler pour ce qu’ils attendent depuis le début de cette longue soirée de réjouissances.

L’éléphant magnifique, marqué par la vie et par son âge avancé, passe enfin complètement dans la lumière. Ses deux défenses sont érodées, abimées par de nombreuses années de domestication, mais il porte fièrement les rubans multicolores qui lui passent devant le visage, reliant ses excroissances d’ivoire. Le chapeau ridicule qui lui habille le haut du crâne, sorte de fez violet orné d’un pompon effiloché, reste bien en place, ne semblant vouloir tomber sous aucun prétexte. Parfaitement accordé avec la couverture de coton tressé, posée avec attention sur le dos de l’animal, ce couvre-chef est ce qui rend le pachyderme aussi reconnaissable et autant apprécié par les publics de tous horizons. Portant son cornac au sommet de son échine, il avance lentement jusqu’au centre de la scène, révélant avec attention le visage de celui que tout le monde réclame, de la moustache préférée de ces dames, de l’homme qui chuchote à l’oreille des éléphants.

- Olibrius ! On dit bonjour aux enfants !

Réagissant dans la seconde, avec la fluidité de l’habitude, l’animal rentre dans sa routine, soulevant sa trompe pour l’agiter devant le public, procédant par la même occasion à un tour de piste. La voix chaude, chantante et animée d’un doux accent de son maître ne lui évoque plus aucun sentiment, sinon un profond ennui. Alors il s’exécute, sans broncher, enchaînant les démonstrations avec succès, levant à peine ses yeux fatigués vers le public ou vers celui qui agite encore sa misérable baguette devant son regard. Il sent ses genoux lassés s’affaisser un peu, un instant, un battement de cils. L’impitoyable maître de la scène ne laisse pas passer cette simple erreur dans sa mise en scène et, se pâmant d’un rire gras et prétendument sincère, vient faire claquer son fouet cruel contre la jambe du mastodonte. Le coup le réveille brutalement et fait déclic dans son esprit, pourtant si calme et bienveillant. La créature, soumise depuis tellement d’années, voit le sang se diffuser dans son regard et une vigueur retrouvée traverser ses muscles.

Dans un mouvement de colère brute, instinctive, il agite alors violemment sa trompe usée par les affres du temps et balaye en un instant les supports d’acier servant à son numéro de voltigeur. Ses défenses, ne tenant encore aux coins de sa gueule que par un miracle absolu, viennent déchirer l’harmonie du tapis de sable et envoient voler la poussière au travers de la salle. Une femme crie, la première, déclenchant immédiatement un rugissement général, une panique absolue qui s’empare des gradins. Les chaises métalliques chutent dans un fracas assourdissant alors que chaque personne, du plus petit au plus âgé, se met à courir comme si le monde avait disparu. Chacun d’entre eux ne vit plus que pour sa propre vie en ces quelques instants et piétine sans aucun remords les malheureux qui rencontrent le sol en s’échappant. La joie a fait place à la terreur et les rires ne s’envolent plus dans les tentures lourdes du chapiteau. Un cirque qui ne s’émerveille plus est un cirque mort.

Le dompteur, habitué de la scène depuis des années, vétéran dans la gestion de ces animaux puissants et magnifiques, ne sut jamais ce qui avait traversé l’esprit d’Olibrius ce soir là. Il n’eut même pas le temps de penser ou de questionner ce qui était en train d’arriver. Mais toutes les personnes présentes dans l’enceinte de ces tentures vous raconteront la même scène avec une précision effarante. Le pachyderme s’était relevé, dressé sur ses pattes arrière, faisant tomber son minuscule chapeau coloré, tout un symbole. Il n’avait pas attendu plus d’une seconde pour retomber puissamment au sol, s’écrasant de tout son poids sur le corps athlétique de l’homme qui s’était servi de lui. Chaque personne présente cette nuit là vous racontera l’horreur du sang qui vint repeindre le sable blanc et les flancs du colosse, des craquements horribles qui firent écho jusqu’au plus haut siège et des éclaboussures qui vinrent frapper les VIP jusqu’au deuxième rang. Mais un seul récit différera de tous les autres, le récit que fera un jeune homme des années plus tard, dans la chaleur étouffante d’un fumoir.



*  *  *

Printemps 1522 – Rhum Camp, Whiskey Peak – Deuxième numéro : Cruauté.


- J’aime jongler avec les émotions, tu sais… Mais la tienne, oh la tienne ! Cette tronche ! Papapalapalapapa…

Dans la pénombre d’une petite salle, à l’arrière d’un bar délabré et presque oublié de tous, un homme se tenait debout, le visage mal éclairé par une bougie tremblotante, déchirant ses traits déjà passablement désagréables. Il ne bougeait pas d’un centimètre et, du haut de ses quelques deux mètres, semblait impassible à la moindre forme d’émotion. Sa mâchoire taillée au couteau, parsemée de quelques poils disgracieux et d’un noir d’ébène venait servir un menton carré, robuste et orné d’une simple fossette. Ses cheveux sombres et gluants étaient plaqués contre son crâne, tondus sur les côtés, inflexibles et sans aucun volume. Son premier geste fut de sortir la main de sa poche gauche, avant de la jeter au sol. Cette main là n’était pas à lui. Les siennes étaient gantées de cuir de la fabrique la plus élaborée qui soit et la droite tenait par la lame trois couteaux fins et aiguisés comme des rasoirs. Il attrapa la cigarette qu’il avait posé entre ses lèvres fines, avant de la jeter au sol, l’écrasant d’un coup de talonnette bien senti. Il jeta un regard sur sa droite, en direction de la voix qui avait fendu le silence d’un rire parsemé de sanglots, tendant vers ce paradoxe émotionnel les trois lames qu’il serrait entre les doigts.

- Merci Tommaso. Tommaso il est pas marrant par exemple. Il exprime jamais rien, lui. Il est toujours là avec sa face de merlan. Bordel, ce gars vient de sortir une main, pardon, TA main, de sa poche et il a même pas bronché. Mais toi… Toi t’es un véritable régal.

Attrapant de sa main gauche les lames qu’on lui présentait, un homme bien plus petit se présenta enfin devant la lumière. Il fit sauter la première lame en direction de sa main droite, la retournant prestement pour en saisir le fer avec délicatesse. Si le premier de ces odieux personnages n’avait rien de particulier en lui, si ce n’était son effarante banalité, le second ne pouvait être confondu avec personne d’autre. Se figeant un instant face à la flamme, les yeux rivés sur un horizon qu’il semblait le seul à voir, il révéla enfin son faciès si particulier. De son visage il n’y avait plus grand-chose à découvrir, une fois son regard dévoilé, puisque le maquillage d’un noir parfait occupait tout l’espace inférieur de sa face tandis qu’un chapeau pittoresque aux oreilles de lapin trônait sur son crâne et  couvrait son front. La flammèche vacilla un instant, envoyant un reflet se balader sur une surface aussi parfaitement sphérique que rouge, qui n’était autre que son nez. Un attirail de clown bien connu, tout comme l’épais contour violacé qui lui enserrait les lèvres.

- Q…Qui t’es… Saleté de dé…kof…dégénéré…
- POOL!

Le cri du sinistre Auguste avait transpercé la pièce et le premier couteau avait quitté ses doigts en un éclair. Le bruit caractéristique du fer qui se plante dans une planche de bois lui décrocha un sourire en coin alors qu’il fixait l’endroit exact où il avait visé. Il semblait complètement calme et assuré, ce qui le rendait bien plus terrifiant qu’il ne l’était déjà quelques secondes auparavant. Se permettant même de siffloter avec confiance, il avança d’un pas, attrapant la chandelle entre ses doigts graciles pour l’approcher de sa cible. Lorsqu’il ne fut plus qu’à quelques centimètres, sa respiration calme venant se déposer sur la joue d’un autre homme, il ne put s’empêcher d’afficher sa déception en contractant ses biceps fermement, un sourire étincelant lui fendant la face.

- RAH FAIS CHIER! Je voulais te toucher moi, j’suis trop déçu làààààà !

Reprenant soudainement de la vigueur, la bougie envoya une vague lumineuse s’échouer sur le dernier élément de cette scène sordide. Au fond de la pièce, posé sur une lourde armature de charpente, bijou de technologie du cirque, se trouvait un grand cercle de bois, usé et tâché par les trop nombreuses utilisations qu’il avait subi. Agrémenté d’un système lâche lui permettant de tourner sur lui-même à une vitesse faible mais régulière, cette cible n’était en réalité qu’un support. En son centre trônait un homme dont les cheveux suants s’étaient collés sur un visage meurtri et lacéré, attaché par quatre solides sabots en acier. Enfin, trois si l’on enlevait le harnais désormais vide, couvert d’un sang encore frais et d’une rouille qui datait de bien avant cette mise en scène macabre. Son visage, lorsque la main de Burlesque vint attraper son menton, se découvrit enfin sur cette fameuse expression qui apportait tellement de joie à son tortionnaire qu’il en pleurait à chaudes larmes. Ses yeux écarquillés, brisés, fixaient le criminel comme s’il était la mort en personne, quelques faibles lueurs dansant au fond de ses iris. La bouche déformée qui tentait encore d’articuler quelques mots qui refusaient de sortir de sa gorge, l’homme apportait au clown noir une satisfaction nostalgique.

- Ton visage… Cette peur qui te dévore un peu plus à chaque instant, alors même que tu réalises que tu n’as plus le temps d’échapper à ta sentence… On dirait mon père face à cet éléphant. Il avait aussi ces yeux qui comprenaient tout, qui ne comprenaient rien.

Entre ses doigts fins et courts, le petit clown faisait jouer les deux couteaux qui lui restait en main, n’ayant cure des risques que cela représentait pour ses doigts. Evidemment, l’une des lames finit par glisser le long de son ongle et vint lui couper le majeur légèrement, bien assez pour faire s’échapper une goutte de sang. Le saltimbanque macabre poussa un sifflement agacé et jeta un regard sur son homme de main. Il avait été interrompu dans son grand moment de théâtralité. Sans faire montre d’aucune considération, il essuya son doigt contre la joue de sa victime, couvrant la blessure de poussière, de sueur et d’un sang qui ne lui appartenait pas. Plus la situation avançait, plus il était agacé et plus il commençait à bouillonner. Il se leva brutalement, tendant la main vers le porte-flingue. Sans montrer le moindre changement d’expression, ce dernier s’empressa de sortir un mouchoir immaculé et nettoya la plaie en quelques secondes.

- Désolé pour ça, j’aime pas improviser des spectacles, ça laisse trop de place aux imprévus… Mais bon, tu m’as pas vraiment laissé le choix monsieur Shigaki.

Se retournant brutalement vers le susnommé, il lâcha sa deuxième lame qui partit en ligne droite et alla se planter dans l’oreille du pauvre prisonnier, lui arrachant un nouveau cri de douleur face à l’intensité de cette piqûre. Cette fois, une larme chaude roula le long de la joue de Burlesque, symbole décalé de sa joie intense. Rien ne lui procurait plus de bonheur que ce moment précis où l’abruti inutile qu’il avait capturé se mettait à hurler de toute son âme. Comme il le faisait depuis plus de trois heures désormais.

– I… Il sera à Star-Top Nation dans…hurgh… quatre mois… A l’automne…

Le visage noir du clown sordide s’éclaira d’un seul coup, comme révélé par la joie et le bonheur du moment. Il avait enfin sa réponse et, étonnamment, c’était l’oreille et non la main qui lui avait permis de l’obtenir. Mais voilà, il avait enfin l’information qu’il cherchait depuis un moment, la seule et unique raison pour laquelle il avait capturé cet idiot de secrétaire inutile. Plus rien ne l’empêchait désormais de se débarrasser de lui. Après des années d’un travail acharné, il avait enfin le bon moment, il savait où allait se dérouler l’épilogue de cette traque qu’il menait depuis trop longtemps déjà. Mais pour l’instant, il allait falloir se débarrasser d’un témoin qui pourrait se révéler bien trop bavard. Alors Burlesque planta ses deux pieds bien fermement dans le sol sale de cet endroit lugubre, un demi-sourire agitant son visage alors qu’il faisait sauter sa dernière lame dans les airs.

- Ta vie ne tenait qu’à un fil, Togoro… sauf que t’es pas funambule.

Et sur ces paroles empreintes du plus noir des humours, l’enfant qui jadis observa son père mourir sous ses yeux innocents, se fit une fois de plus le bras de la fatalité en faisant traverser sa lame dans la gorge de celui qui avait osé le défier. Un comble, pour celui qui avait tant de fois été frappé par cette foutue main géante à l’emprise sans faille qu’était le destin. S’il avait appris une seule chose au cours des dernières années, c’était qu’une main, ça se tranchait facilement.



*   *   *

1502 – Delarte, Pykasso – Troisième numéro : Fatalité.


- Hé t’as vu le journal ? Il paraît que les Fratellini sont ruinés et qu’ils ont tout revendu !
- En même temps plus personne veut mettre les pieds dans ce cirque de malheur et je les comprends.


D’un geste las, le quinquagénaire aux favoris plus épais que sa chevelure jeta son canard au sol, continuant à juger allégrement les anciennes stars déchues. Il passa sa main dans le dos de son camarade, un peu plus troublé par la nouvelle et le rasséréna d’une tape amicale. Son regard avait l’air de dire que ce n’était pas grave, que la vie continuait, sûrement. Sûrement allait-il rentrer chez lui paisiblement, retrouver sa compagne et l’embrasser, avant de déposer un baiser sur le front de ses adorables enfants aux cheveux blonds. Sûrement prendrait-il un bon repas, peut-être une soupe à l’oignon et son fumet si particulier, avant d’aller se coucher et de ne rêver que de cette vie en rose. Sûrement.

C’était cela l’histoire que le garçon de dix ans s’était raconté en le voyant traverser la rue de ce pas assuré et facile, habillé dans ses grands vêtements sans trous ni rapiéçages miteux. L’enfant n’avait même pas posé les yeux sur le journal qui avait atterri sur ses chaussures bien trop grandes pour lui, dont le verni s’était depuis bien longtemps effacé. Il s’était contenté de les suivre du regard comme s’ils étaient devenus des bêtes de foire, des animaux de scène, avec une nostalgie et une tristesse que personne ne devrait expérimenter à son âge.

- Alfonso, souris un peu plus mon chéri… Les gens n’ont pas envie de voir un clown qui a l’air triste. On a encore une grosse journée aujourd’hui, allez mon lapin.

Sa voix était si douce, pure et sans aucune erreur. Cette diction parfaite et ces mots tendres s’échappaient d’une bouche blanche, aux lèvres fines et aux dents parfaitement alignées, délicatement déposée sur un visage nacré aux contours délicats. Relevant avec douceur une mèche de cheveux bruns qui s’étaient déposés sur le bout de son petit nez retroussé, elle vint la coincer derrière son oreille légèrement décollée, avant de remettre en place son chapeau pointu. Les trèfles noirs qui lui encerclaient le regard ne faisaient que sublimer ses yeux verts pétillants, régulièrement brossés par des cils fins et longs. Elle attrapa le revers de sa veste blanche, ornée de pompons violets et rouges, de sa main gracile. C’était le détail qui venait perturber ce tableau angélique, la preuve de ce que cette femme avait vécu en une année seulement. Ses ongles rongés par le stress n’étaient plus tout à fait droits et quelques petites blessures s’étaient infectées à leurs coins, lorsqu’ils n’étaient pas encrassés de poussière.
Réveillé par les propos de sa mère, Alfonso esquissa un sourire un peu honteux du coin des lèvres, ne pouvant résister à cette vague d’affection qu’elle venait de lui envoyer. Il remonta alors son pantalon noir et blanc et y attacha ses bretelles ornées du blason familial avec fermeté. Il enfila sa perruque folklorique, camouflant ses cheveux carmins sous des frisottis bicolores, avant d’apporter la touche finale à son uniforme de travail : un nez rond, gonflé et d’un rouge éclatant qu’il vint apposer à l’extrémité de son propre tarin. Levant les yeux vers sa clown blanche, de vingt-cinq ans son aînée, le petit Auguste étendit les bras avec fierté, présentant son attirail et son maquillage à celle qui lui avait tout appris.

- C’est parfait mon grand, t’es beau comme un chapiteau ! Allez, la rue n’attend que nous, on fait comme d’habitude !

Son ton s’était tout à coup ensoleillé, alors qu’elle s’animait de cette vibration toute particulière qu’avait les artistes. Elle ne vivait que pour cet instant où elle enfilait sa tenue blanche et entamait son spectacle d’une voix fluette et étrangement plus perché que d’ordinaire. Et le petit garçon de lui emboîter le pas, accentuant les aspects nasillards de sa propre voix pour haranguer la foule avec enjouement. Alors s’enclenchait une mécanique bien huilée, une scénographie qu’il avait appris par cœur et qu’il récitait désormais comme s’il s’agissait d’une partie de son âme. La rue était devenue, pour quelques minutes, leur terrain de jeu et d’émerveillement, où les regards s’égayaient en les apercevant, où les enfants s’approchaient avec curiosité et se mettaient à rire bruyamment face aux bêtises incongrues des deux clowns.


Comme d’habitude, le numéro commençait avec une lamentation sonore de la clown blanche, suivie par une intervention merveilleusement catastrophique de l’Auguste qui tentait de la consoler. Comme d’habitude, il entama cette entreprise avec un grand coup de pied dans le derrière, conséquence d’une chute involontaire. Comme d’habitude, son chapeau tombait à la renverse, se mettant à rouler aux pieds des spectateurs hilares, qui s’écartaient un peu pour lui laisser le champ libre. Comme d’habitude, le petit garçon se mettait à courser le couvre-chef en roue libre, tentant maladroitement de remettre la main dessus sous les soupirs gracieux de sa partenaire. Comme d’habitude il ramassait le calot en emmagasinant le plus de terre possible en son creux, avant de le remettre sur son crâne, se couvrant de poussière et faisant mine de s’y étouffer. Comme d’habitude, sa mère se remettait à pleurer, alors qu’il accourait à grands pas pour tenter de lui apporter une main providentielle. Comme d’habitude, il oubliait malencontreusement la pince électrique cachée dans sa manche, faisant passer le faible courant électrique dans le corps de la malheureuse. Comme d’habitude, elle tombait à la renverse et faisait mine de s’évanouir sous les rires explosifs des bambins.

Et cela continuait pendant cinq bonnes minutes, où les deux clowns alternaient entre le sérieux du clown blanc et la bêtise inarrêtable du clown auguste. Et ce spectacle vivant se finissait toujours par un tour d’honneur que le petit exécutait lui-même, tendant son chapeau, misérable objet de son gag inaugural, pour recevoir les quelques pièces que les gens acceptaient d’y jeter. Plus le temps passait et moins les gens ne se décidaient à dépenser leur fortune pour récompenser ces artistes malheureux. Alors, comme d’habitude, les deux clowns finissaient leur journée avec les poches presque vides, à peine assez pour acheter une pomme, un morceau de pain et une grande gourde d’eau. Et comme d’habitude, ils enlevaient leurs costumes , les rangeant précieusement dans une malle en piteux état, avant de s’asseoir un peu plus loin de leur petite scène à ciel ouvert, dans une ruelle mal éclairée. Comme d’habitude, ils s’endormaient à même le pavé, épuisés mais ensemble.

Mais l’habitude n’a qu’une seule constante. Elle ne dure jamais longtemps. Et en ce matin de novembre 1502, l’habitude fut rompue violemment. A neuf heures du matin, lorsque le soleil vint frapper les rues de ses premiers rayons lumineux, le petit garçon s’était réveillé, baillant et s’étirant au plus loin de ses capacités. Une larme encore au coin de l’œil, la paupière à demi-fermée, il secoua tendrement sa mère de la main gauche, alors que la droite venait frotter son œil humide. Comme d’habitude, elle aurait dû se réveiller, l’embrasser sur le front et lui murmurer quelques mots d’amour en buvant une gorgée de cette eau si précieuse. Mais ce matin là, elle ne se réveilla jamais et son souffle chaud ne vint pas caresser le front délicat de son fils. Ce matin là, Francesca Fratellini, née Di Angelo, était décédée dans une rue invisible de Delarte. La clown grise, celle qui avait perdu sa brillance pour donner de l’éclat à son fils, était morte d’inanition, à force de nourrir son héritage avant elle-même. Ce jour-là, traumatisé par l’évènement et pour la première fois, Alfonso se trompa d’émotion et se mit à rire aux larmes, le regard braqué sur le cadavre de sa mère. Une erreur traumatique qui deviendrait habitude.

Une nouvelle habitude.



*   *   *

1507 – Gwach City, Pykasso – Quatrième numéro: Fascination.


- Nan, mais pourquoi ça tombe toujours sur moi ? On m’a encore piqué mon porte-feuille !
- T’as qu’à mieux surveiller tes affaires en même temps, t’es pas mal… Oh bordel de cul ! On m’a pris le mien aussi !


Alors que le jeune homme aux cheveux ébouriffés se mettait à rire en constatant que son ami, un drôle de petit bonhomme au regard arrogant et à la chevelure grasse, était lui aussi victime de ce genre de déboires, une ombre fendait habilement la foule d’adolescents qui s’était rassemblée là. Au milieu de la ville aux milles couleurs et autant de formes abracadabrantesques, aux bâtiments insensés et défiant les lois les plus évidentes de la physique, se tenait une sorte de manifestation improvisée et sauvage, une spécialité des étudiants d’arts semblait-il. Ce genre de rassemblements était commun dans ce secteur de la ville et n’évoquait jamais rien de bon pour les autorités en charge de la sécurité des citoyens. Si, armés de leurs bolas, diabolos et autres monocycles, ces protestataires décalés ne semblaient pas être d’un grand danger, ils avaient une fâcheuse tendance à traîner dans leur sillage vitrines cassées et devantures vandalisées. Tous prêts à dégainer peinture et marqueurs au premier signal, déchainant leur haine inconditionnelle envers un système qui les rejetait sous forme de tag incendiaire disséminés dans la ville.

- Babilone, Babilone, tu ne nous auras pas ! Je chante pour les hommes, je ne vis pas pour toi ! Babilone, Babilone, ma vie ne t’appartient pas ! Je chante pour les hommes, je ne suis pas tes lois !

En tête du rassemblement, devant la place bondée qui empestait l’herbe et le patchouli, se tenait une sorte de gourou des temps modernes, au style particulier et remarquable. Sarouel large et optimisant la ventilation des valseuses, poncho en imitation de laine de lama aux symboles psychédéliques et dreadlocks sur le crâne qui s’échouaient sur ses épaules, il ne passait inaperçu nulle part et certainement pas ici. C’était lui qui, un peu en hauteur, encensait ses camarades à chanter avec lui à propos d’un certain Babilone, personnification de la société elle-même et de ses principes économiques désastreux qui plaçaient le berry avant les hommes. De sa voix cassée et enrouée par les quantités astronomiques de fumée qu’il emmagasinait chaque jour, il tentait d’embrigader chaque personne présente dans sa petite révolution bien maigre en idéologie. Surement se sentait-il un peu plus important dans ce monde injuste de cette façon là.

Mais l’injustice de ce monde, Alfonso l’avait bien réalisée lui. Alors que les adolescents, qui avaient donc plus ou moins son âge, commençaient à peine à ouvrir les yeux sur les inégalités qui les entouraient, fruits d’une éducation privilégiée qui tentaient de se racheter une conscience en jouant du djembé, lui avait déjà tout vécu. Et il avait appris à s’en sortir seul, en privant les autres de leur confort pour s’en accorder une partie à lui-même. En d’autres termes, il détroussait les passants de Gwach City sans une once de remords envers ces rupins qui retournaient leur veste pour l’échanger contre un blouson militaire rapiécé, grisés par la mélodie de la rébellion. Des abrutis sans principes qui retourneraient manger dans leurs assiettes d’argent aussitôt que la misère les approchera de trop près. Mais de cette révolte puérile et stérile, le clown s’alimentait et s’enrichissait jour après jour, ne s’arrêtant pas au strict nécessaire mais commençant à accumuler un certain pactole. En 4 ans de pratique, il avait eu le temps de perfectionner sa technique et de laisser ses doigts magiques de prestidigitateur faire le travail à sa place. Jamais on ne le voyait, jamais on ne l’attrapait. Il était une ombre qui punissait le moindre manque d’attention de ces jeunes rebelles ridicules.

Mais ce jour là, il y avait quelque chose de différent. Alors qu’il était tranquillement occupé à compter les billets déjà acquis dans la journée, l’Auguste jetant des regards inquiets en direction des extrémités de la ruelle qui abritait ses malversations, l’ambiance changea brusquement. La foule avait abandonné le sol et s’était levée pour aller se coller le nez devant un énorme écran géant qui trônait au milieu de la place. Sur cette île affiliée au Gouvernement Mondial, rien n’arrivait jamais pas hasard et cette télévision n’était pas apparue sans raison. Ce fut alors que l’évènement arriva, changeant radicalement l’ambiance joyeuse et légère qui animait les rangs de cette révolution fantoche. L’écran s’était allumé brusquement, montrant un visage dur et intransigeant, puis celui d’un homme que beaucoup parmi ces manifestants reconnaissaient aisément. Le dénommé Kropotkine, attaché et menotté, avait soulevé une vague d’indignation parmi les jeunes gens qui s’étaient entassés là.

La place était passé du stade de festival enjoué prêchant quelques bonnes paroles, encourageant la bien-pensance mais pas la bienséance, à une forme d’indignation générale et caractérisée par des soufflements de nez et des raclements de gorge. On se serait crus à un rassemblement de vieux réactionnaires bourgeois devant une manifestation pour la liberté sexuelle. Les « rooooh » succédaient aux « mais où va le monde ? » dans un triste retour à la réalité. Les regards étaient tous braqués avec attention sur ce qui allait être dit, sur la raison qui avait poussé les autorités gouvernementales à afficher un tel personnage en place publique. Les mots qui furent prononcés ce jour là échappèrent totalement au glorieux pickpocket d’infortune, trop occupé à profiter de l’agitation soudaine pour saigner les dernières pièces et bijoux possibles. Il n’entendit que la clameur qui s’était élevée autour de lui et, finissant son œuvre, il releva le visage au moment où un silence sembla étrangler chacun des spectateurs. Ce qu’il vit, en revanche, il ne l’oublia plus jamais.


Sur les écrans en couleurs, les images avaient plongé le public dans un monde qu’il ne soupçonnait pas encore. Ceux qui depuis des mois militaient à la force de leurs cordes vocales dans les rues d’une ville privilégiée faisaient désormais face à ce que les ombres avaient de plus noir. Sanglé avec fermeté sur une sorte de croix, le réel objecteur, le caillou dans la chaussure du gouvernement, un homme qui se battait pour de véritables causes, Kropotkine avait plongé son regard dans la caméra, semblant transpercer l’âme de chaque personne qui le regardait. Ce qui deviendrait plus tard la séance de tortures la plus célèbre de l’histoire moderne ne faisait que commencer ce jour là et, déjà, plusieurs étudiants s’étaient écroulés au sol ou étaient partis vomir à quelques pas de là. Presque tous arboraient sur leur visage épouvante et dégoût.

Un bourreau aux allures médiévales s’était penché sur la victime et, méticuleusement, entreprit de lui lécher la peau du bout de sa lame, décrochant lentement mais sûrement l’épiderme du révolutionnaire. La douleur se percevait dans le regard de l’ancien dragon céleste, ses pupilles dilatées et le blanc de ses yeux se couvrant de veines écarlates. Au terme de quelques secondes qui parurent une éternité, dans l’horreur sonore de la peau qui se détache lentement de son propriétaire, le tortionnaire aux allures de faucheuse se releva vers la caméra, montrant un bout de peau pas plus long qu’un doigt, pas plus épais qu’un crayon de bois. Cela sembla convenir à la personne qui ne laissait pas son visage être filmé et, agissant comme un boucher dont le client venait de confirmer que la coupe de son jambon lui convenait, il se remit au boulot. Et ce travail morbide, lambeau après lambeau, partie du corps après partie du corps, dura pendant plus de deux heures.

La grande place de Gwach City, malgré ses aspects bariolés et sa surcharge de couleur, semblait bien grise à présent et une bataille sans merci semblait y avoir pris place. La plupart des manifestants qui s’y trouvaient étaient allongés au sol, tétanisés ou évanouis, baignant dans les rejets bileux de leur camarade aux estomacs retournés. Le regard d’Alfonso balaya alors ce qui restait du public, réduit à un petit groupe d’une quinzaine de personnes. Parmi eux se trouvait une jeune femme arborant de longues dreadlocks qui faisaient presque disparaître sa face blanchâtre et rondelette. A y regarder de plus près, le voleur eut l’impression d’apercevoir un sourire se dessiner au coin de cette bouche charnue. Un autre, habillé d’une chemise de lin mitée et de multiples foulards colorés, était figé face à l’évènement et ses yeux semblaient briller de quelque étincelle. Et ce schéma étrange de personnes qui semblaient fascinées par cette attraction morbide se répétait sur chacun de ceux qui tenaient encore debout. Ce n’était pas parce qu’ils étaient plus résistants que les autres qu’ils étaient restés droits sur leurs jambes. Ils éprouvaient un plaisir malsain en regardant cet homme se faire peler comme une orange sur un écran géant.

Le spectacle, si dur à soutenir pour le commun des mortels, continuait sur sa lancée, dévoilant peu à peu le corps sanguinolant de l’écrivain contestataire, ses chairs exposées à l’air frais et au petit vent qui continuaient de lui arracher des cris de douleur, de plus en plus faible. Il n’avait même plus l’énergie de hurler ou de lever la tête, il n’avait plus l’énergie de soutenir ce regard si profond qu’il avait arboré avant le premier coup de couteau. Il avait doucement commencé à s’éteindre et la grisaille qui s’emparait de lui n’était qu’une raison de plus pour que la foule dérangée ne s’extasie. N’importe qui de sensé aurait pensé que c’était là la fin des hostilités, que l’escarméra se couperait et que plus jamais personne n’aurait à assister à un tel spectacle en direct. Mais un spectacle ne se termine que lorsque le metteur en scène le décide et celui-ci, tordu et pervers, venait seulement de tirer le rideau sur son premier acte. Un couteau plus long et effilé comme un filet de sole avait pris place dans la main du tortionnaire.

Alors, méticuleusement, il entreprit de découper un morceau de chair, plongeant sa lame plus profondément encore dans les tissus du malheureux, venant racler ses fibres musculaires à fleur de l’os. Agissant comme un boucher préparant un bestiau pour la commercialisation, il recommença l’opération plusieurs fois, lentement, provoquant de nouveaux cris de terreur. Les steaks fin et proprement découpés vinrent rapidement s’accumuler dans un bac volontairement placé en évidence de la caméra et marqué du sceau du Gouvernement Mondial. Il y avait dans cette horreur une forme d’art primitive, une beauté dans la précision et dans l’attention portée par l’exécutant. La séance semblait n’en plus finir et pendant deux heures encore, il trancha petit à petit les membres décharnés de sa victime, de son œuvre. Les curieux étaient encore là, paralysés par la fascination morbide qui les animait.

Et derrière ce groupe se tenait Alfonso. Lui qui n’était venu ici que pour dépouiller la fortune de ces révolutionnaires à la petite semaine, avait trouvé une nouvelle richesse. Dans les expressions contemplatives du public, il avait reconnu quelque chose, un souvenir qui était venu inonder son esprit. Lui qui s’était convaincu toutes ces années d’avoir vu tous les spectateurs fuir le spectacle de son père, le jour où Olibrius l’avait réduit à l’état de lambeaux sanguinolents, il s’était souvenu. Ce soir là, certains étaient restés, comme figés devant ce qui arrivait. Un sourire aux lèvres, incontrôlable et ce même regard dément qui ne pouvait pas se détacher du cadavre répugnant, de cette masse de chair informe qu’était devenu Giuseppe Fratellini. En se souvenant de ces visages là, le jeune clown avait compris, enfin, la réalité qu’il avait toujours refusé.

Bien des hommes et des femmes se refuseraient toujours à l’admettre, mais l’humanité était fascinée par la violence, par l’horreur et par la cruauté. Transcendés par ces actes si affreux qu’ils n’osaient pas les envisager dans leurs rêves les plus fous. Mais lorsque quelqu’un se présentait pour réaliser ces fantasmes inavouables à leur place, la culpabilité, la morale et les principes s’envolaient. Ils ne voulaient pas être responsable mais ils voulaient ressentir ce sentiment grisant de violence brute et injuste. C’était un spectacle qui avait son public, bien plus nombreux qu’on ne pouvait l’imaginer. Ce jour là, en regardant attentivement un homme se faire découper pendant des heures sur un écran géant, l’enfant du cirque avait enfin compris. Il savait désormais où mener sa vie. Ce fut la dernière fois qu’il sortit dans la rue pour détrousser les rupins dans l’ombre bénéfique de la foule. Désormais, il serait en pleine lumière, donnant aux gens la satisfaction qu’ils ne pouvaient obtenir par eux-mêmes. Une nouvelle forme d’art.



*   *   *

Automne 1522 – Morgan, Star-Top Nation – Cinquième numéro: Renouveau.


– I… Il sera à Star-Top Nation dans…hurgh… quatre mois… A l’automne…

Les mots que Shigaki Togoro avaient prononcés à l’aube de sa mort n’avaient eu de cesse de tourner dans l’esprit de Burlesque, comme une rengaine qui le poussait en avant. Il avait une cible, un lieu et une bonne raison d’y aller, plus rien n’aurait pu l’empêcher de le faire. Et le jour était enfin arrivé, un rassemblement énorme était en train de se mettre en place sur la place centrale de Morgan et les grands pontes de ce monde s’y étaient réunis à grands renforts de délégations commerciales. Les mains se serraient allégrement et un doux climat politique se mettait en branle, dans un équilibre tordu où chacun manipulait tous les autres à la perfection. Les discussions allant bon train, se mêlant aux conversations légères des civils qui s’étaient invités à l’évènement, rien n’aurait pu porter à croire que tout déraperait en quelques secondes.

Et pourtant, l’explosion gigantesque avait fait son œuvre, emportant avec elle les privilégiés qui avaient obtenus des places sur les bords de la scène ou derrière, terrorisant la foule et déclenchant une pluie de feu qui déchira le ciel et les corps. Un capharnaüm sans nom avait pris place, sur fond de l’annonce de la mort d’Ohmama, leader de cette contrée hypocrite et fausse. De charpie humaine, ce massacre injustifié s’était transformé en un champ de bataille sans pitié où s’affrontaient de puissants opposants, d’anciens combattants adoubés comme de nouvelles têtes qui brillaient plus fort que les autres. Depuis les toits, tentant de se protéger des quelques offensives qui arrivaient jusqu’à sa distance, une ombre observait tout dans une horreur fascinée. C’était là un des plus beaux spectacles auxquels Burlesque avait eu la chance d’assister, bien supérieurs à ceux qu’il avait pu orchestrer lui-même.

Le feu avait pris la place du soleil, illuminant de milles feux les corps décharnés et découpés par la chevrotine qui les avaient foudroyés. D’immenses pièces d’échecs surplombaient la scène, agrémentées de quelques demi-lunes tranchantes et de fusées humaines qui déchiraient l’espace sans discontinuer. Le bruit des affrontements ne cessait jamais, aucun temps de repos n’était accordé à ces gladiateurs d’un jour, ceux-là même qui étaient en train d’écrire l’histoire sans même s’en rendre compte, ces héros des temps modernes qui affrontaient de réelles pourritures sans âme. Mais dans quel camp étaient donc ces divinités salvatrices, dans quel camp combattaient réellement ces démons diurnes ? Une question qui n’avait aucune réponse, qui n’en aurait pas en ce jour où les surprises succédaient aux chocs, dans une joyeuse cacophonie idéologique. L’histoire n’étant qu’une médaille aux revers infinis, elle restait peuplée de mystères et de nouveaux embranchements invisibles, de ceux qui n’avaient pas fait partie des récits héroïques de ce jour terrible.

Burlesque était de ces protagonistes invisibles ce jour là. Il n’avait pas pris part au combat et s’était contenté de se délecter de cet affrontement titanesque, ses yeux balayant la scène à la recherche de sa cible. Il savait qu’elle avait encaissé de plein fouet cet explosion initiale et doutait quelque peu de sa survie, ce qui ne le rassurait pas vraiment. Il voulait que cette personne reste en vie, il fallait qu’elle soit vivante pour entendre ce que le clown noir avait à lui dire. Alors, lorsque les combats prirent fin, lentement, pour ne laisser place qu’à un charnier aux odeurs insoutenables, la valse des combattants fit place à celle des médecins, des infirmiers et autres brancardiers. Il fallait chercher les survivants et déplacer les morts, évidemment. Depuis les toits qu’il n’avait pas quittés, se déplaçant agilement grâce aux capacités de son pouvoir démoniaque et aussi silencieusement qu’une souris, l’Auguste se rapprocha de l’arrière de cette scène, ou du moins ce qu’il en restait. C’est là qu’il le vit. Allongé au sol, le corps baignant dans son propre sang, à moitié tranché, livide. Il avait enfin trouvé celui qu’il cherchait en ce théâtre de la violence humaine.

- Dally…

Depuis des années, Dally était le maître incontesté de l’art et de Pykasso, cette île qui fournissaient les plus grands talents de ce monde. Un homme qui régnait sans conteste, seul décideur de ce qui était art et de ce qui ne l’était pas. Un dictateur de la pensée unique, de la méthode unique, de cet art qui ne change jamais, qui ne s’exprime que par un seul biais. Un monstre dont la seule véritable passion était la masturbation intellectuelle et l’auto contemplation. Un démon qui avait détruit tant de carrières et de rêves en imposant sa vision putride à des âmes trop fragiles. Voilà qui était Dally dans les yeux du morbide metteur en scène qui le contemplait depuis les hauteurs.

Cela faisait longtemps désormais que Burlesque s’était mis en chasse de cet homme aux valeurs archaïques se prétendant visionnaire et décideur de toutes choses. Non pas que le moustachu précieux était difficile à trouver, mais l’opportunité d’un tête à tête avec lui, en tant qu’artiste dissident, était bien plus complexe. Alors, profitant de son réseau étendu, de ses connexions avec le monde souterrain et des nombreux moyens de pressions qu’il s’était offerts au cours de ces nombreuses années de malversations, il était remonté à travers le montage illégal qui permettait au maître de Pykasso de collecter toujours plus d’œuvres. Il avait trouvé Shigaki Togoro, une petite frappe de la pègre qui faisait le relais entre Dally et un fournisseur obscur. En remontant cette piste, il n’était tombé que sur des allées sombres et des culs-de-sac. Alors il avait échafaudé un nouveau plan, avait demandé à ce relais de basse envergure le moyen de parler à Dally sans être enfermé entre les quatre murs de son bureau, de son atelier. Il ne voulait pas prendre le risque idiot de se retrouver enfermé à la merci d’un homme qui n’hésiterait certainement pas à le descendre au nom de l’art. Après tout, il payait déjà une belle somme d’argent pour voir le Cirque du Crépuscule démantelé et son propriétaire tué.

C’était cette haine inconditionnelle pour cet homme répugnant et imbu de ses propres convictions qui avait poussé l’héritier Fratellini à se rendre ce jour-là à Star-Top Nation. C’était toutes ces petites décisions qui l’avaient amené à apprécier un spectacle sans nulle autre pareille. C’était cette volonté qui l’avait poussé à descendre de ce toit, à se faufiler derrière la scène pour se rapprocher du moustachu réactionnaire. Subtilement et sans l’once d’un remords, il avait placé les brancardiers qui s’occupaient de lui dans un état de conscience limitée, la face contre le pavé à rêver de jours moins sanglants, surement. Alors, doucement, presque tendrement, il avait posé les yeux sur le corps détruit de son ennemi naturel. Il avait observé avec attention chaque morceau de chair déchiré, chaque nerf pendant, chaque os brisé qui transperçait son reste d’épiderme. Il avait posé le doigt sur les muscles brûlés, noircis par le feu de l’explosion.

Alors il s’était mis à pleurer, une bille humide roulant sur ses joues, alors que son visage s’était décomposé. Effondré de joie face à ce spectacle ravissant, les larmes chaudes coulaient sur ses tempes et s’écrasaient allégrement sur le corps du dictateur artistique. Burlesque avait rarement éprouvé une telle sensation de bonheur et le visage triste qu’il affichait en réaction à cette émotion n’avait jamais été aussi déstructuré. Sa face se tordait dans un rictus grossier alors que des sillons olivâtres se creusaient dans le maquillage noir qui lui recouvrait la face, au flot incessant de sa tristesse insensée.


- Oh bah flûte alors! Fini les acrobaties pour toi, vieille carne !

Ne résistant plus à l’hilarité dévorante qui le tordait à l’intérieur, il s’écroula contre le brancard, tombant à la renverse sur les jambes de son ennemi. Celui-ci ne répondait plus car, bien que vivant, toute conscience avait quitté son corps à ce moment, plongé dans une sorte de léthargie comateuse et traumatique. Mais il paraît que dans cette situation, certains entendent encore en fantôme les voix qui les entourent, les sons et les paroles. Cela les inquiètent-ils, ressentent-ils des émotions ? Burlesque n’avait la réponse à aucune de ces questions mais il voulait croire que sa voix ne passerait pas inaperçue dans l’esprit endormi de Dally.

- Zut… C’est pas vraiment comme ça que j’aurais aimé que ça se passe, crois-moi. On se connait un peu toi et moi maintenant, tu sais que j’aime prendre la lumière et faire les choses en grand. Mais là c’est compliqué, alors s’il reste un peu de conscience dans ton énorme tête enflée, écoutes bien.

Doucement, essuyant la dernière goutte qui ornait son œil, le clown sinistre se releva à moitié, dépliant ses jambes qu’il avait croisé en tailleur pour s’asseoir au bord du brancard. Les quatre fers plantés au sol, il se mit à avancer doucement vers la tête du rouquin dominant, comme un charognard venant renifler les derniers souffles d’une gazelle. Plongeant sans dégoût et sans aucune considération sa main droite dans le sang du mutilé, il abaissa enfin son corps dans un effort de gainage colossal, afin de rapprocher ses lèvres violacées de l’oreille encore entière du peintre. Dans un souffle, presque inaudible, il lui murmura ces quelques mots qui signaient le début d’une nouvelle ère.

- L’art ne t’appartient plus.


Nzoo
23 ans (l'époque de nos grands frères)

Laplace - Tensei Shitara Slime Datta Ken

J'suis parrainé par Wa Kandafo (lol tromaran)


Burlesque
Quitte à vivre en hauteur, c'est mieux que de se pendre [Burlesque] 1568296290-img100100
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Burlesque
L'Auguste Noir
posté le Mer 10 Mar - 10:43
Partie 2



1515 – Delarte, Pykasso – Sixième numéro : Crépuscule.


- Mesdames et messieurs, public adoré et pervers, veuillez-vous lever quelques instants ! On met les mains bien haut au-dessus de la tête et on applaudit bien fort, que dis-je, on rugit, on hurle, on explose ! Le soleil se couche et les ombres envahissent les rues ! Voici venir le cirque du Crépuscule !

Bien installé au centre de la piste sablonneuse, les bras grands ouverts accueillants les quelques cent spectateurs installés sous le chapiteau de fortune, monsieur Loyal récite son introduction, comme il le faisait 14 ans auparavant. Sa petite taille et ses chaussures trop grandes sont toujours là, tout comme sa veste rougeâtre aux épaulettes noires. Tout est usé, vieilli, râpé par le temps et par l’oubli, mité par les années passées au fond d’une malle dans une cave humide et sans fenêtres. Federico Caroli de son vrai nom, artiste de scène et porteur de la tunique carmin depuis 34 ans, n’avait jamais pensé enfiler à nouveau cette tenue, lui qui avait dédié toute sa vie à la famille Fratellini. Jamais il n’aurait pensé qu’un clown noir, héritier des arts du cirque, puisse venir le chercher au fond de son appartement de misère, rongé par l’alcool et la dépression. Et voilà qu’il se retrouvait à nouveau dans son élément naturel, le cœur battant la chamade et son corps encore plus épais qu’auparavant suant à grosses gouttes sous la lumière artificielle. Son visage avait bien changé, sa moustache avait perdu de sa superbe et s’étendait désormais en deux informes limaces de chaque côté de sa bouche, alors que son nez piqué et boursouflé, d’un bordeaux répugnant, venait se reposer avec lâcheté dans sa pilosité. Heureusement, le public ne pouvait rien voir de tout cela derrière le masque caricatural qui lui recouvrait le visage et provoquait l’hilarité instantanée des spectateurs. Dally était sur scène et resterait le sujet des moqueries pendant tout le spectacle.

Alors que l’annonceur disparaissait derrière les lourds rideaux violets en faisant voleter le sable de son pas incertain, la lumière s’éteignit brusquement, plongeant l’endroit dans le noir le plus absolu. Doucement, une musique s’éleva dans les airs, craquelant le silence attentif de l’audience, envahissant l’espace d’une mélodie anxiogène. Certains frissonnaient, d’autres serraient les paupières pour tenter de lire l’obscurité, d’autres encore se concentraient sur leur ouïe. Tous étaient parfaitement attentifs, complètement pris par la mise en scène. A ce moment précis, alors que plus personne ne pouvait s’échapper de l’endroit, une voix profonde, rassurante et familière s’éleva par-dessus les instruments, grondant sous la toile d’un ton menaçant.

- Les innocents ont toujours tort…


Un faisceau lumineux unique apparut alors, illuminant le centre de la scène sur la vue d’une bête impossible à qualifier. Attachée par les quatre fers à des piliers prestement installés aux quatre points cardinaux, une sorte de chien graisseux, pataud et misérable se tenait, immobile. Il était plongé dans un profond sommeil, sa tête disgracieuse, à laquelle il manquait une oreille et bon nombre de moustaches, reposant entre ses pattes beaucoup trop maigres pour un corps aussi massif. Dans le silence désormais retrouvé, un simple ronflement s’élevait, soulevant la cage thoracique de cette monstruosité paisible. Au rythme de cette respiration, il balançait une queue brisée, sans poils, semblable à celle d’un vieux rat aux portes de la mort. Un bruit métallique trancha soudainement au milieu de cette rythmique rassurante, forçant l’animal à ouvrir les yeux, à relever son oreille unique pour comprendre ce qu’il se passait. Lentement, il s’étira, peinant à soulever son corps déformé sur ses hanches apparentes, hochant une tête à peine soutenue pour finir de se réveiller.

Venant d’hors du cercle de lumière, une main se tendit, tenant un bol d’acier en son creux. Délicatement, elle posa la gamelle devant la bestiole, lui offrant une vision de rêve. Quelques os, un peu de chair de bœuf et une grosse portion de moëlle habitaient cette assiette, déposée innocemment devant lui comme une offrande. Aussitôt, la main disparut à nouveau, laissant la créature seule avec son repas. Les yeux brillants, la mâchoire fatiguée mais avide, il se jeta sur la nourriture, recouvrant son museau de saletés et de sang. A le voir ainsi, il était difficile de comprendre où était le spectacle, si ce n’était l’immonde réalité de ce corps détruit et impotent. Il était impossible de savoir ce qui constituait un numéro, une œuvre d’art, dans ce simple geste innocent et commun, quotidien. La gamelle se vidait à une vitesse impressionnante, avalée, gobée par l’appétit gargantuesque de ce tas de graisse.

Tout se passa si vite qu’un cri de surprise et d’horreur vint brutaliser la salle. Les lumières s’étaient rallumées, explosives, brusquant les rétines de chacun, ne leur laissant qu’une simple seconde pour s’adapter à nouveau à cette luminosité. Un bruit de chaîne se fit entendre, une poulie grinçante et un couinement incroyablement sonore. Lorsque le public eut enfin adapté sa vision, ils ne purent que constater et visualiser ce qui constituait le véritable numéro. « Les innocents ont toujours tort… », avait dit la voix. La pauvre bête, dont le seul tort avait été de naître et d’avoir trop faim pour réfléchir, gisait désormais au sol, baignant dans l’abondance de sang qui s’échappait de ses membres arrachés. Et la lumière s’éteignit à nouveau, ne laissant qu’à peine le temps aux observateurs d’assimiler ce à quoi ils venaient d’assister.

- Cruel? Mais après tout, c’est pour cette cruauté que vous êtes là…

La voix s’était à nouveau élevée dans les airs, faisant taire la musique du claquement de sa première syllabe. Elle semblait venir de partout et de nulle part à la fois, pesant sur chacune des personnes perverties qui avaient choisi de s’asseoir en ces lieux. Il était certain que, bien que prévenus de la teneur de ce spectacle, personne n’avait réellement imaginé jusqu’au bout les détails de ce qu’ils allaient contempler. Alors, tétanisés par une forme de peur grisante, ils se contentaient d’écouter avec passion cette voix dramatique, qui continuait de les emmener au plus profond de leur propre noirceur.

- Vous auriez tort de croire que cette cruauté est la mienne… Je ne fais que vous montrer ce que votre cœur demande.


A ces mots, une lumière rougeâtre s’était étendue sur la piste, accentuant les traces sanguinolentes qui en recouvraient le centre. Lentement, une musique douce s’éleva, au rythme mécanique d’une vieille boite à musique. Pendant quelques secondes, rien ne bougea et les visages perturbés des spectateurs tentaient de scruter les alentours, cherchant une réponse aux milliers de questions qui traversaient leurs têtes. Un bruit glissant, comme une corde frottant le sol, vint soudain s’ajouter à la mélodie, semblant frotter contre le sable. Une silhouette apparut au fond de la scène, précédée par cette corde que tout le monde venait d’entendre. Elle se dirigeait tranquillement vers le centre de la scène, d’un pas sautillant et guilleret. Cette silhouette était atrocement petite.

Sifflotant légèrement, à peine audible à travers la cacophonie des instruments qui s’emballaient, l’ombre se dévoila enfin à la lumière, sous cette apparence enfantine qui glaça le sang de l’auditoire. Deux longues tresses blondes s’étendaient de chaque côté de son visage, camouflé par un masque burlesque aux couleurs effacées. Dans sa robe de soie rose, ornée de froufrous nacrés, elle continuait d’avancer, un tabouret abimé dans la main et une corde en guise de collier.  Elle se plaça rapidement au centre de la scène, ôtant rapidement ses ballerines ornées d’un flot de satin, avant de déposer son piédestal devant elle. Et elle monta dessus, arrachant des cris étouffés de stupéfaction à quelques spectateurs. Ils n’avaient pas signé pour voir des enfants mourir, cela était certain.

Mais elle ne bougea pas, alors que la corde se tendait peu à peu, tirée vers le plafond par une force invisible. Une nouvelle silhouette apparut, complètement masquée elle aussi, avec cet air de saltimbanque lassé que lui donnait son déguisement. Il était massif, si grand et si gros, en comparaison de cette petite fille fragile. Il s’approcha de la demoiselle et posa brusquement son large pied sur le tabouret, provoquant un souffle d’horreur dans l’assemblée. Le support avait tremblé, mais n’était pas tombé et la gamine, qui chantonnait toujours, était toujours en vie. Pendant de longues secondes, la scène se figea. L’armoire à glace gardait le pied sur ces quelques morceaux de bois qui maintenaient la fillette en vie, le regard dans le vide et les bras ballants. Tout le monde retenait son souffle, ne sachant pas où se positionner entre l’horreur que cette scène provoquait en eux et l’étrange envie de voir cet homme faire tomber le marchepied. C’était exactement la raison de leur venue, à bien y réfléchir.

- Ma cruauté à moi est de vous priver de cette satisfaction…

Et ce fut pire que tout. Le gigantesque bourreau enleva son pied et repartit d’où il était venu, sans dire un mot de plus, comme s’il obéissait à la voix. La corde se coupa d’un coup, s’écrasant contre le sable dans un bruit rond et marqué. La petite fille se retourna, regarda la corde puis le public et haussa les épaules avant de tourner les talons à son tour. La frustration qui venait d’être créée à la fin de ce second tour n’avait aucune autre pareille et le sang torturé de ces immondes personnages semblait bouillonner de rage.

- Frustrant, n’est-ce pas ? Il est temps pour vous de vous plonger un peu plus loin dans la noirceur de votre âme et de faire face à la fatalité.


A l’instant même où la voix se tut, une ombre sembla traverser l’intégralité de la salle, sautant entre les poutres métalliques qui maintenaient la structure en place. Sa vitesse était bien trop grande pour que de simples yeux humains non entraînés puissent le suivre, mais il faisait attention à ce que chacun puisse visualiser sa silhouette. Pendant quelques secondes, il se contenta de rebondir comme une balle en hauteur, échappant au champ visuel des spectateurs à chaque fois qu’ils croyaient pouvoir lire les détails de son corps, de son visage. Puis il tomba, il vint s’écraser avec légèreté juste derrière une femme bien en chair qui en lâcha son soda de peur, colorant son immonde robe jaune trouée de liquide sucré. Son visage passa alors de la surprise à l’horreur, de grosses gouttes de sueur commençant à perler sur son front gras. Une main gantée de blanc s’était glissé le long de sa gorge, tenant en son sein une longue lame aiguisée comme un rasoir.

Tous les visages s’étaient tournés vers l’endroit de l’impact, choqués par cette action soudaine et brutale. Le temps sembla se figer à nouveau, dans ce rythme alternant entre la peur, l’attention et l’excitation dont ils commençaient à avoir l’habitude. Doucement, sous le regard médusé d’un public attentif, le petit homme au visage charbonneux et aux cheveux pourpres commença à faire glisser sa lame le long de la gorge de l’obèse mégère. Quelques millimètres seulement, puis il s’arrêta, laissant un suspens angoissant planer dans les airs. Un choc eut alors lieu sous lui et il décolla à nouveau vers le plafond à une vitesse vertigineuse. Le couteau avait laissé une fine entaille sur le cou, d’où perlait une unique goutte de sang. Mais elle était en vie, épargnée par la fatalité qui avait failli mettre fin à ses jours.

Une peur insidieuse, terrible et dévorante s’empara alors de l’assemblée qui n’osait plus bouger et scrutait le plafond avec une attention renouvelée. Le petit singe saltimbanque s’abattit alors sur une autre cible, lui susurrant quelques mots glaçants à l’oreille avant de repartir dans sa cachette aérienne, dissimulé dans les ombres projetées par les immenses poteaux métalliques et les tentures fripées. Ce cirque infernal dura pendant plusieurs minutes, où chacun se demandait qui allait être le prochain et, plus que tout, si le courroux divin allait finalement s’abattre sur l’un d’entre eux. Plus le temps passait et plus la pression s’intensifiait, plus chaque personne présente se régalait de ce jeu morbide. Torturés entre l’espoir de ne pas être celui qui mourrait et l’envie profonde de voir le sang couler, assis au bord de leurs sièges comme prêts à tomber, ils se prenaient de passion pour ce numéro affreux.

Comme les tours précédents, tout fut fini en un flash, sanguinolent et explosif. Un petit blondinet aux allures de caïd, les contours soignés et le crâne tondu, une simple houppette rabattue sur le haut de son crâne se retrouva à crier, son bras trônant avec tristesse au sol. Le clown noir avait choisi sa victime et cette action de violence gratuite provoqua un hurlement de satisfaction dans la foule, enfin repu de cette finalité qu’ils attendaient avec hâte. Comme prévu par la voix qui animait cette soirée lugubre, ils venaient enfin d’assumer complètement l’horreur incompréhensible qui les tourmentait.

- Mesdames et messieurs, sous vos yeux fascinés et enfin grand ouverts sur la réalité, voici venir l’objet de vos fantasmes, votre serviteur et bourreau, metteur en scène et exécutant, le créateur du Cirque du Crépuscule, l’Auguste noir… BURLESQUE !


Cette fois c’était la voix bien reconnaissable, tremblotante et avinée du monsieur Loyal qui s’était élevée dans les airs, venant de derrière les tentures qui camouflaient le fond de scène. Comme dans le numéro précédent illustrant la fatalité, l’ombre vint s’écraser contre le sable de la piste, créant un effet dramatique encore plus impactant en soulevant un nuage de poussière autour de lui. Puis, de son bras habillé d’un velours violet et verdoyant, il balaya la fumée qui l’entourait et en ressortit aussi propre qu’un sou neuf. Il arborait avec fierté son grand veston aux couleurs familiales, frappé du blason des Fratellini au niveau du coeur  et de celui du cirque du Crépuscule en son centre, finement tissé avec du fil doré. La lumière se fit enfin sur ce visage atypique, cendré et marqué au niveau des yeux et de la bouche d’un améthyste foncé qui ressortait à peine. Un grand sourire sur la face, il s’exposait en pleine lumière, provoquant la fascination totale dans le regard de ses spectateurs, à l’exception du blond qui continuait de pleurer sur son membre perdu.

Ce numéro n’en était pas véritablement un, c’était plutôt une sorte de tour d’honneur pour le meneur qui avait orchestré toute cette macabre cérémonie, une sorte d’entracte dans la violence de cette soirée. Il savait qu’à ce moment précis il tenait l’attention de l’intégralité de son public dans le creux de sa main et il s’en nourrissait avec gourmandise. Le moindre de ses mouvements de bras, de ses courbettes adressées aux quatre coins de la salle, de ses applaudissements en guise de remerciement était scruté en détail. Tout le monde le suivait du regard, attendant qu’un nouveau drame se mette en place, bavant d’excitation à l’idée de satisfaire à nouveau leur perversion maladive. Mais il leur fallut se contenter de rester aux bords de la crise de nerfs pendant quelques minutes encore, devant leur hôte qui se régalait de la situation dans un pur bain de foule mégalomane. En réalité, il ne faisait que gagner du temps pour la mise en place de son avant dernier numéro, son préféré mais aussi le plus complexe à installer. Lorsque tout fut prêt en coulisses, la grosse caisse tonna 3 coups à la façon d’un ouvreur de pièce de théâtre, ce qui accorda au saltimbanque une dernière révérence en plein jour, avant que la lumière ne se tamise à nouveau.

- Mes amis… L’art du cirque est éternel et probablement aussi vieux que le monde. Cependant, il n’a que peu évolué depuis sa naissance et, en sa qualité d’art à part entière, c’est une situation que je ne pouvais tolérer. Ce à quoi vous avez assisté ce soir, ce à quoi vous allez encore assister dans quelques secondes, constitue l’étoile dans la nuit artistique de notre monde et dans la dictature idéologique de ce cher Dally, un renouveau pour nous tous, amateurs de spectacles.


Sous les yeux ébahis des spectateurs, le voile qui obscurcissait le fond de la scène se leva, révélant alors une plateforme métallique montée sur huit roulettes. Elle était poussée par quatre hommes musclés et suants, prouvant le poids démentiel de l’appareil. Constituée d’une plaque de métal épaisse, renforcée de vis larges et nombreuses qui la maintenait en un seul morceau, elle portait sur elle une sorte de cage massive et comportant trois niveaux d’enfermements. La cage d’acier occupait le contour extérieur, tandis qu’une cage en bois en cerclait l’intérieur. Entre les deux se trouvait d’épais piliers en brique qui ne bougeaient pas d’un millimètre malgré les à-coups donnés par les pousseurs pour faire avancer ce chariot de l’enfer. Mais ce n’était là que le simple théâtre des évènements à suivre, de ce qui allait devenir le véritable numéro du soir, le clou du spectacle.

Au sein du piège complexe se trouvait un homme d’une quarantaine d’années à vue de nez. Ses tempes étaient grisonnantes mais son visage était encore majoritairement dépourvu de rides, ne laissant apparaître que d’immenses cernes sous ses yeux. D’un bleu tirant sur le vert, il observait ainsi chacun des invités qui le regardait, avec une haine sans pareille. Ses joues étaient émaciées et s’accordaient avec le reste de sa musculature, débile et atrophiée. Il avait l’air d’avoir traversé les enfers avant de se retrouver dans cette posture. Pour l’instant, ses poignets étaient enchainés au sol, le rendant incapable du moindre mouvement, complètement à la merci de celui qui lui avait accordé ce rôle de choix.

Avec prudence et presque pudeur, Burlesque s’avança dans sa direction, posant la main sur la cage extérieure alors que les mastodontes en charge de faire avancer la structure repartaient en coulisses. Il ne murmura pas un mot, se contentant de laisser ses doigts glisser contre les barreaux, faisant résonner le son de sa chevalière familiale. Le bijou en or venait frapper en rythme l’acier, lentement, suivi de près par le regard du prisonnier et par ceux de toutes les âmes présentes en ces lieux. Il parvint finalement au coin droit le plus avant et se baissa vers une sorte de poignée que personne n’avait encore remarqué. Il posa délicatement la paume dessus avant de s’exprimer, sa voix subitement augmentée et aussi forte que celle qu’il avait employée pour conter anonymement le début de la soirée.

- Mais les vieilles choses établies, construites, disciplinées, ont bien du mal à changer ainsi. Il faut d’abord les détruire, les déconstruire, les abandonner, pour enfin parvenir à les rendre meilleures. Haruba Takashi ici présent, est une de ces vieilles choses.

D’un coup sec, il tira sur la poignée qui ouvrit les menottes au plus profond de la cage. Un râle de douleur étouffé s’échappa avec difficulté de la gorge du malheureux, comme englué dans une colle épaisse et impénétrable. Progressivement, au rythme que ses membres mal nourris lui permettaient, il entreprit de se relever. Sans l’ombre d’une hésitation, il se jeta contre les barreaux de bois, frappant de toutes ses forces pour les briser. A l’instant précis où son premier coup toucha la barrière, une horloge tomba du plafond, retenue par d’épais câbles métalliques qui l’empêchaient de se balancer. Les aiguilles indiquaient 22h50 et la trotteuse entama sa route avec joie.

- Dix minutes. Voici tout ce qu’il me faut pour vous montrer comment changer les choses, comment faire de ce monde un endroit plus appréciable, où chacun serait respecté. Un monde où les valeurs archaïques cesseraient de nous enchaîner. Vous êtes désormais à dix petites minutes de découvrir mon monde.

La découverte de cette information avait explosé dans le crâne d’Haruba comme une piqûre d’adrénaline et, semblant plus vivant que jamais, il s’était mis à frapper encore plus fort, faisant éclater le bois de ses poings maigrelets. En quelques secondes, après moins d’une minute, il avait traversé la paroi ligneuse et se trouvait en face de cette brique rougeâtre qui lui barrait le chemin. Il n’avait pas renoncé et, malin, il entreprit cette fois de frapper l’un des barreaux avec ses pieds. Cette tâche allait s’avérer bien plus difficile.

- Haruba était un des artistes les plus appréciés de sa majesté Dally. Passionné depuis l’enfance par la peinture et complètement désintéressé des affaires matérielles, il a fait la fierté de son maître à penser en produisant des œuvres splendides. Splendidement conventionnelles et horriblement ennuyantes. Mais la plus grande erreur de notre ami ici présent est d’avoir choisi la reconversion professionnelle. C’est d’avoir choisi de devenir critique afin d’asseoir la position d’un tyran sur ce monde. C’est d’avoir choisi de définir mon art comme une horreur insoutenable et dénuée de toute vision artistique saine.

Tout le monde dans la salle savait qui était ce malheureux. Ils vivaient tous depuis longtemps sur cette île et avaient connu bien des artistes disparus par ses coups de plumes assassins. C’était désormais à lui de se confronter à des obstacles qui le dépassaient complètement. Cela faisait désormais quatre minutes que son supplice scénique avait commencé, dont trois qu’il avait passées à cogner sans relâche sur ce pilier de pierre, alternant entre ses jambes et ses poings. Ses phalanges s’étaient peu à peu couvertes de sang et de poussière mais il ne s’arrêtait pas. Et quand l’horloge indiqua 22h54, sa main légèrement bleutée et semblant cassée en différents points traversa le barreau qui se brisa sur le coup. Il put ainsi accéder au dernier niveau, celui derrière lequel se trouvait son tortionnaire, tout sourire, se pavanant avec fierté devant son œuvre.

- Notre ami, à la force de ses convictions et, apparemment, de son sens du sacrifice, est presque sorti de sa coquille ! Il est si proche désormais qu’il pourrait m’insulter en me regardant droit dans les yeux. Enfin, il lui faudrait une langue pour le faire, cela va sans dire.

Un rire partagé éclata dans la salle. Cette scène était particulièrement sadique et satisfaisante pour eux car, contrairement aux numéros précédents, nombre d’entre eux avaient de réels griefs envers cet homme et leurs sentiments venaient se mêler à ce que Burlesque avait réveillé en eux. Ainsi ils ne cessaient de cracher des insultes au rat de laboratoire piégé dans sa cage. C’était l’apogée de la violence humaine, de la perversion et de l’insupportable réalité du genre humain et le clown noir, au milieu de la piste, jubilait totalement. Il voyait ce pauvre idiot s’acharner sur les barres de fer, usant ce qu’il restait de ses poings, se brisant les chevilles un peu plus à chaque coup, mordant l’acier d’un désespoir visible. Les larmes qui coulaient sur ses joues étaient celles d’un être aux portes de la mort, de quelqu’un qui contemplait celle-ci avec l’absence la plus totale de dignité.

- Malheureusement pour Haruba et ce, malgré ses efforts considérables, malgré ses sacrifices et son don de soi, certaines barrières ne peuvent être surpassées. Certaines choses ne peuvent changer et sont voués, par définition, à disparaître. Voici presque dix minutes que ce témoignage du monde ancien tente d’échapper au destin qu’il s’est lui-même construit. Mais ne vous y trompez pas, cet homme est en réalité coincé dans ce piège depuis des années, sans même s’en rendre compte. Adieu, monsieur Takashi, votre numéro touche à sa fin.

Alors que l’aiguille la plus fine du cadran se dandinait tranquillement vers le douze qui marquerait la fin de ce tour, un grincement commença à se faire entendre. La partie supérieure de la cage semblait s’affaisser sur elle-même. En réalité, il s’agissait des pistons qui se trouvaient à ses quatre extrémités qui venaient de relâcher leur pression. Un mécanisme fut alors déclenché, alors que 23 heures sonnait. Les coins de la plateforme supérieure lâchèrent, laissant ainsi tomber une plaque d’acier de plusieurs centaines de kilos sur le corps pathétique du critique. Cette fois, contrairement au premier numéro, tout le monde avait gardé son regard braqué sur la victime et personne n’avait manqué l’évènement. Il fallait qu’ils le voient tous, en pleine lumière.

Il fallait qu’ils gardent tous le regard sur cet acte étincelant, sur cette lueur qui emplissait la salle, sur la face émergée de l’iceberg.



*   *   *

Hiver 1522 – Rhum Camp, Whiskey Peak – 7ème numéro: Abysses.

Star-Top Nation était passé, inscrit dans les livres d’histoire à tout jamais comme un tournant dans l’histoire du monde et de la révolution. Les chants, les écrits et les contes parleraient de ces hommes qui décimèrent une foule d’innocents au prix de leurs idéaux, de ces élites en uniforme qui payèrent lourdement le prix de leur arrogance. Tous parleraient d’un homme d’état mort ce jour là, de vainqueurs découverts et de perdants emprisonnés. Mais personne ne parlerait jamais de ce drôle d’Auguste noir qui était venu murmurer quelques mots à un tyran aux portes de la mort. Personne ne parlerait du changement majeur qui avait prix sa naissance au bord de ce brancard et qui n’aurait de cesse de grandir. Car sous la glace épaisse qu’est le monde de la surface et bien en dessous de ce qu’est le monde souterrain, la face cachée de l’iceberg s’étendait à perte de vue. Et les abysses n’attendaient qu’une lumière intense pour enfin se dévoiler dans leur entière horreur.

Pendant que les yeux étaient plantés dans les journaux, avides de nouvelles croustillantes, d’interviews et de légendaires récits sur ceux qui avaient sauvé la ville de l’arrogance, un mal insidieux faisait ses premiers pas dans leur ombre, aveuglés qu’ils étaient par la lumière factice qu’on leur braquait en pleine face. Les bruits couraient qu’un clown au costume violet et vert passait d’île en île et organisait des spectacles ponctuels pour qui avait le courage d’y assister. Mais ce qui semblait n’être qu’une légende morbide de plus racontant les méfaits atroces d’un metteur en scène fou allait se transformer en réalité pour les habitants de Rhum Camp. Encore traumatisés par le passage brutal de quelque bataille au sein de la ville, par les odeurs putrides qui avaient hantés leurs nuits durant des semaines, ils ne s’attendaient pas à être de nouveau plongés en plein cauchemar.

- Bien… Federico, Giulianna, Big Al… Il est temps de briller.

Au milieu de la rue, le visage à découvert et des vêtements sobres mais chic remplaçant son costume habituel, le jeune Alfonso avait écarté les bras pour donner le signal de départ à ses sbires. Monsieur Loyal, la pendue hypothétique et le bourreau salvateur se mirent alors en marche, bel et bien vêtu de leurs costumes, eux. Le vieux Loyal avait bien récupéré au cours des années et la petite fille qui narguait la mort à chaque représentation avait grandi pour devenir une magnifique jeune femme. Le porte-flingue, lui, avait encore gagné en masse musculaire et semblait encore plus imposant. Les trois énergumènes, tracts à la main, se dispersèrent dans la foule, tendant les invitations à qui acceptait de tendre la main. Contrairement à leur mode opératoire des dernières années, qui constituait à distribuer précautionneusement des invitations personnelles à ceux qui étaient liés à la pègre locale ou connus pour leurs déviances, cette fois ils agissaient sans aucune honte. Le premier spectacle entièrement public du cirque du Crépuscule allait avoir lieu et le sentiment de joie qui se répandait en Burlesque lui tira de chaudes larmes pendant que son faciès se décomposait complètement.

Mais ceci n’était qu’une illusion globale, forçant le peuple à regarder droit en sa direction, à admirer ou à haïr les horreurs qu’il proposait, à parler de lui et à transformer la douce légende en vérité éclatante. Pendant ce temps, il étendait ses activités criminelles comme il l’avait fait ses dernières années, grâce à des alliés de choix comme la famille Wallace, par exemple. Il cherchait ardemment l’attention des pontes de ce milieu, de ceux qui accepteraient de le recueillir comme un espoir prometteur en leur sein. Eux aussi seraient alors plongés dans l’illusion pendant que plus profondément, un nouveau monde était en train de naître. Il était temps pour Burlesque de commencer à réunir des alliés de choix afin d’atteindre son rêve.

Afin d’exister comme seule et unique lumière au sommet de ce monde.

PsychAli
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PsychAli
The 8-Legged Detective
posté le Ven 12 Mar - 22:48
Bon, nous voilà enfin devant ta fiche, après autant de hype, autant d'attente, on a enfin le plaisir de voir à l'oeuvre ce que ton DC nous réserve ! En plus, c'est la première fois que je te valide de quelconque façon qui soit, je crois bien, alors c'est un peu une nouvelle pour moi, ce qui j'avoue commence à devenir de plus en plus rare vu que la communauté ne fait que se raffermir avec le temps. Ahem.

Donc, pour marquer le coup, et changer un peu, je ne commencerai pas par la forme de ta fiche, mais par le fond, et tout ce qui va avec ; en commençant donc sans scrupule par ce qui dénote le plus dans ta fiche, tu es maître de la création d'ambiances particulière. Allant surtout dans le malsain, tu n'hésites pas à raconter, montrer les choses et c'est quelque chose que j'apprécie personnellement, partant du principe qu'on peut écrire sur tout, par rapport à tout, je ne m'étendrai pas sur ce sujet mais voilà mon commentaire le plus personnel par rapport à ta fiche !

Je dirais du coup qu'en terme de forum en lui-même, tu as l'air plus agréable avec le contexte d'OPA, et ton intégration à celui-ci ; clairement, tu le maîtrises assez bien pour y accorder des éléments du contexte à la fois intéressants, et bien utilisés, en plus d'être original par rapport aux autres PJ (puisque tu es surtout basé sur Dally, Pykasso et l'après Star-Top concernant ces deux éléments). C'est un gage de qualité de compréhension de l'histoire d'OPA, et même de ce qui l'entoure sachant que tu intègres même le dernier RPBG (même s'il commence à dater, finalement) et des éléments concernant d'autres PJ (comme la famille d'Anna). Burlesque est donc complètement ancré dans l'univers du forum, s'en retrouve influencé par ses liens avec ces éléments du contexte, incontestablement.

Je regretterais peut-être justement que malgré une telle importance de l'univers d'OPA chez Burlesque, il ne s'en détache pas assez, dans le sens où lui de son côté, il ne l'influence pas tant que ça. Alors, intrinsèquement, ses actes le mettent en lien avec l'univers (un personnage aussi particulier et meurtrier est obligatoirement recherché de tous les côtés, à mon sens), et surtout tout n'est pas noir de ce côté sachant que tu fais clairement l'effort de l'influencer, par ton intervention envers Dally, ou encore la manière qu'Alfonso a de mettre en scène des spectacles qu'il considère importants pour la compréhension de sa vision de l'art ! Mais en réalité, tu aurais pu aller plus loin je pense de ce côté, bien qu'évidemment ce n'est jamais une tâche facile je te l'accorde, mais voilà.

En parlant de Dally, du coup, tu utilises aussi vraiment bien les PNJ que tu t'appropries, enfin toute proportion gardée car celui qui est le plus présent dans l'histoire de Burlesque, c'est bien celui-ci. Tu fais intervenir Kroptokine aussi, enfin, plutôt sa séance de torture dans une longue scène ; donc bien qu'il était difficile de se foirer de ce côté-là, c'était parfait aussi. En fait, le seul élément qui me perturbe un peu, concernant Dally surtout, c'est la manière dont Alfonso a pu entrer en contact avec lui, juste après ses blessures ; était-il à Star-Top Nation au moment de l'attaque ? Si oui, comment l'a-t-il vécu ? Survécu ? C'est tout de même un élément important de cet événement du forum, et sachant que dans la timeline il est clairement explicité que très peu ont survécu aux attentats, c'est un aspect important à justifier ! Et même dans la continuité de ce défaut, je ne vois pas quand est-ce qu'exactement dans la timeline ton personnage a pu faire ce qu'il a fait, sans qu'il se soit fait arrêter en fait. C'est un assez gros détail, mais il reste important à mes yeux, et c'est dommage parce que ça te coûtera beaucoup de points. Néanmoins, j'ai vraiment bien aimé le cheminement de l'histoire de ta fiche, amenant à cet événement, c'est le genre de fil scénaristique agréable à démêler lorsqu'on en comprends les outils.

Il y a aussi les PNJ que tu as créé, qui ont leur importance dans l'histoire de Burlesque ; à commencer par ses parents, bien que mourant assez vite. Leurs actions (ou plutôt ce qu'ils subissent) auront néanmoins leurs effets sur Alfonso ; je me dis tout de même que c'est dommage qu'ils n'ont pas influencé, même a minima, leur fils de par leur vivant. Peut-être sa mère avec sa manière de rire malgré sa situation pittoresque ; et je dirais que c'est le plus grand regret que j'ai avec la fiche, pour ma part. Dans un sens, je comprends parfaitement pourquoi tu as raconté l'histoire de cette manière en fait, c'est raccord avec toute l'ambiance de l'histoire, mais je trouve ça un chouïa dommage. Après ils ne sont pas les seuls personnages à influencer le Burlesque, il y a également les autres membres de la Troupe qui sont au moins nommés ! C'est dommage qu'on n'en sait pas plus que cela sur eux, même si je me doute qu'ils seront développés IRP, car non seulement ça t'aurais fais gagner des points, mais en plus j'étais curieux de voir comment eux aussi ont été développés, avec le temps.

Bon, voilà. On ressent clairement l'inspiration (ou, les en fait) de Burlesque ; les serials killers artistiques sont un trope assez utilisés dans les fictions pénitentiaires ou policières, mais moi finalement j'y vois surtout une grosse référence à l'Homme qui rit (ou le Joker je suppose, pour la pop culture). Là, ça me parle ; mais finalement ce que j'ai trouvé le moins nécessaire, tu t'en doutes, c'est toutes les scènes qui ont mérité ton disclaimer ! Typiquement, la scène de torture de Kroptokine (que j'ai cru comprendre, t'as été expliquée par Arslan) était parfaite, jusqu'au moment où on passe à la deuxième partie, je trouve. Et en fait, c'est le cas assez souvent dans ta fiche, je pense qu'assister qu'à un "spectacle" de Burlesque aurait été largement suffisant et aurait permis de faire comprendre le principe, sans pour autant entrer dans la pornographie. En vrai, c'est un équilibre difficile à avoir je pense, et en soit je ne t'en voudrai jamais d'avoir tenté l'expérience (s'en référer à mes mots de plus tôt, je pense réellement qu'on peut écrire de tout, sur tout). Et je suppose aussi qu'il y a une histoire de sensibilité, mais je pense que lorsqu'on s'adonne à ce genre d'histoire et d'ambiance, il faut être deux fois plus prudent dans sa manière de raconter !

Voilà voilà. Sinon, sur la forme, eh bien je n'ai pas grand chose à dire, si ce n'est que tu as une très belle plume, véritablement. Tu as un vocabulaire vraiment varié pour le coup, des tournures de phrases stylisées et élégantes, qui ne se ressemblent pas toutes, c'est agréable à lire. La mise en page est aussi bien respectée, épurée, et je n'ai relevé aucune faute d'orthographe (ou du moins aucune qui m'a fait hausser un sourcil). On voit que tu as vraiment travaillé cette fiche et tu sais, c'est ce qui compte le plus finalement ! Bien joué à toi !

Petit commentaire de fin, même si je pense qu'en tant que PJ assez ancien et intégré sur le forum tu n'en as pas forcément besoin, mais là je me sens sympathique : j'ai cru comprendre que tu avais des choses de prévues avec Glorim, mais je te conseille aussi de chercher des RP avec d'autres PJ, avec qui tu pourrais t'entendre (ou pas, hein), comme les pirates les plus sanguinaires du forum à la Davy/Earl ; tout le délire sur l'art pourrait aussi faire un bien rigolo mélange avec tous ces personnages dont l'art est un élément important de leur personnalité (Alaude, Elvis, etc.), et il y a aussi Soren parce que vous êtes tous les deux des clowns. Il y en a d'autres, mais je ne vais pas t'encombrer car je sais que tu as déjà des plans. Donc...

Félicitations, tu es validé en tant que Pirate, avec 7300 Dorikis ! Bien évidemment, comme la loi ignore le droit, tes actions ont des conséquences, tu auras donc une bien grosse prime de 176 Millions ainsi qu'une Contre-Prime à 350 Millions pour tes agissements barbares et qui, malgré tes liens avec la pègre (qui je précise pour la postérité, ne peuvent être considérés comme des liens avec l'Underworld en tant que tel, disons que tu en connais l'existence, et peut-être certains rouages mais tu n'y es pas encore lié), est bien présente. Tu auras de quoi te protéger évidemment, avec ton Saru Saru no Mi : Modèle Atèle ; et donc ta Vivre Card sera générée peu de temps après cette validation. Sur ce... Bravo, encore une fois, et amuse toi bien avec ton clown !
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Quitte à vivre en hauteur, c'est mieux que de se pendre [Burlesque]
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